Faire le grand saut

33/ La jumelle diabolique

— Ça y est, tu es revenu ! Tu es allé super loin ! J'ai eu peur que tu sois trop fatigué pour revenir ! J'ai cru que je devrais aller te chercher !

— Jane !!! N'importe quoi ! Et tu me surveillais ? Depuis quand, demande-t-il abruptement.

— Depuis que tu es entré dans l'eau, banane !

— Mais je croyais que...

— En effet... mais Harry est très matinal... même pour ce genre d'exercice...

— C'est bon ! Je ne veux rien savoir ! Merci !

— Tu poses des questions, je réponds...

— Il est où Harry, d'ailleurs ?

— Il avait à faire.

Matthew sent immédiatement le piège. Il connaît sa sœur. Un déjeuner seul avec elle alors qu'on est en plein week-end ne veut dire qu'une chose : conseil de jumeaux ! Les conseils de jumeaux sont des conseils de guerre en cas d'évènements majeurs. Or, elle n'est pas enceinte. Si ça avait été le cas, elle le lui aurait dit la veille. À moins qu'elle n'ait eu les résultats ce matin ? Non. Ça n'était pas ça. Elle ne rayonnait pas de joie. Elle avait le regard sérieux de celle qui attend des réponses. Mais des réponses à quoi ?

— Bien. J'ai suffisamment attendu. Je t'ai laissé une semaine ! Comment elle s'appelle ?

— Pardon ?

— Celle qui vient de te briser le cœur ? Comment elle s'appelle que j'aille lui fracasser sa voiture et lui casser les deux jambes !

— Rien que ça !

— N'élude pas ! Comment elle s'appelle ?

— Peu importe puisque c'est fini ! Ça n'a pas la moindre importance !

— À d'autres ! Je ne t'ai pas vu dans cet état depuis... Juliette Carter !

— Juliette Carter ! Bon sang ! Ça remonte au lycée ! Tu te souviens du nom de toutes mes petites amies ?

— Tu noies encore le poisson ! Son nom ! Il me le faut pour le mettre au bas de la longue liste de tes amours brisés.

— Non.

— Quoi, non ?

— Elle ne figurera pas sur cette liste.

— Pourquoi ? Non ! Ne dis rien ! Je sais ! Parce qu'elle est bien plus importante que toutes celles qui sont passées dans ta vie jusqu'à présent ? Sa fine et juvénile silhouette ne peut disparaître car tu n'arrives pas à la chasser de tes pensées, quels que soient tes efforts. Sa blondeur t'obsède. Son sourire aussi.

— Comment... ! s'exclame Matthew en se dressant d'un bond.

— Dis-moi son nom, Matthew, dit alors très sérieusement Jane en venant près de son frère.

Ainsi, près l'un de l'autre, la ressemblance entre eux est encore plus frappante. Face à face, ils se fixent jusqu'à ce que Matthew cède. Jane a toujours été plus forte que lui au jeu du regard.

— Katerine. Katerine Bridgewater.

— Katerine. Un joli prénom pour une jolie jeune fille. Très jeune, d'ailleurs.

— Elle a presque 23 ans, Jane, gronde Matthew croyant entendre le sermon dans la voix de sa sœur.

Jane l'oblige à la regarder.

— Ça n'était pas une critique. Elle fait beaucoup plus jeune. C'est tout. Excuse-moi d'avoir été induite en erreur.

— Où l'as-tu rencontrée ? Et si tu ne connaissais pas son nom, comment as-tu su que c'était elle ?

— Chaque chose en son temps, frérot. Je veux d'abord tout savoir. Enfin. Pas tout dans le sens détails croustillants sur votre vie sexuelle, hein ? Je veux le reste, Matthew. Tout le reste.