Battement. Battement. Battement. Inspiration.
Battement. Battement. Battement. Inspiration.
J'ai perdu le compte des longueurs que j'ai enchaînées. Au moins quinze, peut-être même vingt. Les muscles de mes bras commencent à me faire mal. Tant mieux : c'est ce que je cherche. L'eau glisse le long de mon corps. J'envoie mes mains toujours plus loin devant moi, crawlant comme si la natation était un sport de combat.
Battement. Battement. Battement. Inspiration.
Je pleure, je crois. Difficile à dire, en plein milieu d'une piscine. Mes lunettes se sont embuées, mais cela ne me ralentit pas. Je connais les 50 mètres de cette ligne d'eau par cœur. Je sais quand amorcer mon virage une fois au bout, pirouettant en apnée puis poussant contre le carrelage du mur avec rage, pour me propulser aussi loin que je le peux.
Battement. Battement. Battement. Inspiration.
Frapper l'eau encore et encore. C'est la seule manière que je connais de gérer la douleur qui me dévore, jusqu'à ce que la souffrance veuille bien s'en aller. Alors, enfin, elle laisse la place au vide... Voilà pourquoi j'aime autant la natation : le monde du silence dans lequel elle me plonge me permet de me recentrer, d'expulser les émotions néfastes qui m'étouffent à la surface. Les frustrations, les angoisses, la tristesse. Elles me donnent si souvent l'impression de me noyer... L'air me force à les ravaler, à les taire, mais l'eau m'écoute, elle. En son sein, je ne suis plus si impuissant. Transparent.
Je compte. J'existe. La brûlure de mes poumons me le prouve.
Battement. Battement. Battement. Inspiration.
À force de pousser mon corps jusqu'à ses limites, tout finit par se dissoudre dans le chlore.
Tout... même son visage.
Battement. Battement. Battement. Inspire, Caliban !
Mes bras hurlent, à présent. Mais le signal de souffrance qu'ils m'envoient n'est pas encore assez fort pour éclipser celui de mon cœur. J'ai la gorge nouée, et une nausée qui monte.
Lorsque ma bouche passe au-dessus de la surface de l'eau, je dois me faire violence pour aspirer de l'air.
Battement. Battement. Battement. Allez, Caliban. Encore une longueur, et peut-être que tu trouveras enfin la paix.
Je viens trop souvent nager ainsi, en-dehors de mes entraînements pourtant réguliers, parce qu'une tourmente m'agite. Et depuis des mois, cette tourmente prend ses traits.
À chaque mouvement, une nouvelle image s'impose dans mon esprit. Un flash, que je ne parviens pas à repousser.
Son sourire, le plus souvent.
La manière dont elle rejette ses cheveux auburn en arrière lorsqu'elle rit à une blague de Dorian.
La douceur dans son regard, qui laisse place à une expression déterminée quand elle a un objectif en tête.
Ceux-là, ce sont les plus agréables : ils me rappellent pourquoi je la chéris. D'autres me terrassent, en m'assénant qu'elle ne sera jamais mienne. Si je me suis précipité à la piscine tout à l'heure, c'est pour tenter d'effacer l'un d'eux. La vision que j'ai surprise tout à l'heure, en rentrant chez moi après le lycée.
Dorian et elle, enlacés sur le canapé, en train de s'embrasser. Elle, lui chuchotant des mots doux à l'oreille.
Je maudis les deux ans qui nous séparent, et qui l'empêchent de poser les yeux sur moi. Je maudis mon frère d'avoir obtenu sans effort le bonheur que je convoite, et de ne pas même paraître se rendre compte de la chance qu'il a.
Je rate un mouvement et toussote, avalant de l'eau malgré moi. Si le coach me voyait, il me ferait passer un sale quart d'heure de pousser ainsi mon corps dans ses retranchements. C'est plus fort que moi : nager est la seule manière que j'ai trouvée d'avoir un peu moins mal, là, au fond de moi. D'étouffer les sentiments que je n'ai pas le droit d'éprouver.
Battement. Battement. Battement. Inspire, putain, Caliban. INSPIRE.
L'eau se referme autour de moi, maternelle, ne s'offusquant pas de mes assauts répétés.
Battement. Battement. Battement. Inspiration.
Je sens mes larmes se tarir, enfin. Ça y est, je crois que j'ai réussi à m'anesthésier, pour ce soir du moins.
Battement. Battement. Battement. Inspiration.
Pour autant, alors que je souffle pour expulser mon air, je répète à la piscine un seul prénom, comme un secret.
Arabella...
***
Bienvenue dans My Water Heart ! Je suis ravie que vous ayez choisi de donner sa chance à mon histoire et j'espère que votre lecture vous plaira 💙
Il s'agit du premier tome d'une série de romances de campus autour de l'équipe de natation des Dolphins : chaque tome est centré autour d'un couple et présente une histoire complète ! Et c'est donc Caliban, que vous venez de rencontrer, qui ouvre le bal !
La version postée sur Wattpad actuellement est la deuxième : j'ai fait une très grosse réécriture du roman un an après sa première publication. Si vous en effectuez une relecture, merci à vous... et bienvenue de nouveau ! J'ai super hâte d'avoir vos retours sur les changements que j'ai effectués !
Cela signifie que les commentaires laissés sur la première version paraîtront parfois en décalage avec le chapitre que vous lirez effectivement ; et que, malheureusement, tous ceux qui étaient liés à un point précis du texte ont sauté. C'est dommage, mais je ne peux pas faire autrement malheureusement... Je compte sur vous pour laisser plein de nouveaux commentaires sur cette deuxième version !
Enfin, n'hésitez pas à me dire comment vous avez découvert l'histoire (recommandation, hasard de Wattpad, TikTok...), ça m'intéresse !
Et maintenant, sans plus attendre, je vous laisse en compagnie de Caliban et Arabella...
Camille Versi
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My Water Heart
RomanceLorsque Caliban fait sa rentrée en première année à la WestConn, il s'attend à prendre un nouveau départ : il a été sélectionné pour faire partie des Dolphins, l'équipe de natation de l'université, et a hâte de combiner ses études et sa passion. Pou...