7/ Beautemps mauvais temps

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À peine est-elle entrée dans la douche que Mlle Beautemps apparaît.

— Je peux savoir ce que vous fabriquiez dans cette chambre avec M. Campbell ?

— Vous n'avez qu'à lui demander ! lance sans réfléchir Katerine alors qu'elle essuie le miroir.

— Comment ? Mlle Bridgewater, je vous prierai de me parler sur un autre ton. Peut-être que votre insolence plaît à certains, mais pas à moi !

Katerine comprend parfaitement que si elle ne veut pas récurer des toilettes tout l'été, elle va devoir se montrer moins directe. Donc plus de tact, même si ça n'est pas son fort.

— Excusez-moi, Mme Beautemps.

— Bien. J'aime mieux ça. Pourriez-vous répondre, je vous prie ?

— M. Campbell voulait juste savoir si ma première journée s'était bien passée. Je crois qu'il venait de la part de M. Greengard.

Violette Beautemps scrute un instant la frêle jeune femme. Elle ne semble ni satisfaite, ni contrariée. Son visage arbore la même expression que lorsqu'elle donne ses ordres. Puis elle tourne les talons sans un mot. Perturbant mais pas fatal. Katerine retourne à son travail.

— Alors ?

— Épuisant... En plus, ton M. Campbell va me créer des problèmes...

— M. Campbell ? Pourquoi tu dis ça ?

Katerine entreprend de raconter à Sylvia la farce que Matthew Campbell lui a faite et l'arrivée inopinée de Mme Beautemps.

— Mince... dit Sylvia avec un air triste.

— Pourquoi tu fais cette tête. Ça va aller, tu sais... Je sais y faire pour calmer tout le monde ! Tu me connais.

— Non. C'est pas ça. C'est...

— Campbell ? T'inquiète ! Je vais te l'envoyer promener vite fait, celui-là ! Il n'aura d'yeux que pour toi !

Sylvia se mange un ongle. Mauvais signe. Katerine lui prend la main.

— Hé ! Sil ! Il est pour toi, si tu le veux, mais franchement, je ne vois pas ce que tu lui trouves... en plus, c'est un vieux croûton !

— Il n'est pas si vieux.

— Bon. Autant pour moi. Mais il va falloir sacrément faire des efforts. Tu en es consciente. Parce que c'est pas le genre romantique qui va tomber à tes genoux... Enfin, je crois pas.

— Peut-être que si.

— Sil !!!

—Bon. Oui. Je vois bien comment il est. Je l'ai observé cet après-midi. Mais rien ne dit qu'il n'a pas un cœur d'artichaut. Peut-être qu'il est comme toi...

— Comment ça comme moi ?

Sil s'est tu. Rougissante, elle baisse la tête.

— Hé ! Sil ! Va falloir me répondre, là !! Tu ne peux pas me laisser en plan ?!

— C'est que je ne veux pas que tu te fâches contre moi !

— Est-ce que j'ai l'habitude de me fâcher contre toi ?!

— Non. Mais tu pourrais.

— Allez ! Crache le morceau ! Autrement, je te chatouille jusqu'à ce que mort s'ensuive ! dit soudain Katerine en se jetant sur son amie pour mettre sa menace à exécution.

En réalité, elle sait ce que veut dire Sylvia. Katerine est une amoureuse invétérée qui se cache sous une nonchalance feinte. Un psy aurait sans doute mis en cause l'absence de père et la recherche d'une image masculine réconfortante.

— Grâce ! Grâce ! Je vais tout te dire !

— Grasse ! Tu m'insultes en plus !

Leurs rires résonnent dans la maison. Le père de Sylvia, Arthur Benford, assis à son bureau au rez-de-chaussée, ne peut s'empêcher de sourire. Seule Katerine parvient à faire rire sa fille de cette manière depuis la mort de sa mère trois ans plus tôt. Sans elle, la joie aurait déserté définitivement cette maison. Il lui en est reconnaissant.

Faire le grand sautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant