20/ Le grand bain

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Lydia Bridgwater ne s'attendait pas à une attaque frontale. Pas après tant d'années de silence complice. Elle se lève, hésite à sortir de la chambre, puis estime qu'elle ne pourra pas éternellement cacher la vérité. Il est peut-être temps. Elle se rassoit sur le bord du lit, face à la fenêtre dont elle fixe le rideau un peu démodé. Il faudrait changer cette chambre. En faire quelque chose de plus dynamique, comme sa fille.

— Je te préviens, Katerine. J'ai passé un marché avec lui. Ce que je vais te dire ne t'autorisera pas à te rapprocher de lui. Il ne l'a jamais voulu.

— Peut-être qu'il a changé d'avis ?

— Ne te mets pas ce genre d'idée en tête. Ce serait stupide et totalement improductif. S'il voulait te voir, il viendrait ici au lieu d'envoyer de l'argent.

— Il envoie de l'argent ?

— Oui, chaque mois. Avec quoi crois-tu que je peux te payer ton logement près de l'école d'ingénieur ?

— Je croyais que M. Benford...

— Arthur paye déjà ta scolarité, Kat ! Je ne peux lui permettre de tout payer ! Il n'est pas ton père, lui !

— Dommage, je l'aime bien !

Lydia éclata de rire. Eleanor, la mère décédée de Sylvia, était devenue sa meilleure amie au lycée. Lors de la deuxième année d'université, elle était revenue des premières vacances de noël chez ses parents avec un fiancé. C'est comme ça que Lydia avait connu Arthur. Ils avaient, tous les trois, été très proches, puis tous les deux après à la mort d'Eleanor, mais pas comme le sous-entendait sa fille.

— Arthur est un ami.

— Il sait qui est mon père ?

— Non. Pas de manière certaine. Mais il s'en doute un peu, je crois, même si nous n'en avons jamais parlé de manière directe.

— Pourquoi, s'il est un ami ?

— Pour ne pas le mettre en porte à faux.

— Ok. C'est un ami à lui...

— Disons plutôt, une connaissance.

— Mon père n'est pas un aventurier, alors ?

— Non. Loin de là. Mais par certains côtés, il était un explorateur. Un esprit brillant, tourné entièrement vers son futur travail. Son désir de réussite était tel qu'il occultait tout le reste.

— Y compris toi.

— Pas tout à fait. C'est moi qui ai rompu.

— Quoi !!! Mais tu m'as dit...

— Qu'il était parti, je sais. En fait, je l'ai mis dehors. Je lui ai rendu sa liberté. Je ne voulais pas... mais je m'y prends mal. Il faut commencer par le début. Il s'appelle James Athelwood.

— James Athelwood... un gars comme Arthur.

— Si tu veux dire par là qu'il est issu d'une famille riche. Oui. James vient d'une famille très bien installée comme celle d'Arthur. Ils ne sont pas amis, mais leurs parents se connaissent et se côtoient sur des évènements mondains. Des connaissances.

— Tu l'as rencontré comment ?

— À l'un de ces évènements mondains justement. J'étais venue avec Eleanor et sa famille. On était inséparables, un peu comme toi et Sylvia. Arthur était là aussi. C'était une très belle soirée, même si comme d'habitude, je ne m'y sentais pas à ma place.

— Trop de faste, dit Katerine en souriant.

Elle aussi avait connu cette sensation avant la mort d'Eleanor quand elle était invitée au « palais» comme elle appelait le grande maison de son amie Sylvia.

— Trop de faste, confirma sa mère en souriant. James faisait partie des convives. Je ne vais pas tout raconter en détail, mais cette nuit-là, nous sommes tombés amoureux. Nous nous sommes revus en cachette. Toujours en cachette. Personne ne savait. Sauf Eleanor. Je n'avais pas pu lui cacher très longtemps ma relation. Elle était la seule à connaître son identité. Et elle l'a emporté dans la tombe avec elle. C'était une vraie amie.

Faire le grand sautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant