Chapitre 40 - Caliban

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— Yo, Cal'. Pas trop triste d'être rentré de vacances ?

James, fraîchement débarqué à cette soirée de Nouvel An, s'affale à côté de moi sur le canapé. Il me tend une bouteille de bière, que je saisis avant de l'entrechoquer avec la sienne.

Nous ne sommes pas très nombreux pour ce réveillon, mais il y a de l'ambiance. Ce sont Abigail et Anton qui l'organisent, chez les parents de ce dernier – qui lui ont laissé leur maison de West Haven pour l'occasion. Ils ont réuni tous les Dolphins de première année pour l'occasion. C'est sympa, bon enfant. Une jolie manière de clôturer cette année tous ensemble. En balayant le salon du regard, je ne vois que des gens qui s'amusent : Amy et Elsie se sont improvisées DJ, mais ne cessent de se battre concernant la prochaine chanson à passer ; Theo bondit en rythme sur à peu près n'importe quelle musique qu'elles choisissent ; quant à Ernest, il a décidé de défier Patrizia aux fléchettes. De ce que j'en aperçois, il se fait battre à plate couture.

— Plus que je l'aurais pensé, je réponds à mon meilleur ami. Apprendre à nager à Cody, c'était vraiment sympa. Pas la manière dont je m'imaginais passer les fêtes, mais j'ai adoré.

— Excellente nouvelle.

— Et toi, comment tu vas ?

James soupire et agite sa main bandée avec dépit.

— À ton avis ? Ma fracture continue de me pourrir la vie...

— Tu voyais ton médecin vendredi, non ? Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

— Rien qui me plaise beaucoup...

Je grimace. C'est bien ce que je craignais : si James ne m'a pas fait le compte-rendu de son rendez-vous de lui-même, c'est que les conclusions ne sont pas celles qu'il espérait...

— L'os ne se ressoude pas aussi vite que prévu, poursuit-il. Du coup, il va falloir immobiliser mon poignet un peu plus longtemps que ce qu'il m'avait annoncé. J'en ai encore jusque mi-février, au moins.

— Oh merde...

— Tu l'as dit...

Il boit une gorgée de sa bière avant de se frotter le front et de lâcher :

— Ça me soûle, tu ne peux pas imaginer. Toutes ces compétitions de début d'année que je vais rater, ces entraînements dont je serai exclu... C'est dur d'être privé de ça. Je me sens... vide. Et si nul... C'est un comble, quand même. La natation est l'un des sports où l'on se blesse le moins, et moi, je réussis à me casser le poignet en me viandant juste à côté du bassin. Tu parles d'un athlète...

Sa voix est fatiguée, accablée. Cependant, avant que je puisse lui apporter des mots de réconfort, il secoue la tête et décrète :

— Mais ne parlons pas de ça. Que toi, tu aies passé de pas trop mauvaises vacances, c'est une excellente nouvelle. Est-ce que ça veut dire qu'on peut enfin en parler ?

— De quoi ?

— Oh, Caliban, tu t'en doutes bien. Tu sais, du sujet que tu as tout fait pour éviter depuis Thanksgiving...

À mon tour de me frotter le front. Ma rupture, voilà ce que James veut mettre sur le tapis. Il sait qu'elle a eu lieu – je n'aurais pas pu lui cacher –, mais chaque fois qu'il a voulu en savoir plus avant les vacances, j'ai esquivé ses questions. Parce qu'évoquer Arabella me faisait trop mal ; et aussi parce que la honte qui m'a saisie juste après qu'elle m'a quitté ne s'est pas dissipée. Mon meilleur ami m'avait prévenu que notre histoire risquait de mal finir, et je ne l'ai pas écouté... Je redoutais qu'il me fasse la morale, et je n'étais pas prêt pour ça.

My Water HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant