Matthew se tient près d'elles. Son costume est froissé, ses cheveux sont décoiffés, et une ombre de barbe s'est invitée sur ses joues. Ses yeux si clairs d'habitude, sont sombres et fiévreux. Katerine voit l'appréhension dans ce regard. Matthew est épuisé. La fatigue l'empêche d'afficher le masque d'impassibilité qu'il arbore d'ordinaire quand il veut prendre de la distance.
C'est que, contrairement à Sylvia qui a dormi pendant le vol et a eu droit à une douche réparatrice, il n'a pas fermé l'œil pour veiller sur elle au cas où, et n'est pas passé à l'hôtel où il a pourtant réservé une chambre. Il a d'abord suivi les filles. Puis les a devancées.
Sylvia s'est arrêtée au moment où elle allait croquer dans son sandwich. Elle attend la tempête, l'ouragan, le désastre.
Katerine fixe Matthew sans rien dire. Elle sent la colère rugir brusquement.,Elle est consciente de ce qu'il a accompli uniquement pour elle. Parce qu'il l'aime. Mais alors pourquoi réagit-elle si violemment à sa venue ? La panique ! Katerine respire vite. Il lui montre de nouveau son engagement total, et ça la terrorise. Encore une fois.
Pourtant, elle n'a jamais autant regretté d'avoir suivi son instinct que lorsqu'elle a rompu. Elle demandera à Sylvia de lui confisquer son téléphone la prochaine fois qu'elle sera au bord du gouffre. Mais y aura-t-il une prochaine fois ? Elle ne veut plus quitter Matthew. Plus jamais. Enfin, pour le moment. Elle est prête à rencontrer toute sa foutue famille ! Elle est prête à dîner toutes les semaines avec eux ! À mettre des pulls ringards à noël s'ils le souhaitent ! Elle est prête !
Qu'a dit sa mère à propos des opportunités à saisir ? Il est temps d'abandonner la colère.
Katerine se lève pour faire face à l'homme qu'elle aime. Elle peut presque le toucher. Il esquisse un sourire, fourrage dans ses cheveux déjà bien décoiffés. Elle adore quand il fait ça. Il ne le sait pas. Elle se promet de ne rien lui dire. Cela gâcherait toute la spontanéité de ce geste qui prouve la gêne qu'il ressent. Là, dans ce restaurant bondé, où les regards sont presque tous braqués sur lui.
Matthew se redresse malgré l'épuisement qui le gagne depuis qu'il est entré. Il n'ose rien dire. Ni faire. Il attend qu'elle l'achève ou qu'elle lui accorde quelque chose. Une miette d'elle. Il en est là. Il ne peut pas lutter. Il ne veut pas. Ça tourne en boucle dans son crâne. Il l'aime. Bordel ! Il l'aime ! Et il est prêt à attendre, à souffrir comme un chien pour cette femme-là !
Elle tend la main vers son visage et lui caresse la joue. Matthew sent son cœur manquer un battement. Alors, elle se met sur la pointe des pieds pour l'embrasser, et son cœur explose tout à fait. Ses bras se referment sur le corps si fin de la jeune femme. Si fin qu'il a eu peur de le briser la première fois qu'ils ont fait l'amour dans un lit.
Le baiser devient vite intense. Ils ont faim l'un de l'autre.
— C'est mal de profiter d'un homme épuisé, Mlle Bridgewater, murmure-t-il quand elle le laisse reprendre son souffle.
— Cet homme a mérité son châtiment.
— Et il l'accepte. Bon dieu, il l'accepte, dit-il en l'embrassant de nouveau.
Autour d'eux, certains clients applaudissent. D'autres crient leur enthousiasme. Décidément cette adresse est parfaite pour les scènes romantiques. Sylvia affiche un large sourire. Elle pense à prendre une photo digne d'un paparazzi qui ne sait pas régler son appareil. En d'autres termes, la photo est floue, et les destinataires ne sauraient pas de qui il s'agit s'ils n'avaient pas remarqué l'expéditeur.
Charles sourit. Lydia aussi. Finalement, Katerine a fait le plus grand saut de sa vie.
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Faire le grand saut
ChickLitQuand le père de Sylvia la contraint, elle et sa meilleure amie, à accepter un job d'été dans un hôtel, il n'imaginait pas qu'il allait non seulement changer l'existence de sa fille qu'il adore, mais aussi, et d'une manière bien plus radicale, celle...