8/ Amitiés naissantes

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La semaine passe finalement assez vite. Katerine est noyée dans les draps et les serviettes sales. Sylvia se plonge avec délice dans un océan de chiffres qui la réconforte lorsque Matthew Campbell passe près du bureau, et que son petit cœur s'emballe.

Madame Beautemps a-t-elle fait un rapport ? A-t-elle rapporté l'intrusion de Campbell dans la chambre ? Katerine l'ignore, mais le bras droit de M. Greengard n'a plus fait d'apparition, ni n'a inventé de stratagème pour la perturber. Elle le voit peu en définitive. Moins que Sylvia. Beaucoup moins. Et jamais seul. Il n'est pas LE bras droit de Greengard. Il est son homme dans l'hôtel. Il est celui qui gère toutes sortes de problèmes pour que l'établissement continue à fonctionner correctement et génère des profits. Greengard, lui, gère beaucoup d'autres choses et pas depuis l'hôtel. Il n'est plus dans les pattes de Sylvia, ce dont elle ne se plaint pas.

Katerine continue d'imaginer des scènes de crimes quand elle n'invente pas carrément des histoires aux clients qu'elle voit passer.

Cette vieille dame aux cheveux couleur aubergine, par exemple, est une ancienne chef de clan mafieux. Elle a pris sa retraite en simulant sa mort. Maintenant, elle parcourt le monde avec son petit chien dans un sac dont la couverture soigneusement pliée dissimule une arme prête à l'emploi. Si Madame Grinberg savait ce qu'imagine la petite femme de ménage qui s'occupe de sa chambre durant son séjour, elle en serait sûrement offusquée. Même si l'existence d'une veuve d'un industriel et mère de six enfants peut se rapprocher sur certains aspects de celle d'un mafieux, le flingue en moins.

Charles se joint parfois à Sylvia au moment de la pause déjeuner. Elle, la grande timide, a eu pitié de ses repas pris en solitaire dans son bureau. Katerine l'aime bien. Il est gentil avec Sylvia. Il ne la brusque pas. En même temps, ils se ressemblent tous les deux. Sauf que Charles n'est pas aussi doué que Sil avec les chiffres et qu'il a quelqu'un dans sa vie malgré son crush pour M. Campbell.

Le vendredi midi, ils sont tous les trois assis sur le muret derrière les cuisines. Ils mangent en silence des sandwichs insipides pris au distributeur du couloir. Les employés n'ont pas droit aux bons petits plats du chef de l'hôtel. À moins de débourser une certaine somme par mois. Katerine pense furieusement que Greengard est un radin. À moins que ce ne soit une idée de Campbell. Ce doit être ça ! Elle aime faire de lui quelqu'un de peu sympathique. Et pas seulement parce qu'il s'est moqué d'elle – après tout, elle avait commencé - mais parce qu'elle lui trouve un petit air arrogant. Ça l'énerve.

— La semaine prochaine, je fais mes propres sandwichs ! déclare-t-elle.

Sylvia manque de s'étouffer. Elle avale une grande gorgée d'eau avant de rire.

— Ben quoi ? dit Katerine.

— Tu vas faire des sandwichs ? Mais oui, c'est ça ! Je te rappelle la dernière fois que tu es entrée dans une cuisine pour y faire à manger ou j'épargne le douloureux et pénible récit de ta déconfiture à Charles ?

Kat n'en croit pas ses oreilles ! Sil qui fait de l'humour devant une tierce personne... il faut que ce Charles soit très spécial, tout de même.

— Bon, ok ! Mon poulet n'a pas été une réussite ! Mais des sandwichs, je devrais pouvoir me débrouiller... ils seront toujours meilleurs que ceux du distributeur.

— C'est sûr que pire, ça doit pas être possible. Tu as tes chances ! dit Sil en enfournant la dernière bouchée.

Elle avait très faim. Kat lui envoie un coup de coude, et Charles sourit en mâchant son propre sandwich fait maison et qui a l'air délicieux.

— En fait, dit-il, on pourrait se partager le travail. On pourrait faire des sandwichs pour trois à tour de rôle. Comme ça, on goûterait celui des autres...

Katerine applaudit. Elle pense qu'elle appréciera les sandwichs des autres beaucoup plus que les siens. Sylvia trouve la proposition amusante. Elle a déjà plein d'idées. La suggestion est adoptée à l'unanimité.

Ce Charles plaît de plus en plus à Katerine. Et à voir le comportement étonnant de Sil en sa présence, il plaît aussi à son amie... elle ne serait pas en train de s'amouracher d'un homo quand même ?

Faire le grand sautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant