Madinah ~ Le reflet de soi-même. [EN CORRECTION]

12.

Madinah.

Chez Madinah / 25 avril 1997 / 14H24.

La bombe venait d'être lancée, je scrutais son visage à la recherche du moindre signe trahissant ses pensées. Il a simplement ouvert les yeux, tellement grand que j'ai presque cru qu'ils allaient sortir de ses orbites. Il ne devait vraiment pas avoir compris, alors, ou bien il s'était persuadé que ce n'était pas possible. Il est vrai que ce n'est pas la première chose à laquelle on pense... C'est peu commun. Il a détourné le regard et j'ai soupiré, à quoi est-ce que je m'attendais, il ne pouvait pas "bien" le prendre.

Sam - Ah, c'est... C'est-à-dire que... J- J'sais pas quoi te dire...

Je ferais mieux de changer de sujet, il a l'air tellement mal à l'aise. Je m'attendais à une réaction plus démonstrative, mais, c'est comme s'il n'avait pas digéré l'information. Tant pis... Nous verrons s'il continue à me traiter de la même façon, à l'avenir.

- T'es pas obligé de dire quoique ce soit, pour tout te dire je préfère ne pas en parler. Je préférerais même qu'on ne parle plus d'elle...

Parce que je redoutais d'être déçue de ce qu'il en pense et pire encore, j'avais peur d'être sentimentale en ressassant nos souvenirs d'elle et moi.

Sam - Nan, j'pense que ce n'est pas en t'empêchant de parler d'elle que ça ira mieux. J'suis là pour ça, ne te retiens pas. Tu te sentiras bien mieux une fois que t'auras vidé ton cœur... J'en suis sûr. On dirait que t'as besoin de parler, en plus, donc profite du fait que je sois là.

Il m'a souri, ce qui m'a rassurée, il n'a pas l'air trop choqué au final. Il est attentionné, c'est adorable.

- J'ai pas envie de monopoliser la parole, oublie c'était stupide. Je devrais arrêter de tout ramener à elle.

Sam - T'as jamais réussi à faire ton deuil ?

Est-ce que j'avais fait mon deuil ? Je n'en sais rien, à vrai dire, je n'ai personne à qui parler d'elle et ça me ronge de l'intérieur progressivement. J'ai l'impression qu'on veut la rayer de notre existence, alors qu'elle a bel et bien été là mais je ne peux pas en parler. Ibtissem a aussi beaucoup souffert de sa mort, alors j'ai évité de lui en parler durant toutes ces années, pour lui faciliter la tâche, elle avait déjà son deuil à gérer. J'ai naturellement commencé à intérioriser mes souffrances, pour ne pas lui imposer ma peine, et elle était la seule personne que j'avais dans ma vie à cette période. Plus tard, j'ai connu Kawtar mais elle n'a jamais perdu de proches et nous n'étions que des gamines... Je ne voulais pas l'embêter avec ça.

- J'sais pas vraiment.

Sam - Si tu veux passer à autre chose, il faut que tu puisses en parler sans problème, que tu extériorise. J'ai pris du temps à saisir puis j'ai rencontré Ayoub, il avait perdu sa sœur et il a réussi à s'en sortir... Alors il m'a aidé, il m'a fait prendre conscience de tellement de choses. Il a su être un appui pour moi pourtant ça faisait déjà deux ans que mon père était mort mais avec son aide, j'ai enfin pu faire mon deuil. Je sais à quel point ça peut être dur, et je sais que ce n'est pas évident d'en parler avec tout le monde. Parfois on se sent incompris, on en veut à la Terre entière mais il faut l'accepter et aller de l'avant sans se voiler la face. Tu sais que j'ai perdu quelqu'un, moi aussi, donc je peux peut-être te servir à faire ton deuil s'il le faut. Sache que je serai toujours là pour toi si t'en as besoin. Si tu veux parler, pleurer, tout c'que tu veux, je serais là... Quand je te parle, j'oublie que t'as souffert à ce point, tu ne laisses jamais rien transparaître et puis t'as l'air mature, en général. J'oublie que tu n'es qu'une enfant et que t'as besoin de repères, que t'as besoin qu'on s'occupe de toi. Tu t'es oubliée en voulant passer à autre chose, trop rapidement, c'est ça qui te freine aujourd'hui. T'as pas à vouloir grandir si vite, t'es encore très jeune. 'Fin bref, tu dois prendre soin de toi, c'est important. J'te jure que j'ferais tout ce qu'il faut pour être là quand tu en auras besoin... C'est ça être un ami, en plus on va pas tarder à vivre ensemble alors... Tu pourras même me voir comme un grand frère par intérim.