Nevitha

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XX

Je suis assise en face de Veronica et Imane, attendant qu'elles m'éclairent sur ma situation avec Yerim.

— C'est bizarre ça quand même, tu veux dire que tu ne l'as même pas touché ? Demande Veronica.

— Touché dans quel sens ?

— Arrête de faire l'idiote tu as vu son pénis ou pas ?

— Non, il est resté en caleçon.

— Il t'a dit quoi ? Intervient Imane avec un regard sévère.

— Rien justement.

Je me sens mal, je ne comprends pas ce que j'ai bien pu faire pour que pas ça ne fonctionne pas.
Toi.
Je revois mes vergetures, mes petits seins et surtout ma vulve non épilée. J'ai l'impression que c'est ma faute, c'est tout de même mon corps et mes défauts, défauts qui m'ont rendu assez indésirable, pour qu'il ne souhaite pas aller plus loin.

— Il est bizarre, commentes Vi.

— Il voulait peut-être juste être avec toi sans rien d'autre.

— Ou alors il a eu une panne, ça arrive aussi.

— Peut-être que c'est parce que je ne suis pas son style habituel, dis je

— C'est un garçon, ils regardent pas le style, juste l'opportunité.

— J'étais pas rasée.

Les deux se taisent et me fixent étrangement. J'appréhende ce qu'elles risquent de me dire, je crains qu'elles confirment mes craintes.

— Depuis quand ça te préoccupe ça ? Demande Imane en fronçant les sourcils.

— Ouais, elle est passée ou Nevitha féministe ?

Elle sait plus où elle en est celle-là.
Je m'attendais à ce qu'elles commentent ce soudain changement de considération sur mon apparence. Moi aussi je me demande pourquoi je m'en préoccupe, je me demande ce qui s'est passé et à quel moment ma vision des choses a changé. Je me sens coupable de me faire du bodyshaming, je me sens coupable en repensant à tous ces discours que j'ai eu à faire sur l'acceptation de soi au détriment des normes de la société et des hommes. Je sais bien que je ne devrais pas me sentir coupable, je ne devrais pas me sentir responsable, mais je n'arrive pas à faire le contraire.
Les complexes sont la manifestation d'une frustration due à un défaut particulier, qui est le plus souvent physique. Les complexes naissent donc des défauts, il faut donc remarquer le défaut pour être amené à sentir une quelconque frustration, pour remarquer un défaut il faut bien qu'il nous le soit reproché, un jour ou l'autre, de l'extérieur. Je me sens complexée parce que même sans le dire clairement, Yerim me montre des défauts. La femme est assimilée à un physique particulier. Nos pairs masculins sont souvent à l'origine de ces images ; ils créent dans la société le model d'une femme parfaite, à laquelle toutes les autres doivent se conformer. Ils construisent leur monde en se basant sur un concept inatteignable de normalité. Cette femme idéale n'est rien d'autre qu'un objet de désir, elle est la matérialisation du désir masculin et vouloir lui ressembler n'est en soi qu'une façon d'en devenir un nous-même. Pourtant la société nous formate à vouloir ressembler à ce modèle, on est élevé dans le but de plaire à un homme, et on est entourées de choses qui pourraient nous permettre de plaire à ce-dit homme. Je ne condamne pas le fait de se sentir bien dans sa peau, je condamne le fait de s'obliger à être belle pour recevoir l'approbation masculine. Et pourtant aujourd'hui je recherche cette même approbation masculine, je cherche à être un objet de désir.


— Je sais pas elle est où, j'ai l'impression qu'en couple les choses sont différentes, je me suis assumée pleinement féministe en étant célibataire et en haïssant les hommes, je ne sais pas vraiment comment être féministe en couple avec un homme justement.

TempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant