2/ Celle qui a peur de tout

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Katerine se tourne vers Sylvia qui la fixe de ses yeux terrorisés. Sylvia a peur pour son amie. Elle a peur de la perdre. Elle a peur de se retrouver seule. Son mascara a coulé, et sa peau est très pâle. Comme ça, elle a les yeux d'un maki catta. Katerine adore les maki catta.

— Sil, arrête de pleurer, bon sang ! Tu vois bien que c'est sécure ! Regarde, ceux qui sont passés avant moi... ils sont bien vivants ! Arrête ! Je t'en prie !

— Il va falloir y aller mademoiselle, dit l'instructeur qui n'a que faire de la relation des deux filles.

Lui, tout ce qu'il voit, c'est le petit gabarit de sa candidate. Il l'a évaluée. A calculé ce qu'il devait prévoir pour qu'elle ne se tue pas en faisant le saut de l'ange. C'est son job. Il vérifie une dernière fois les sécurités sur le devant de l'harnachement.

— Ça va ! C'est assez serré ! s'exclame Katerine en le fixant dans les yeux. Vous ne seriez pas en train d'en profiter pour me tripoter quand même ?

L'instructeur rougit jusqu'aux oreilles, et la jeune femme éclate de rire. C'est qu'il est jeune et plutôt pas mal. Alors elle en profite. Sylvia s'est approchée.

— Laisse-le faire son travail, Kat. Il faut que tu le laisses faire son travail...

— C'est bon, Sil. Tout va bien se passer. Tu verras. Et j'espère que ça va t'inciter à faire un truc fou aussi...

— Certainement pas ça, Kat !

— Je ne disais pas dément. Je disais fou. Genre aller au parc d'attraction et entrer dans la maison hantée, par exemple.

L'instructeur qui est toujours près de la candidate écoute leur conversation qu'il trouve étrange. La maison hantée, ça n'est quand même pas le truc le plus fou du parc ! Ça serait même le truc le plus soft et moisi...

— On y va ? demande-t-il à Kat.

— On y va.

Et Kat s'élance de la plate-forme en un superbe saut digne d'un plongeon de la mort du haut d'une falaise. Sauf que là, il n'y a pas d'eau en bas. Ou si peu. Et beaucoup de vide avant de l'atteindre. Elle hurle autant d'excitation que de peur. Et elle rit. La terreur lui fait toujours ça. Elle rit aux éclats.

Sur le pont, Sylvia s'est précipitée vers la rambarde pour voir son amie. Elle ne veut pas la quitter des yeux. Elle a peur que si cela arrive, elle disparaisse à jamais. L'instructeur est obligé de la retenir pour éviter un accident. Les plus peureux sont parfois les plus téméraires. Il en sait quelque chose. C'est souvent de l'inconscience. Alors, il préfère éviter l'accident. Et puis, Sylvia est plutôt jolie. Bien plus que la brindille dont le rire dément forme un écho dans les gorges en contrebas.


— Tu vois !! C'était rien !

— Tu es folle ! Vraiment ! Imagine si...

— Si, rien du tout ! Tout s'est bien passé et je suis en vie !

— Miraculeusement !

— Ce que tu peux être chouchouille quand même !

— Chouchouille !!! Non mais tu as vu ce que tu as fait ? Tu as vu ? Tu as sauté dans le vide du haut d'un pont...

Katerine observe Sylvia à la dérobée. Son amie est plus énervée que d'habitude. Il y a autre chose...

— Dis-donc Sil ? C'est mon saut qui te rend folle ou le numéro que l'instructeur t'a inscrit sur la main ?

Sylvia cache aussitôt sa main dans sa poche et fusille Katerine du regard. Cette dernière éclate alors de rire.

— C'est bien ce que je pensais. En fait, tu t'en fiche totalement du saut !

Faire le grand sautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant