17/ Craindre l'éclatement d'une bulle

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— Tu ne vois pas Campbell, ce soir ? demande Sil allongée sur le lit de Kat.

Elle feuillette distraitement un magazine de mode. Elle n'a pas besoin de repasser, elle. Maria le fait très bien pour elle.

— Non. Il dîne avec sa famille.

— Il ne veut pas t'emmener.

— Si. Mais je refuse.

— Pourquoi ?

— J'ai l'âge de ses sœurs.

— Et alors ? Où est le problème ?

— Le problème c'est que rencontrer sa famille, c'est... rendre les choses plus compliquées.

— ... Ne me dit pas que tu ne l'aimes pas ? Je ne te croirais pas !

— Je... Je n'en sais rien, Sylvia. En fait, je ne me pose pas la question. Tu vois, dans la maison sur la plage, on est comme dans une bulle. Une parenthèse enchantée. J'ai peur que si nous changeons quoi que ce soit, elle éclate. Je sais bien qu'elle éclatera un jour. Fatalement. Mais pour le moment, je veux en profiter au maximum.

— Pourquoi est-ce qu'elle éclaterait ? Ça n'est pas logique... Si vous êtes bien ensemble...

— Je n'ai jamais tenu plus d'un mois avec qui que ce soit... il y a toujours un truc qui m'énerve au bout d'un certain laps de temps. Un truc qui me déçoit. C'est fatal...

— Et s'il n'y a rien... Tu vas en inventer un pour briser ta belle histoire...

— Pourquoi tu dis ça !

— Parce que... Katerine, tu es une abeille industrieuse. Tu butines et tu t'enfuis avec ce que tu as pris. Tu t'agites dans tous les sens pour masquer le fait que tu ne sais pas gérer tes propres sentiments.

— Qui es-tu ? Sors de ce corps ! Rends-moi Sylvia chouchouille !

Sylvia lève un visage souriant vers elle.

— Je suis peut-être une chouchouille ! Mais je ne suis pas aveugle ! Depuis le temps que je vis avec toi !

— Écoutez-moi ça ! Mais c'est qui cette nouvelle Sylvia !

— Arrête ! Je suis sérieuse, Kat ! Il est bien Matthew... Tu devrais y réfléchir à deux fois avant d'envisager l'éclatement de la bulle.

— Je ne l'envisage pas !

— Menteuse !

— Je t'assures que je ne l'envisage pas ! dit Katerine en fixant son amie d'un regard étonné.

— Mais tu ne vas pas manger avec sa famille... tu ne veux pas les rencontrer pour éviter les drama en cas de rupture. Tu envisages l'éclatement de la bulle, dit-elle simplement en reprenant sa lecture.

Sylvia a raison ! Bordel ! Sylvia a entièrement raison ! Comment c'est possible, ça ! Katerine s'assoit lourdement à son ancien bureau de lycéenne. Elle observe le panneau qui est accroché juste au-dessus. Les endroits adorés. Des bouts de rien et de tout. Les visages souriants. Et parmi eux celui d'un garçon qui était tombé amoureux d'elle. Un garçon qu'elle avait abandonné avant que ça ne devienne sérieux sous le fallacieux prétexte qu'ils allaient dans deux coins différents du pays. Elle ferme les yeux. Chasse le souvenir du garçon.

Elle a réalisé le panneau avec Sylvia durant la dernière année de lycée pour garder un souvenir. Elle ne le regarde jamais vraiment quand elle rentre certains week-ends dans l'année. Elle est trop occupée par le travail qu'on lui demande de produire à l'école d'ingénieur. Trop occupée par sa nouvelle vie depuis quatre ans. Il lui reste une année avant le diplôme.

— Et si on préparait un autre panneau ?

— De quoi tu parles ?

— D'un panneau souvenir comme celui-là, mais de l'école d'ingé...

— Super idée... Tu as changé adroitement de sujet.

— Sil...

— Kat ?

— Je n'ai pas envie d'en parler.

— Je sais.

Faire le grand sautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant