Yerim

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XY

On a réussi.
Je n'arrive toujours pas à réaliser que j'ai atteint mon objectif ; Nevitha est tombée amoureuse de moi.
Les choses sont allées beaucoup plus vite que ce que j'avais imaginé, je pensais devoir lutter beaucoup plus, pendant beaucoup plus de temps et au final, tout s'est passé très vite.
Je la regarde dormir, blottie dans mes bras, tandis que son souffle chaud s'épanche contre ma poitrine.
On a réussi.
Mon cœur s'emballe, j'ai enfin atteint mon but, je l'ai enfin eu. Ce bonheur a un goût amer, je le sens inachevé, je ne me sens pas aussi heureux que ce que j'avais imaginé, après tous ces mois de lutte acharnée. Je n'ai pas encore couché avec elle, je ne l'ai pas encore pleinement possédé, c'est ça qui me manque, son corps entier. Désormais cette partie du plan est plus simple, ce ne sera qu'une formalité, mais une formalité importante pour me permettre d'enfin passer à autre chose.
Je la sens s'agiter dans son sommeil, elle a les sourcils froncés et marmonne des choses incompréhensibles.
De quoi rêve t'elle pour être dans cet état-là ?
Je vois une larme couler sur sa joue, et instinctivement je l'essuie du bout des doigts. Je resserre mon étreinte autour d'elle et me met à passer ma main dans ses cheveux, pour essayer de l'apaiser. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, depuis l'épisode des règles, j'ai l'impression de me sentir responsable d'elle, c'est étrange. La pluie ne s'est toujours pas arrêtée, il pleut des trombes depuis plusieurs heures, m'empêchant de m'éclipser.
En as-tu vraiment envie ?
J'ai envie d'elle, j'ai envie de voir son corps, je pourrais le faire là maintenant, mais la victoire n'en serait pas une si elle n'est pas pleinement consciente, je n'aurais pas gagné tant que je ne l'aurais pas vu froisser les draps de façon incontrôlable. Le faire pendant son sommeil ne me dérangerait pas, mais seulement après qu'elle se soit complètement abandonnée à moi.
Ce n'est pas le bon moment aujourd'hui, attend quelques jours.
Elle est trop dévastée pour que je puisse penser à mon désir, je risquerais de tout gâcher, je préfère patienter une éternité que de tout détruire maintenant. Il faut que je lui montre que je tiens à elle, et que le sexe n'est pas la première chose à laquelle je pense, après tout c'est l'une des premières caractéristiques d'un « homme amoureux ».
Le silence soudain m'indique que la pluie a cessé, du moins il ne s'agit plus de trombes d'eau. Je regarde l'heure 14h12, il faut que j'y aille, mon père m'attend pour déjeuner.
Je regarde Nevitha, je n'ai pas envie de troubler sa sérénité, elle semble vraiment apaisée et au regard de ses cernes violettes, je devine que ses moments de sommeil n'ont pas dû être fréquents ces derniers jours. Pourtant mon bras commence à s'engourdir et le fait qu'elle soit collée à moi me donne chaud, je devrais certainement m'en aller, elle le remarquera certainement à peine.
Et si elle refait un cauchemar ?
Je la regarde pendant quelques secondes, essayant de décider de ce que je compte faire. C'est un rituel d'aller chez mon père, il m'attend et en plus de ça je pourrais manger. Ce serait anormal de laisser tomber cela pour une fille qui dort. Je continue de la regarder, si mon choix est fait, pourquoi je n'arrive pas à me lever ?
Elle.
Une fille ne peut pas m'empêcher d'aller chez mon géniteur, l'homme qui m'a élevé et qui m'a appris tout ce que je sais, j'aurais d'autres occasions de convaincre Nevitha de ma tendresse. Je commence à me détacher doucement d'elle, en espérant ne pas la réveiller. Mais elle se met à froncer les sourcils et à geindre. Je m'arrête pendant quelques secondes le temps qu'elle se calme, mais son sommeil semble toujours aussi agité. Je patiente encore un peu en observant son expression faciale, mais elle continue de froncer légèrement les sourcils. Je reprends ma position initiale en entremêlant mes doigts dans ses boucles rebelles. Je ne sais pas si son visage s'apaise parce qu'il est posé contre ma poitrine, mais sa respiration devient silencieuse, je le sais car j'entends les petites goutes de pluies cogner contre la fenêtre.
J'irais chez mon père demain.

***

J'écoute à moitié mes oncles parler de politique sans jamais être d'accord. Je préfère faire un tour sur les réseaux sociaux et apprécier leurs contenus sans réel intérêt. Je ne sais pas ce que Nevitha fait, mais elle semble trop occupée pour qu'on puisse entretenir une réelle conversation.

TempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant