Madinah ~ Le reflet de soi-même. [EN CORRECTION]

3.

Madinah.

Train / 21 février 1997 / 21H30.

Je l'ai regardé en souriant, ah, il s'appelle Sam ? Il n'a pas l'air terminé, son prénom, je trouve ça drôle.

- Sam ? C'est ton vrai prénom ?

Sam - C'est mon surnom.

- Tu veux jouer au gars mystérieux ? Dis-moi, t'as honte de ton prénom ou quoi ?

Sam - Ah nan, j'connais pas ça moi, c'est juste que j'raconte pas ma vie à des inconnus.

- D'accord...

Bon, c'est un peu vexant, mais ça ne devrait pas l'être. Il a raison, en soi, et puis j'ai fait la même chose que lui. Alors, comme ça, il est prudent lui aussi...

Sam - Et tu vas où, aussi tard ?

- Je rentre chez moi et toi ?

Sam - Pareil, tu descends où ?

- Tu veux pas non plus mon adresse ?

Il a ri et j'attendais sa réponse, les yeux plissés.

Sam - Si ça peut t'rassurer, j'suis pas vraiment intéressé.

- Tant mieux, parce que c'est réciproque.

Sam - Sinon j'descends à *** et toi ?

- Mais nan ?!

C'est la ville voisine, celle où se trouve mon lycée et le parc où je vais souvent avec Kawtar. Alors, je suis susceptible de le recroiser à tout moment, c'est drôle. Le monde est petit, c'est dingue.

- T'habites là-bas ?

Sam - Ouais, pourquoi ? Toi aussi ?

- Nan, mais c'est juste à côté de ma ville, j'suis de ***.

Sam - Bon bah, on va passer tout le trajet ensemble on dirait.

On s'est échangés un petit sourire et on a commencé à parler tous les deux, de tout et de rien, sans parler de nous. On parlait plutôt de généralités, et on débattait même sur des sujets sérieux. J'ai réalisé qu'il était beaucoup plus cultivé qu'il n'y paraît, franchement, ça m'a fait du bien de discuter avec lui. C'est quelqu'un qui a de la conversation et qui a une réflexion poussée, je me sentais presque bête à côté de lui. J'ai appris pas mal de choses, et curieusement on s'est bien entendus. Je ne sais pas grand-chose de lui, juste qu'il se fait appeler Sam et qu'il est Yéménite tout comme moi, mais nous avons échangé comme deux amis de longue date, c'était amusant.

Bref, les minutes étaient passées à une vitesse folle et on venait d'arriver à son arrêt. Les portes du train se sont ouvertes et il s'est levé, m'a regardée en souriant et m'a saluée d'un signe de main. Je lui ai souri aussi, légèrement déçue, j'aurais aimé parler avec lui un peu plus longtemps honnêtement.

Sam - C'était sympa de parler avec toi, mais comme toute bonne chose à une fin, salam.

- Salam.

Il est parti sans se retourner et j'ai attendu mon arrêt pour rentrer chez moi à mon tour. Je suis arrivée saine et sauve, je me suis douchée et je suis allée dormir directement. Par chance, je peux prier à l'heure chez Jasmine, ça m'allège pour le restant de la soirée.

Lycée / 24 février 1997 / 10H20.

Aujourd'hui on est lundi, je fais du 8h-17h et ce soir je travaille en plus donc c'est clairement une journée de merde. C'est encore pire quand tu passes ta journée seule. Il faut dire que c'est dur d'être regardée bizarrement, juste parce que ta mère était une toxicomane. Les gens voient ça d'un mauvais œil et ils ont peur, donc ils préfèrent parler sur moi à chaque fois qu'ils me croisent. C'est toujours comme ça, ils ont peur de ce qui est "différent" et se disent qu'il est préférable de m'éviter. C'est d'un ridicule, ils pensent être discrets mais je les entends. C'est simple : ils me jugent ou ils ne savent pas que j'existe. C'est pour ça que je me sens bien avec Kawtar, elle ne me juge pas et se fiche de ce que pensent les autres.