Chapitre 25 : Minuit

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J'ai souri et suis entrée dans la salle à manger. Le couvert était mis et le plat fumait sur la table. J'ai laissé Luke (il fallait vraiment que je m'habitue à ne plus l'appeler "commissaire" en dehors du poste) s'installer puis je me suis assise saisissant la cuillère de service. J'ai plissé les yeux sous la légère douleur qui est remontée quand j'ai bougé le bras. J'ai donc esquivé le problème en me changeant la cuillère de main j'ai servi mon invité puis moi en essayant d'ignorer son regard désapprobateur et inquiet. J'ai évincé sa question muette d'un sourire.

- Bon appétit.

- Vous aussi...


Nous avons mangé en discutant paisiblement des différents dossiers en cours et des enquêtes internes qui en ce moment occupaient à plein temps nos agents et donc par extension, Vance, le commissaire et moi. Les lieutenants  géraient beaucoup plus le terrain que les enquêtes et envoyaient généralement les questions que pouvaient leur poser les inspecteurs vers Vance ou moi. Après avoir dégusté la crème catalane maison de Nina, nous nous sommes installés sur le canapé avec une coupe de vin rouge et le silence s'est installé.

- Ça vous dérange si je met de la musique ?


Luke a eu un petit rire.

- C'est votre salon il me semble ha ha ha

- Oui mais je préfère deman...

- Ça ne me dérange absolument pas.


J'ai allumé la chaîne hi-fi et une douce musique de valse s'éleva dans le salon. Luke avait l'air assez surpris de me voir écouter ce genre de musique.

- Je ne vous aurai jamais imaginée écouter ce genre de choses.

- C'est une habitude d'enfance. Mes parents et moi nous mettions dans le salon après le dîner pour écouter cette musique.

- Et vous dansez ?


J'ai ri.

- Je danse extrêmement mal.

- Même une valse ou un slow ?

- Surtout celles là en vérité.


Il s'est levé et m'a tendu la main.

- M'accorderiez vous cette danse jeune dame ?


J'ai levé les yeux au ciel un demi sourire aux lèvres. Et me suis enfoncée dans mon siège, bien décidée à y rester mais Luke ne l'a pas entendu de cette oreille. Il m'a attrapé la main et m'a fait me lever avant de m'attirer dans ses bras. Il a commencé à faire quelques pas en avant, en arrière, sur les côtés en se balançant au son de la musique. Amusée j'ai levé mes yeux pour croiser son regard et me suis laissée me noyer dedans. Plus rien ne m'importait que l'instant présent. Les soucis, les tracas du quotidien, la frustration de mon arrêt, la douleur, tout s'envola au son des violons. Une parenthèse hors du temps que je ne savais pas comment qualifier. Nous étions lui et moi, moi et lui. Sans plus. Les yeux dans les yeux, ni l'un ni l'autre n'avions envie de mettre fin à cet instant. Il s'est penché vers moi. Nos lèvres se frôlaient. Les battements de mon cœur se sont affolés dans ma poitrine. Je me demandais si j'avais attendu cet instant depuis des mois ou si au contraire je le redoutai. J'aurais du me redresser et poser mes lèvres sur les siennes comme me le hurlait mon cœur mais mon cerveau avait peur, peur des conséquences, peur de ce qui allait changer, peur que je me berce encore d'illusions peur d'être blessée encore plus profondément que la coupure cachée par mon pansement, peur d'ouvrir mon cœur et d'en payer les conséquences. J'ai baissé la tête au dernier moment, si bien qu'il a embrassé mes cheveux. Je me suis doucement détachée de lui. Le cœur en miettes et totalement perdue. Je ne m'expliquai pas cette soudaine angoisse qui m'avait saisie. Sans savoir vraiment ce que je faisais, je me suis installée derrière mon piano blanc qui trônait fièrement dans un coin du salon. Luke s'est rassit dans le canapé toujours sans un mot, je sentais son regard inquisiteur posé sur moi. J'ai parcouru rapidement la partition qui se trouvait devant moi. La dernière que j'avais jouée. Mais je n'avais pas envie de jouer celle ci. Des accords me revinrent en mémoire. Sans réfléchir je laissai mes doigts aller et venir sur les touches recréant une mélodie que j'avais été incapable de jouer des mois durant mais qui à cet instant précis me paraissait naturelle. C'était un morceau de Bach qui avait toujours signifié beaucoup pour moi. Mes parents m'avaient appris à le jouer en m'achetant ce piano dans lequel je laissai mon âme ce soir. Des paroles inventées à la même époque me brûlaient les lèvres alors, machinalement je me suis mise à chanter. Après quelques secondes, Luke se mit à taper le rythme sur l'accoudoir du canapé. Je levai les yeux vers lui. Nous n'eûmes pas besoin d'échanger plus qu'un regard pour que mes craintes s'envolent. Ce que j'avais refusé de voir pendant un temps par peur que ce ne soit des illusions me sautait à présent aux yeux. L'amour qui brillait dans les yeux de Luke devait refléter celui qui brillait dans les miens. Après avoir posé la dernière note sur la mélodie, je me suis levée. Toujours assis sur le canapé, Luke n'a pas bougé quand je me suis approchée ni quand je me suis assise à ses côtés. Je cherchai les mots adéquats pour exprimer ma pensée mais il posa son doigt sur mes lèvres et murmura.

- Tss tss, pas maintenant. Viens là.

Je me suis blottie contre lui, bercée par les battements de son cœur, beaucoup plus calmes que tout à l'heure, et son souffle qui me caressait les cheveux. Nous restâmes ainsi quelques minutes puis je me tournai, les idées claires. Et, enfin nos lèvres se joignirent dans un baiser plein de promesses. J'ai fini par éloigner mon visage du sien pour que l'on puisse reprendre notre souffle. J'ai jeté un coup d'œil à la pendule. Minuit. J'ai murmuré

- Demain je crois que vous travaillez commissaire vous devriez aller dormir sinon les malandrins vont vous filer entre les doigts.

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