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Madinah.

Arrêt de bus / 1 juin 1998 / 19h48.

La tête posée sur l'épaule de Sam, je fixais un point invisible, le cerveau vide. Sam était à mes côtés depuis déjà un petit moment, nous attendions le bus depuis quelques minutes. Je n'avais pas dit grand-chose depuis que nous nous étions retrouvés. Je crois que l'avoir dit à voix haute, avoir annoncé à quelqu'un d'autre que ma meilleure amie venait de mourir, a été comme un électrochoc et je n'ai pas su rebondir.

Sam - J'aurais dû savoir que quelque chose n'allait pas, tu n'répondais même plus aux appels. Tu veux en parler ?

J'ai hoché la tête de gauche à droite, Amel m'a demandé la même chose, et bien que ce soit adorable de leur part, si je veux aller de l'avant il faut que j'arrête d'en parler à la moindre occasion. J'y pense déjà assez, seule dans mon lit, le soir. C'est la décision que j'ai prise, évidemment, j'y penserai et je serais probablement triste même lorsque je serais accompagnée, mais je vais tout faire pour ne pas passer mes journées à y penser. Il va falloir que je m'occupe autant que possible, sinon j'ai peur de sombrer et de tomber si bas que personne ne puisse m'aider à me relever. Puis, je n'aime pas montrer aux gens que je ne vais pas bien, je n'aurais qu'à jouer la comédie comme j'ai eu l'habitude de faire.

- J'aimerais arrêter de parler de ça, ça m'épuise de devoir y repenser sans cesse.

Sam - J'comprends.

Je me suis décollée de lui en voyant le bus arriver à notre arrêt. Sam devait sûrement avoir des projets pour nos retrouvailles, mais je n'ai vraiment pas la force de faire quoique ce soit de grandiose et je sais qu'il ne sait pas se contenter du minimum quand il s'y met. Je lui ai soufflé que j'étais épuisée et qu'après cette journée riche en émotion, j'avais besoin de rentrer pour me reposer un peu. Il a été compréhensif et nous nous sommes mis d'accord pour rentrer, sans détour.

Une fois à la maison, je me suis douchée et je me suis glissée dans un survêtement avant de me rendre à la cuisine. J'ai beau m'affamer, Sam doit mourir de faim à l'heure actuelle et j'imagine qu'il doit être aussi fatigué que moi. Cuisiner pour lui serait la moindre des choses, il s'agit de mon invité, après tout. Du moins, j'étais partie pour faire à manger, mais j'ai été surprise de le voir aux fourneaux, avec un air concentré. J'ai pouffé de rire en croisant les bras sur ma poitrine, et il a relevé la tête vers moi en haussant un sourcil... Je ne m'attendais vraiment pas à ça, honnêtement.

- Sam, t'es en train de faire quoi là ?

Sam - Quoi ? Ça se voit pas ?

Il a continué à mélanger ce qu'il y avait sur le feu, en levant les yeux au ciel, et j'ai souri. Il s'agissait d'un sourire moqueur, mais en réalité, j'étais agréablement surprise. Sam m'épate, et le voir ainsi, ça me met du baume au cœur.

- Mais, tu vas bien ? Toi, tu cuisines ? Sam Boudena, cuisine ?

Sam - C'est bon, tu agis comme si c'était la première fois que tu me voyais cuisiner. Quand j'étais revenu en hiver, j'avais préparé des petits plats alors arrête ton cinéma... Et puis on a déjà cuisiné ensemble !

- Je dis pas le contraire ! C'est juste que t'as tellement changé en un an, j'arrive toujours pas à croire à ce que je vois là actuellement. J'suis assez fier de ton évolution, mon petit Sam.

Sam - Vas-y pars, tu me déconcentres là.

Il m'a fait signe de déguerpir, en agitant sa main, et j'ai pouffé de rire. Il était drôlement mignon, avec son tablier, en train de cuisiner. Je me suis approchée, pour voir ce qui mijotait dans cette grande casserole, et j'ai pu voir une sorte de sauce jaune, avec des poivrons et tout plein de légumes. Je me demande quel goût ça aura, et même si j'ai envie de lui faire confiance, je suis un peu inquiète. Je ne voudrais pas qu'on termine notre soirée à l'hôpital, à cause d'une intoxication alimentaire...

Madinah ~ Le reflet de soi-même. [EN CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant