Faire le grand saut

38/ Celui qui ne la laissera pas faire

Sylvia prie en secret que personne ne vienne à ce moment précis devant les ascenseurs de service. Katerine et Matthew s'affronte du regard. Sylvia se demande s'ils ne vont pas se sauter à la gorge. Ou s'embrasser. Ce qui, à tout prendre, serait encore plus gênant... pour elle. Elle se demande si elle ne devrait pas appeler Charles, finalement. Mieux vaut ne pas le mêler à tout ça... Elle a une autre idée.

— Kat, M. Roberts arrive...

— Tu l'as appelé ?

— Oui... Écoute...

— Très bien ! Allons-y ! Je vais sauter ! Que cela plaise ou non à certaines personnes !

Matthew regarde les deux jeunes femmes s'éloigner. Il se détend. Son visage abandonne son air furieux et il sourit. Il n'a pas seulement changé le planning des serveurs. Il a aussi appelé l'aérodrome. L'instructeur a été particulièrement compréhensif. Surtout en recevant le paiement pour l'annulation du saut.

— Je vais l'étriper !

— Non. Tu n'en feras rien !

— Si. Je vais aller lui dire ce que je pense de lui !

— Tu veux dire que tu vas lui dire que tu l'aimes ?? dit Sylvia ironique.

Elle a compati avec son amie sur le tarmac, mais au fond, elle est très contente de ce qu'a fait Matthew Campbell. Elle aussi tremblait de la voir sauter. Sans le chercher, elle a trouvé un allié contre la témérité de son amie.

— L'aimer !!! Non ! Vraiment, je ne vois pas comment j'ai pu même penser que ...

— Kat ! Ça suffit ! Tu utilises ta colère pour ne pas reconnaître tes sentiments ! Tu sais qu'il a fait ça parce qu'il t'aime !

— Il a fait ça pour me contrarier ! Il se venge parce que c'est moi qui l'ai quitté ! dit l'intéressée en se rencognant dans la banquette, bras croisés et air mauvais.

— Quand bien même ! Tu as été remboursée ! Il te suffit de reprogrammer le saut, et je n'en parlerai pas ! Promis.

De cette manière, Sylvia rappelle que tout est de sa faute. Si elle n'en avait pas parlé ce matin, Campbell n'aurait été au courant de rien. Elle veut reporter la colère de son amie sur elle, car elle sait que Katerine ne pourra pas lui en vouloir.

— Tu as raison. Je vais reprogrammer. Dès demain.

— Bien. On peut passer à autre chose alors ? J'ai un conseil à te demander.

Immédiatement, Katerine est à l'écoute. Elle s'en veut d'avoir accaparé l'attention. Sylvia est si discrète...

— Excuse-moi, Syl ! Vas-y ! Dis-moi !

— Je voudrais surprendre Charles... lui faire un beau cadeau. Comme il a fait pour moi, tu vois... il est si attentionné...

— Pourquoi je ne trouve pas de Charles, moi ? sourit Katerine.

— Le pauvre garçon ! Il mourrait d'un arrêt cardiaque au bout de dix minutes ! C'est sûr ! Moi je me demande comment je tiens le coup !

— Tu pourrais l'amener à notre endroit secret. Il aime les étoiles et la nature... Ça devrait lui plaire. Surtout avec toi.

— Mais c'est notre endroit...

— Je veux bien le partager avec lui.

— Tu sais que tu es ma meilleure amie ? dit Sylvia en l'enlaçant, car l'idée est excellente. Charles va adorer.

— Je sais.

Katerine tourne en rond dans sa chambre. Elle est furieuse. Non. Elle est au-delà de la fureur ! Le détournement d'attention de Sylvia n'a duré qu'un temps. À présent qu'elle est seule, elle n'arrive pas à penser à autre chose qu'au petit sourire de Campbell quand elle l'accusait. Il était content de lui !

— Katerine ? Il y a une lettre pour toi dans l'entrée, lui crie Lydia depuis le rez-de-chaussée.