30/ Une mère ne lâche pas le morceau

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Le réveil est douloureux. Courir fait partie de ses petits plaisirs. Mais pas autant, et certainement pas en pleine tempête. Katerine est parcourue de courbatures. Elle se lève et file sous la douche. L'eau chaude lui fait du bien. Elle use la totalité du tube de crème décontractante sans trop d'espoir cependant. Sans compter qu'elle sait pertinemment que le lendemain sera pire. Elle doit se réapprovisionner au plus vite.

— Bonjour, ma puce. Tu veux du café ? Je viens de le faire.

Katerine est étonnée. Quand sa mère est de garde de nuit, elle part dormir dès qu'elle rentre à l'aube et ne se réveille que tardivement. Or, il est à peine 8h00 du matin et elle est en train de faire des pancakes.

— Qu'est-ce que tu fais debout ? Tu n'es pas fatiguée ?

— Oh que si... Tu n'imagines même pas ! Cette nuit a été cauchemardesque ! À croire que la tempête a rendu les gens fous ! Mais bon... nous devons parler. Et je me rends bien compte que je n'ai pas été la mère idéale, alors je fais un effort. Le café est corsé, et toi, tu vas t'asseoir ici et avaler mes pancakes...

— Maman ! Ça va ! C'est bon ! Va te coucher et repose-toi ! On aura tout demain pour parler si tu veux !

— No way, jeune fille ! Assise ! Café ! Pancakes !

Et joignant le geste à la parole, Lydia dépose une tasse fumante devant sa fille avant de faire glisser deux pancakes légèrement cramés dans une assiette. Katerine s'assoit lourdement en grimaçant.

— Tu as mal quelque part ?

— Je suis allée courir hier soir.

— Je me disais bien qu'il y avait une vieille odeur de baskets humides puantes dans l'entrée. Tu peux me croire quand je te dis que ça ne me manque pas quand tu es à l'école, cette odeur !

— Je les sortirai dès que j'aurai avalé mes pancakes, dit Katerine en souriant.

— Bien... Tu es allée courir. Et donc ? Ça va mieux dans ta petite caboche ?

— Maman ?

— C'est que tu vois, j'ai réfléchi. À toi. À ce M. Campbell. Très séduisant, d'ailleurs. Même quand il est en colère.

— Maman !!!

— Quoi ! Je n'ai pas le droit d'apprécier la marchandise quand il s'agit de celle de ma fille ? Il ne manquerait plus que ça !!! Il est très séduisant ce M. Campbell. Ce qui m'amène à la suite. Et laisse-moi parler, veux-tu ? dit Lydia en voyant l'intention de protester de sa fille. Écoute-moi bien, jeune fille ! Je ne t'ai jamais vue, tu entends, jamais vue dans l'état dans lequel tu étais l'autre soir ! Ma magnifique et dynamique fille ! Tu as toujours pris les ruptures plutôt du bon côté jusqu'à présent. Un peu de tristesse parce que c'est quand même la fin de quelque chose, mais jamais de regret, que ce soit toi ou le partenaire qui brise le lien... ce qui me pousse à conclure que, jusqu'à présent tu n'as jamais été vraiment amoureuse ! Et puis, arrive ce Campbell avec son sourire à dix-mille dollars, et te voilà en morceaux ! Et pourquoi ? Parce que tu as rompu ! Toi ! Ça n'est pas logique ! Sauf si...

— Sauf si quoi, maman ?

— Sauf si tu es amoureuse de ce type et que tu as rompu parce que ça devenait trop sérieux et que tu as fait ce que toute personne saine d'esprit devrait envisager dans cette situation, tu as pris tes jambes à ton cou. Crois-moi, j'en sais quelque chose ! Je suis championne toute catégorie de la fuite... Sauf qu'une personne saine d'esprit ne s'y résout pas !

— Et alors ? Ça change quoi d'en parler ? C'est fait...

— Tut ! Tut ! Tut ! Pas de ça avec moi, jeune fille ! Je ne vais pas te laisser faire les mêmes erreurs que moi ! Pas question !

— Les mêmes erreurs ? Tu as quitté papa parce que tu étais enceinte et qu'il ne voulait pas entendre parler de moi.

— Non. Tu n'as pas compris. J'ai quitté ton père parce que je ne voulais pas être une femme entretenue en secret. Je ne voulais pas que tu sois une enfant cachée. J'ai pris une décision difficile qui impliquait de te priver de père. J'ai été égoïste. Rien ne dit qu'au bout de quelques années de jonglage entre un mariage arrangé et moi, James ne m'aurait pas choisie ! Ne nous aurait pas choisies !

— Et alors ! Je ne vois pas le rapport avec la fuite.

— Le rapport, chère enfant obtuse et renfrognée, c'est que j'ai fui parce que j'ai eu peur d'affronter les rumeurs. J'ai eu peur de ne pouvoir assumer cet amour sur de longues années. Je t'attendais. Je savais que tu serais toujours liée à moi. Lui, je n'en avais pas la certitude. J'ai parié qu'il ne me choisirait jamais. Alors je suis allée au-devant d'une hypothétique rupture. Ça ne te rappelle rien ?

Faire le grand sautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant