9/ Le chat et la souris

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— Ah ! Kat ! Mme Beautemps veut te voir. Elle est dans son bureau au premier étage.

Katerine est étonnée. Elle espère qu'elle n'a pas fait d'erreur. Qu'elle ne va pas se faire passer un savon. Le sandwich pèse brusquement comme une brique dans son estomac. Elle va vers les ascenseurs. S'il y en a un déjà dispo, elle le prendra. Sinon, elle prendra les escaliers.

La double porte de métal s'ouvre... sur M. Campbell. Adossé à la rambarde du fond, il lit un document sans prêter attention à qui entre ou sort de l'ascenseur. Katerine hésite un bref instant, mais un groupe de serveurs bruyants arrive dans le couloir. Les serveurs sont lourds. Elle les évite autant qu'elle le peut. Elle passe le seuil, et les portes se referment.

— Bonjour Mlle Bridgwater.

Elle se tient près de la porte et lui au fond. Elle n'a rien dit. Elle ose à peine respirer. Il n'a pas levé le nez de ses documents. Comment a-t-il su que c'était elle ?

— Bonjour M. Campbell.

— Votre semaine s'est-elle bien passé ?

Il s'est rapproché. Elle ne bouge pas.

— Parfaitement bien, monsieur.

— Bientôt le week-end.

— Oui, monsieur.

L'ascenseur arrive enfin au premier. Elle a eu l'impression que le trajet durait mille ans. Elle ne se demande pas encore pourquoi elle est si gênée en présence de ce type. Pour le moment, elle veut échapper à l'immense cabine d'ascenseur qui lui paraît trop petite.

Elle sort d'un pas sûr.

— Mlle Bridgwater ?

— Oui, monsieur, répond-elle en se retournant vers lui.

— Vous êtes très en beauté, aujourd'hui.

Les portes se referment sur ces mots et sur le visage stupéfait de Katerine. Elle est furieuse. Il a dit ça avec un petit sourire moqueur. Bien sûr ! Parce qu'elle n'a l'air de rien après une matinée à récurer des toilettes et à refaire des lits ! Elle l'aurait giflé ! Elle n'a pas l'habitude d'être traitée de la sorte. Soit on la courtise. Soit on lui fiche la paix. Cette attitude de Campbell la déstabilise. Il s'amuse à la mettre mal à l'aise. Mais pourquoi ? Et pourquoi est-elle mal à l'aise justement ? Elle qui d'habitude a la répartie cinglante ?

Elle éclaircira tout cela ce week-end. Pour le moment, Madame Beautemps l'attend.

— Mlle Bridgewater. Asseyez-vous.

Katerine s'exécute. Elle voudrait être ailleurs mais fait bonne figure quand même. La femme en face d'elle la scrute. Comment peut-on aiguiser son regard ainsi. Pour un peu et la jeune femme demanderait des conseils à la vieille toupie pour apprendre à faire comme elle. Sûr que M. Campbell n'en mènerait pas large si elle arrivait à le regarder comme ça !

— Vous avez fait de l'excellent travail. Je sais que vous finissez votre semaine ce soir, mais j'ai une proposition à vous faire.

Katerine fronce les sourcils, intriguée. Voilà que madame-pète-sec se révèle sous un autre visage ! Décidément, c'est la journée des changements de caractère !

— Ce week-end, nous recevons tout un groupe de scientifique pour une sorte de symposium. Ils vont prendre l'aile sud de l'hôtel, avec toutes les chambres. J'ai déjà assigné une équipe au nettoyage. Cependant... il me manque des bras pour les autres clients. Est-ce que cela vous intéresserait de travailler un peu plus ? Pas toute la journée. Si je veux que vous soyez opérationnelle la semaine prochaine, il faut que vous repreniez des forces, mais disons de 10h à 15h samedi ? Ce serait payé en heures supplémentaires.

Madame Beautemps a dit les mots magiques. « Payé en heures supplémentaires ». La mère de Katerine est infirmière à l'hôpital. Elle ne roule pas sur l'or. Sans l'aide généreuse du père de Sylvia, Katerine n'aurait pas pu intégrer l'école d'ingénieur. Il a beau justifier son geste par la nécessité d'avoir Katerine près de Sylvia, les Bridgewater mère et fille ne sont pas dupes.

Ce job d'été bien payé est déjà une aubaine. Si en plus, elle peut faire quelques heures sup ! Ce serait génial. À la rentrée, elle pourrait peut-être s'acheter une voiture pour gagner en autonomie. Enfin.

— Oui. Madame Beautemps. Vous pouvez compter sur moi. Je serai là à 10h samedi.

— Très bien. Dans ce cas, retournez au travail. Je vais vous noter au planning. Vous n'oublierez pas de pointer demain.

Faire le grand sautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant