27/ Affronter la tempête

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Katerine monte directement dans sa chambre. Sa mère est de garde ce soir. Comme elle l'a été tous les autres soirs de la semaine. Elle lui a laissé une part de pizza au four. La jeune femme n'a pas faim. Elle prend une douche pour effacer la journée. Se regarde dans le miroir. Frappe durement la porcelaine du lavabo.

La douche n'a pas suffi. Elle a encore besoin d'oublier. Elle s'habille pour aller courir. S'épuiser physiquement est toujours une bonne solution. Peu importe que la nuit tombe. Le front de mer est très bien éclairé le soir.

Elle a couru jusqu'à la jetée. La soirée est bien avancée maintenant. Un nouvel orage d'été se prépare. De lourd nuages roulent sur l'horizon. Le vent devient de plus en plus violent. Elle marche sur le long ruban de béton qui s'avance dans l'océan. La violence des éléments l'étourdit. Elle s'arrête au bout, s'agrippe à la rambarde. Fouettée par le vent et les embruns, elle ouvre la bouche et hurle sa peine et sa colère.

Sa peine d'avoir le cœur brisé, et sa colère d'être incapable de le réparer. Elle sait que tout est de sa faute. Malgré ce que lui a rapporté Sylvia, malgré ce qu'elle se répète à l'envie, elle sait qu'elle a blessé Matthew. Elle s'en veut. Elle regarde la plage qui continue à s'étendre à l'infini sur sa gauche. La maison des Campbell n'est pas si loin. Elle pourrait y aller. Elle est sûre qu'il n'y sera pas. Avant leur rupture, il lui avait parlé d'un dîner dans sa famille ce vendredi justement.

Elle ne sait pas ce qui la pousse à courir sur cette plage balayée par le vent où les vagues viennent se fracasser avec violence, à courir vers cette maison qui n'est pas la sienne. Qui ne sera jamais la sienne. Elle pense devoir cautériser une plaie. Elle pense pouvoir le faire en faisant un dernier adieu à un lieu où elle a été heureuse. Elle se sent stupide avant même d'arriver. Pourtant, elle persiste.

Lorsqu'elle arrive enfin, il pleut déjà depuis un moment. Elle est trempée. Mais ça lui est égal. Elle s'est arrêtée, les baskets submergées par les vagues glaciales. Le salon de la maison est allumé. Depuis la plage, elle voit une haute silhouette masculine en enlacer une autre. Beaucoup plus féminine.

Katerine serre les poings. Tu parles d'un dîner en famille ! Il n'a pas perdu de temps pour la remplacer ! Et après, on voudrait lui faire croire qu'elle a eu tort de rompre ! Voilà la preuve que cette histoire était vouée à l'échec ! Kat est furieuse. Elle a encore envie de hurler. Elle a envie d'aller lui dire ce qu'elle pense. Elle envie de le frapper. Elle pourrait.

Elle s'élance vers la maison. Prête au combat. Puis s'arrête à mi-chemin. De quel droit va-t-elle lui reprocher de chercher une autre partenaire ? C'est elle qui l'a laissé tomber. C'est elle qui est à l'origine de la rupture. C'est elle qui n'a pas voulu s'expliquer. Elle ne peut rien lui reprocher. D'ailleurs, elle ne pouvait rien lui reprocher avant la rupture non plus. Il a toujours été si... Katerine serre les poings et se détourne. Elle va repartir.

— Je peux vous aider ?

La fine silhouette de Katerine n'est qu'une ombre sous cette pluie, mais quelqu'un l'a remarquée.

— Tout va bien. Je ... J'ai couru un peu plus loin que d'habitude. Je reprenais mon souffle, dit-elle en criant un peu tant le vent est maintenant furieux. Je repars, finit-elle en se retournant vers l'inconnue pour la tranquilliser.

Mais l'inconnue a un visage familier qui l'arrête. Elle ouvre la bouche pour dire autre chose. Ne trouve rien. Referme la bouche. Mais ne bouge pas. La femme, face à elle, lui sourit. Et ce sourire. Ce sourire, comme elle le connaît !

— C'est impossible, murmure-t-elle pour elle-même.

— Qu'est-ce que vous dites ? hurle la femme. Venez à la maison le temps que l'orage se calme ! Vous ne pouvez pas courir avec ce vent ! Vous allez avoir un accident !

Faire le grand sautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant