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Madinah

Du mal à te voir, je veux pas que tu crois que je t'ai oubliée.

Arrêt de bus,
30 décembre 2005,
23h03.

- Tu fais une pause depuis déjà cinq minutes, tu sais, j'ai vraiment pas mal hein... Je peux marcher, surtout si je suis si lourde que ça.

J'ai dit ça en regardant mes ongles, mais, il m'a mis une tape sur l'épaule.

- Aïe, mais ?

Issam - J'porte bien plus lourd, t'es légère comme une plume, vas pas croire que tu me donnes du fil à retordre. Il faut juste froid alors bah je suis un peu rouillé c'est tout.

- Mouais.

Issam - T'aimes pas que je te portes sur mon dos ou quoi ? Tu veux que descendre.

- Nan, c'est pas ça, je pense à ton dos. T'es un sportif, j'veux pas abîmer ton joli corps, tu sais. En plus, j'ai toujours rêvé qu'on me porte sur son dos mais depuis que ma mère nous a quitté personne ne l'a fait. J'étais trop « grande » pour ça, sauf que j'aime bien qu'on me porte... Enfin... Dire personne serait pas honnête.

J'ai souri, en y repensant, Kawtar le faisait sans cesse à l'époque où nous étions au collège et puis même au lycée. Elle savait que j'aimais ça mais au lycée elle s'est mise à arrêter petit à petit, je pensais que c'était parce que j'étais devenue trop lourde mais non. C'est parce qu'elle n'avait plus la force.

- Kawtar, c'était l'exception.

Issam - Kawtar, ça fait tellement longtemps... Tu as réussi à faire ton deuil ?

- Oui, j'ai réussi, elle me manque quand même parfois mais j'garde que nos bons souvenirs en tête. C'était vraiment quelqu'un de bien, je l'aimais comme ma propre sœur.

Issam - J'imagine, mais, t'as raison... Il faut que tu penses qu'à vos bons souvenirs. Mais... T'as des nouvelles de ses proches ?

- Tu sais... Après sa mort, j'avais l'impression qu'ils me tenaient pour responsable parfois. Je parles pas de ses frères et sœurs, ni de ses parents ou encore d'Ismaïl mais tout les autres. Alors j'ai pas osé demander de leurs nouvelles et je me suis dis que c'était mieux que je les laisse. J'me dis que c'était bête de ma part. Sa famille était comme la mienne... Et j'me dis que j'aurais pu être là pour eux.

Issam - Il n'est pas trop tard...

- Un peu, quand même, j'ai déménagé et j'ai plus remis un pied dans sa ville ni dans celle où on habitait tout les deux. J'ai laissé mon passé dans ces villes.

Issam - Tu regrettes pas ?

- Pas vraiment, j'ai des bons souvenirs là bas, mais n'oublions pas qu'ils ne m'aiment pas trop là bas. « La fille de la toxico », alors, ouais, on pardonne mais on n'oublie pas. J'ai souffert à cause d'eux tous... Mais ils ne s'en rendent même pas compte. J'suis contente d'être partie et d'avoir fait ma vie, seule, loin d'eux tous.

Issam - Mmh, c'est vrai, c'est dur d'oublier.

Il s'est levé du banc et m'a tendu la main.

Madinah ~ Le reflet de soi-même. [EN CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant