Faire le grand saut

35/ Réconciliation et saut en parachute

Le lundi arrive avec une aube froissée. Les nuages sont de retour. Cet été est juste un avant-goût de l'automne. Katerine n'a encore rien trouvé de judicieux pour reconquérir Matthew. Si elle n'avait pas le cœur en miettes, elle laisserait tomber. Mais c'est justement parce que cette rupture lui laisse le cœur en miettes qu'elle doit faire quelque chose. La question insidieuse qu'elle se pose maintenant c'est : Matthew est-il passé à autre chose, lui ? Avait-il réellement les sentiments qu'il lui a jetés au visage ? Comment être sûre qu'elle ne court pas après une chimère ?

Elle a besoin de Sylvia sur ce coup-là ! Et justement la voiture de M. Benford se gare devant la petite maison de la famille Bridgewater.

— Haut les cœurs ! dit Lydia en la voyant partir.

Katerine ne répond rien. Elle offre un petit sourire. Le seul qu'elle peut produire pour le moment. Elle approche de la voiture avec appréhension. Sylvia n'a répondu à aucun de ses messages. Même pas un smiley. Puis brusquement la porte s'ouvre. Son amie jaillit de la voiture et lui saute littéralement au cou.

— Ma Kat ! Ma Kat ! Il n'y avait pas de réseau ! Tu te rends compte ! Je n'ai eu tes messages qu'hier soir... trop tard pour répondre ! J'étais si.... Oh ! Ma Kat ! Tu es de retour ! Tu es de nouveau toi ! Tu m'as manquée !

— Tu n'es partie qu'une journée et demi...

— Mais toi, plus longtemps.

— Je ne crois pas... à moins d'avoir fait un voyage spatio-temporel dont je ne conserverais aucun souvenir ?

— La semaine dernière, tu étais... Tu n'étais pas la vraie Kat...

— Tu veux dire pas celle qui va s'envoyer en l'air pas plus tard que ce soir ! dit alors Katerine en montrant avec une certaine jubilation un billet qu'elle tend à son amie.

— Quoi ?!! Tu t'es réconciliée avec Campbell ! lance cette dernière avide avant de devenir livide. Tu ne peux pas faire ça, Kat !

— Oh que si ! Je vais le faire ! Et plutôt deux fois qu'une ! J'en rêve depuis super longtemps. Je n'ai jamais sauté le pas à cause de maman. Mais j'ai eu... disons, son consentement.

— Elle n'a pas pu accepter... Ça n'est pas possible ! Kat ! Tu ne vas pas sauter d'un avion avec un simple parachute... Tu ne peux pas faire ça !

— Bien sûr que si ! Et tu seras en bas à m'attendre ! J'ai besoin de toi. Tu es mon porte-bonheur. Ma patte de lapin préférée.

— Charmant ! Une patte de lapin ! Et bien non ! dit Sylvia en croisant les bras sur sa poitrine avec un air boudeur.

— Mesdemoiselles, si je puis me permettre, si vous ne montez pas, vous allez être en retard.

— M. Roberts a raison ! Vite, il faut filer ! Viens Sylvia !

— Nous n'en avons pas fini ! s'exclame Sylvia en montant.

Mais Katerine rit, et elle se tait soudain. Elle est si heureuse de l'entendre rire.

— Raconte ton week-end plutôt ? Alors ce Charles ? Toujours aussi parfait ?

La question du saut en parachute est close. Sylvia a perdu. Comme à chaque fois que son amie décide de faire un truc fou.

L'hôtel grouille de monde. Un chassé-croisé s'est opéré pendant le week-end. Deux familles avec des enfants se sont installées dans les deux appartements du dernier étage. Kat a été assignée à leur bien-être. Ce qui se révèle une tache extrêmement ardue et épuisante. Les enfants courent partout et hurlent pour un rien. Mais elle gère.

Le problème Matthew Campbell tourne en second plan. Elle se concentre sur le travail et sur sa future soirée. Elle a la patate. Le saut en parachute qu'elle va effectuer la rend euphorique. C'est toujours comme ça quand elle va faire un truc dément.

Elle en a tellement rêvé !

Elle croit échapper à ce que désire réellement son cœur en le trompant. Elle va le faire battre à mille à l'heure. Mais pas pour les bonnes raisons... mais ça, elle refuse de le voir.