48/ Un homme amoureux

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— C'est ce qui est incompréhensible ! Elle aurait pu m'en parler avant... tenter de dire...

— Pas Katerine ! Katerine n'est pas fragile, même si son physique peut tromper l'ennemi. Elle est forte. Elle fonce. Elle ne transige pas avec sa peur ! Elle a pensé que c'était la seule solution pour franchir l'obstacle. Comme lorsqu'elle saute d'un pont parce qu'elle a pris conscience qu'elle avait peur du vide. Elle est...

— ... horripilante, folle à lier, et totalement inconsciente !

— Oui, ça aussi ! Tout ça ! Et encore bien d'autres choses ! dit Sylvia en riant.

Matthew Campbell sourit lui-aussi. Il revoit le dernier regard courroucé que lui a lancé Katerine quand elle a compris qu'il avait saboté son saut en parachute.

— Je me demande comment elle a réagi quand elle est arrivée à l'aérodrome.

— Oh ! Vous ne voulez pas savoir !

Matthew soupire. Il voit que Sylvia commence à partir. Elle a du mal à garder les yeux ouvert. Alors il ouvre son cœur un peu plus.

— Je n'arrive pas à être indifférent. J'ai essayé... Trois jours sans la voir. Sans lui parler. Ça a été un véritable calvaire. Je n'ai pas envie de la laisser sortir de ma vie. C'est bien là tout le problème. Je n'ai pas envie de laisser tomber. Mais, toute la question est de savoir si elle, elle a des sentiments pour moi. Parce que rien n'est moins sûr...

— Si elle a des sentiments pour vous ? Mais vous êtes une enclume ! s'exclame brusquement Sylvia, les yeux plein phare. Vous croyez qu'elle réagirait de cette manière si elle n'en avait pas ? Elle est folle à lier, c'est vrai ! Et parfois, je l'attacherais bien à une chaise juste pour arrêter d'avoir le tournis ! Mais elle est amoureuse ! Et c'est, selon elle, ce qui pouvait lui arriver de pire ! Parce qu'elle ne sait pas comment réagir ! Elle ne sait pas si elle en est capable ! C'est pour ça qu'elle a fui ! C'est pour ça qu'elle a été incapable de s'expliquer ! Elle vous aime ! Même si hier, elle vous aurait bien étripé ! L'empêcher de sauter !! Vous cherchez vraiment les ennuis, vous !

Puis le corps de Sylvia s'affaisse. Elle est KO. Matthew attrape le téléphone qu'elle tenait encore entre ses mains avant qu'il ne tombe au sol. Il ne peut s'empêcher de regarder le dernier message. Lydia Bridgewater.

« À moins que tu n'aies vaincu ta peur, c'est bien qui je crois qui te fournit les somnifères et t'accompagne ? Petite cachottière ! Mais attends-toi à un ouragan à l'arrivée ! »

Matthew sourit. Un ouragan ? Sans doute pire...


L'avion décolle quand la nuit tombe tout à fait. Ils auront une escale à mi-parcours. L'avion de M. Greengard n'est pas assez puissant pour faire le trajet d'une traite. Il ne s'inquiète pas pour Sylvia. Elle a été installée dans un fauteuil en position allongée. Recouverte d'une couverture, elle dort paisiblement. Il a fait quelques photos pour les lui montrer à l'arrivée.

Peut-être que ça l'aidera à surmonter sa peur. Sylvia a, en règle générale, un problème avec les moyens de transport. Tous ou presque : Tétanisée par l'avion. Malade en voiture ou en train. La moto, n'y songeons pas. Le vélo, et encore.

Du coup, la jeune femme ne va jamais très loin. Se contentant d'attendre son père quand il part en voyage. D'attendre avec sa meilleure amie, qui elle, si elle pouvait, emprunterait une fusée pour aller sur la lune.

Il n'a jamais vu deux amies aussi dissemblables. Les peurs de Sylvia. Les défis de Katerine. Deux pôles. Et pourtant une attraction indéniable. Une amitié indéfectible. Un lien aussi fort que celui qu'il partage avec Jane.

Katerine, la téméraire. La tête brûlée. Katerine.

Depuis qu'il a parlé avec Jane, les sentiments qu'il éprouve à l'égard de la jeune femme sont plus clairs. S'il était déjà convaincu de l'aimer avant leur rupture, il n'avait pas imaginé cet amour si puissant. Si dévastateur. Les derniers jours lui ont prouvé qu'il n'envisageait pas d'en rester-là, sur une rupture aussi brutale et douloureuse. Il avait besoin de comprendre, malgré le discours de Jane. Il avait besoin de l'entendre de la bouche de Katerine. Il était convaincu qu'en le formulant, la jeune femme prendrait conscience de ce qui se passait entre eux. Qu'elle ne pourrait pas fuir de nouveau.

Il espérait à présent que ce soit réellement possible.

Il accompagnait Sylvia pour accomplir sa propre croisade.

Faire le grand sautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant