6/ Scène de crime et coulis de fruits rouges

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La gêne éprouvée par Katerine au moment où Campbell lui a fait comprendre qu'il savait qu'elle mentait, l'a travaillée pendant moins d'une demi-heure. Ensuite, elle a oublié. Trop de travail.

Elle a décidé qu'effectivement l'idée d'imaginer des scènes de crime était excellente. Quand elle ouvre une porte de chambre, elle s'arrête sur le seuil et commence pas regarder l'ensemble. Ensuite, l'histoire vient toute seule. Néanmoins, après sa dixième chambre, elle commence à se dire que les clients ne sont vraiment pas sympas et ne l'aident pas beaucoup. Ils manquent cruellement d'imagination et de fantaisie quand il s'agit de laisser une chambre d'hôtel. Jusqu'à la onzième et dernière chambre de la journée.

Lorsqu'elle ouvre, la première chose qu'elle voit c'est la tache rouge sang sur les draps.

— Merde !

Elle se précipite au cas où quelqu'un serait affalé de l'autre côté. Personne. Elle inspecte la salle de bain. Nada. Bon. Elle revient dans la chambre et s'approche du lit. La couleur du sang a un truc particulier qui la fait tiquer. Et puis cette odeur... sucrée ?

Elle s'approche encore plus près. Se penche sur la tache et se redresse aussitôt. C'est du coulis fruit rouge. Le même qu'elle a vu dans la cuisine en grande quantité à midi. Le client a-t-il renversé un désert dans le lit ? Mais dans ce cas, il n'y aurait pas que du coulis... Ou alors...

Ou alors, quelqu'un a intentionnellement versé ce coulis dans ce lit précisément, parce que c'est à elle de faire la chambre ! Il n'aurait quand même pas fait ça ! Le bras droit d'un patron d'hôtel a autre chose à faire que des farces au personnel.

Les mains sur les hanches et l'air contrarié, Katerine se retourne vers son chariot près de la porte. Et il est là ! Campbell ! Les bras croisés sur la poitrine, l'épaule contre le mur. Content de lui !

— C'est malin ! s'exclame-t-elle. J'espère que ça n'a pas taché le matelas... Sinon, vous vous expliquerez avec Mlle Beautemps !

— Est-ce comme ça que l'on parle à un supérieur ? demande-t-il soudain sérieux.

— Sans doute que non. Mais les supérieurs, les vrais, ne s'amusent pas à tacher la literie, exprès pour faire des farces à leurs employés...

— Un supérieur fait ce qu'il veut.

Katerine, qui est en train d'ôter les draps, s'arrête pour l'observer. Il s'est avancé dans la chambre. Il n'a quand même pas l'intention de faire ce qu'elle croit qu'il veut faire ? Elle attrape son gros ballot de draps et se plante devant lui. Comme il est beaucoup plus grand qu'elle, elle lève son visage en colère.

— Je vous arrête tout de suite ! Je ne suis pas le genre soubrette qui va se pâmer devant vos yeux. Je ne suis pas non plus la godiche qui n'ose rien dire et ne se rebiffe pas. Vous me touchez, vous êtes un homme mort ! Capisce !

Matthew Campbell recule d'un pas en éclatant de rire, tandis qu'elle fourre les draps dans un sac prévus à cet effet.

— Et bien, au moins les choses sont claires. Mais je n'avais pas l'intention de vous molester.

— Me... molester ? C'est quoi ce mot débile ?

— Nous savons tous les deux que vous n'êtes ni une psychopathe, ni l'idiote que vous prétendez être. Moi, parce que je me suis renseigné sur vous. Et vous, et bien parce que vous êtes vous, et que vous avez confiance en vous. On n'intègre pas une école d'ingénieur sans avoir quelques capacités...

— Bien. Vous avez fait vos devoirs. Maintenant, je peux finir mon boulot ? Parce que j'en ai un peu plein le dos de cette journée, et j'aimerais rentrer chez moi rapidement.

Il sourit et s'écarte pour sortir dans le couloir.

— Bonne soirée, Miss Bridgewater. À demain.

— C'est ça à demain...gnagnagna... marmonne-t-elle en s'emparant des produits pour nettoyer la salle de bain.

Faire le grand sautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant