Chapitre 43 - Arabella

2.8K 301 123
                                    

Le bleu des yeux de Caliban est aussi hypnotisant que dans mon souvenir. Plus, même. Toutes ces semaines à m'efforcer de le chasser de ma mémoire, et maintenant, voilà que son regard me transperce, remue des parties de moi que je croyais inébranlables.

Je me réjouissais de la reprise des cours aujourd'hui. Enfin de quoi remplir mes journées, me focaliser sur ce qui a toujours été le plus important pour moi : les objectifs que je me fixe, ce que je cherche à accomplir. Après la soirée de Nouvel An chez Charlotte, je n'ai pas craqué de nouveau : l'alcool ayant quitté mon système, j'ai pu reprendre le contrôle de moi-même. J'ai continué sur ma lancée : serrer les dents pour me forcer à oublier.

La présence de Caliban, juste face à moi, agit sur moi comme la plus forte des liqueurs. Je n'étais absolument pas préparée à me retrouver devant lui. Mon cœur s'emballe, mes joues s'échauffent. Que fait-il ici ? Je me souviens de son emploi du temps : il n'a pas cours dans ce bâtiment. En fait, il n'a aucune raison de venir dans ce couloir, sauf s'il s'est rendu au local de l'Association des Élèves – où j'allais moi-même pour récupérer des affiches à coller à l'entrée des résidences afin d'inviter les étudiants qui ont rejoint l'université pour le second semestre à nous contacter s'ils ont besoin d'un coup de pouce pour leur intégration.

Les rouages de mes pensées se mettent en branle ; une hypothèse s'impose à moi.

Est-ce que... Est-ce qu'il est là pour moi ?

Je ne sais pas ce que cela m'inspire. De la panique, parce que je ne suis pas préparée à ça et que j'ignore comment réagir ? De... l'espoir ?

Caliban non plus n'en mène pas large. Il a fait un pas en arrière et demeure figé, la lanière de son sac jetée sur l'une de ses épaules. Je me reprends. Nous ne pouvons pas nous ignorer, ce serait ridicule. Mal assurée, je lâche :

— Salut.

— Salut.

Il n'embraye pas. Il y a dans ses prunelles une méfiance que je n'y avais jamais lue jusque-là ; la tension augmente entre nous, insupportable. Nerveuse, je tire sur l'une de mes mèches. Je ne sais plus comment me comporter face à un Caliban dont je n'ai plus le droit à la tendresse.

Autant que j'aille droit au fait au plus vite, et que je pose la question qui me brûle l'esprit. Tourner autour du pot, ce n'est pas dans mes habitudes. Au moins, je serai fixée.

— Qu'est-ce que tu fais là ? Tu venais me parler ?

— Oh... Non, pas du tout.

Ses lèvres se pincent en une fine ligne. Mortifiée d'avoir imaginé le contraire, je sens ma gorge se nouer.

— J'avais besoin de voir quelque chose avec l'Association des Élèves, et j'ai fait mon maximum pour que tu ne sois pas au courant, justement, poursuit-il. On dirait que j'ai raté mon coup...

— Qu'est-ce qui se passe ?

J'ai saisi que Caliban cherche à se montrer aussi allusif que possible, mais je m'inquiète, tout d'un coup. Si les étudiants font appel à nous, c'est souvent parce qu'ils rencontrent des problèmes. Est-ce qu'il en a un ? Malgré ce qui s'est passé entre nous, si c'est le cas, je ferai ce que je peux pour l'aider ; ce n'est même pas une question.

Il hésite à me répondre, si bien que j'insiste :

— Je suis la présidente de cette association, Caliban. Je finis forcément par être au courant de tout ce qui s'y prépare. Explique-moi ce qui t'arrive.

My Water HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant