Nevitha

79 7 10
                                    

XX

3 semaines sans nouvelles, 22 jours exactement sans qu'il ne réponde ni à mes appels, ni à mes messages, beaucoup trop d'heures à passer en train de penser à lui, beaucoup trop de secondes perdues à espérer que tout ça ne soit pas arrivé.
Je suis tellement triste que je n'ai pas la force d'être en colère. Que dire maintenant que l'univers m'a confirmé une énième fois que les hommes sont tous mauvais ? Comment réussir à me convaincre du contraire après une énième tentative vaine ?
Je suis assise dans ma chambre en train de regarder à travers la fenêtre. J'ai mal, mais je ne sais pas où exactement, j'ai l'impression d'avoir oublié comment mon corps fonctionnait.
Tu t'es fait avoir.
J'ai tout déballé devant lui, je l'ai laissé entrer dans un endroit barricadé de murs et de barbelés : mon cœur, et il a osé partir avec ce qui s'y trouvait. Je me sens d'autant plus mal en pensant à tout ce qui aurait pu être, à ce qu'on aurait pu faire et devenir ensemble. Je pense à ce qui se serait passé si j'avais pu changer ne serait-ce qu'un seul détail dans l'histoire. Comment ai-je pu me tromper encore une fois ? Je l'avais pourtant pressenti depuis le début, je le savais, j'ai simplement fermé les yeux et j'ai traversé la route.
Pour finir renversée.
Je lui aurais donné le monde entier, je le haï d'avoir refusé. Des larmes se mettent à couler sur mes joues, ne faisant qu'ajouter du réel à la situation. Ma douleur ne diminue pas, elle enfle dans mon cœur comme un abcès increvable. J'aurais dû m'écouter, j'aurais dû rester loin de tout ça, j'aurais dû me choisir moi et me préserver, je n'aurais jamais dû le laisser me convaincre, ni lui ni personne d'ailleurs. J'entends la porte de mon appart s'ouvrir, j'espère encore le voir traverser la pièce, avant de me souvenir qu'il n'a pas les clés de chez moi. Je sèche rapidement mes larmes et attend de voir débarquer Imane. Lorsqu'elle me voit elle s'arrête et me dévisage avant de s'assoir.

— Comment tu te sens ?

— Mal.

J'ai toujours refusé qu'elle me voit faible, c'est une chose que personne n'avait le droit de voir à part mon miroir. Mais aujourd'hui c'est bien trop difficile de tout garder, j'en suis incapable.

— Je suis désolée de t'avoir encouragée Nevitha, je m'en veux tellement.

Sa culpabilité doit certainement la faire souffrir. Je me rappelle que pendant quelques instants, je lui en ai voulu de m'avoir poussée à sauter pieds joints dans le piège, mais ensuite mon cerveau c'est efforcé de me rappeler toutes les fois où elle m'a conseillé de faire attention. Ce n'est pas sa faute si je ne sais pas aimer prudemment, je ne peux pas lui reprocher ma naïveté.

— Tu m'avais dit de faire attention.

— Je m'en veux quand-même.

Je la prends dans mes bras et je la serre fort.

— Tu n'as pas à t'en vouloir, tout arrive pour une bonne raison.

Je n'y crois plus à ces paroles, je les débite parce que j'ai l'habitude de le faire pour réconforter les autres, mais sur moi elles n'ont plus aucun effet. J'ai mal et j'ai envie de pouvoir arrêter de ressentir, je le souhaite comme si cela se vendait au marcher. Devant Imane j'essaie de montrer un visage serein et fort, je ne devrais pas la laisser s'apitoyer sur mon sort, elle vit des choses bien plus graves qu'une peine de cœur.
Tu es ridicule.
Son étreinte me donne un peu de chaleur, assez pour que tout remonte à la surface et que sans pouvoir m'en empêcher je me remette à pleurer. Imane reste silencieuse, que pourrait-elle dire de toute façon ? Chacun de ses mots serait interprété différemment par mon cerveau blessé et ne ferait qu'appuyer sur la plaie. Je sens sa main passer doucement dans mon dos, comme lorsqu'on apaise un nouveau-né.

— Tu ne peux pas rester enfermée comme ça, on devrait essayer de sortir, dit-elle doucement.

La simple idée de pouvoir tomber sur lui par hasard suffit à me démotiver.
Lui ou Veronica.
Je me sens ridicule que ma conduite soit réglée en fonction des actions d'un homme, mais je n'y peux rien, comme si j'étais piégée par mes sentiments.

— Est-ce que tu as essayé de le contacter ?

Des messages non lus, des appels rejetés, voilà les souvenirs que j'ai de ces tentatives. Je me souviens m'être calmée pendant quelques jours, en attendant des nouvelles que je n'ai pas eues. J'ai ensuite pris le courage d'essayer de le contacter, je ne voulais que parler, avoir des explications, de « bonnes raisons ». Si j'avais pu j'aurais essayé sur Instagram et Snapchat, j'aurais certainement envoyé un mail si j'avais eu son adresse. Il a disparu si facilement, comme si rien de tout ce qu'on a partagé n'avait d'importance.
C'est le message qu'il te fait passer.

— J'ai essayé.
— Et tu as des nouvelles de Veronica ?

Je pense à mon amie rousse dans les draps de Yerim. Elle aussi semble avoir disparue, je regarde parfois quelques-unes de ses stories, mais je ne lui envoie jamais de message. J'ai peut-être besoin de temps pour accepter entièrement ce qu'elle m'a révélée, et qu'elle m'ait laissé tomber dans le piège alors qu'elle avait certainement une idée de ce que Yerim faisait. Je n'aurais jamais pensé que le train de vie de mon amie puisse m'éclabousser autant, je ne m'étais jamais imaginé qu'avec tous les gars qu'elle côtoyait elle finirait par tomber sur celui que j'aime bien. Je voyais toujours ses expériences de loin, je me contentais d'être spectatrice, voilà qu'aujourd'hui cela me touche de plein fouet, sans que je puisse complètement lui en vouloir.
Un peu quand même.
Mes yeux sont lourds et me piquent, mon corps semble fiévreux d'une maladie psychologique. Il faut bien que je finisse par accepter la situation, que je reprenne ma vie en main, et que je laisse le passé derrière moi. Je devrais commencer par répondre aux offres de travail que l'on m'a faite récemment.
Ça serait un bon début.

TempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant