Lorsque le nom de Caliban s'affiche sur l'écran de mon téléphone alors que je quitte tout juste mon poste au cabinet d'avocats, j'ai d'abord du mal à croire à ce que je vois. Il a été très clair quand nous nous sommes croisés près du local de l'Association des Élèves : il préfère que nous ne nous parlions plus désormais.
Alors pourquoi ce revirement soudain, à peine deux semaines plus tard ?
Je ne m'en offusque pas, bien au contraire. Quelque chose en moi entre instantanément en ébullition, et ma respiration se bloque alors que je décroche. J'ignore à quoi m'attendre, je ne sais pas non plus ce que j'espère, d'ailleurs. Tout ce dont j'ai conscience, c'est qu'il y a une soif en moi lorsque je lâche :
— Allô ?
— Arabella.
La voix de Caliban est ferme. Posée. Entendre mon prénom dans sa bouche m'avait manqué, même si son ton est exempt de la tendresse qu'il me réservait autrefois. Ce qui m'apparaît clairement dès ces premiers instants, c'est qu'il ne m'appelle pas pour me dire que je lui manque, ou quelque chose du genre. Mon trouble se dissipe, chassé par l'inquiétude. Est-ce qu'il lui est arrivé quelque chose ? Est-ce pour cette raison qu'il m'appelle ?
— Qu'est-ce qui se passe ? je lui demande. Est-ce que tout va bien ?
— Oui, oui... Enfin, pour moi, oui.
« Pour lui » ? Alors qui a un souci, dans ce cas ?
— Si je te contacte, c'est en tant que présidente de l'Association des Élèves.
Bien sûr. Quoi d'autre ?
Mes sourcils se froncent. Je repousse tout sentiment superflu et rassemble ma concentration. Lorsqu'on fait appel à moi, je m'astreins toujours au plus grand sérieux. Il en sera de même aujourd'hui, y compris alors que c'est Caliban qui me contacte. Manifestement, son problème est suffisamment important pour qu'il passe outre l'historique entre nous et ses résolutions de se tenir loin de moi ; cela mérite que je lui accorde mon attention pleine et entière.
— Je t'écoute.
Je l'entends soupirer à l'autre bout du fil. Maintenant que je me suis affermie, c'est à lui de paraître plus hésitant, soudain. Il laisse encore passer quelques fractions de secondes avant de se lancer :
— C'est Patrizia... De l'équipe de natation, si tu te souviens d'elle.
— Je vois très bien, oui.
— Elle brille à chacune de nos compétitions depuis le début de la saison. Mais samedi, ça n'a pas plu à l'une de nos adversaires et à ses parents. Ils se sont mis en tête qu'elle pourrait... être un homme se faisant passer pour une femme pour écraser le championnat. Merde, ça sonne absurde rien que de le dire... Et maintenant, ils ont écrit une lettre de protestation à la WestConn, que notre directeur athlétique prend au sérieux. Il a pris Patrizia en tête-à-tête pour lui demander de passer un examen gynécologique, ou de renoncer à participer aux championnats de ligue qui arrivent.
— Wow.
Mes sourcils se sont haussés au fur et à mesure que Caliban parlait. Depuis que je suis présidente de l'Association des Élèves, j'ai entendu des histoires parfois rocambolesques, mais celle-ci me heurte particulièrement.
— Comme tu dis... Avec les Dolphins, on est tous derrière Patrizia, mais il va falloir aller au conflit avec Becker, et je ne sais pas si nous avons les épaules pour ça. Seuls, en tout cas.
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My Water Heart
RomanceLorsque Caliban fait sa rentrée en première année à la WestConn, il s'attend à prendre un nouveau départ : il a été sélectionné pour faire partie des Dolphins, l'équipe de natation de l'université, et a hâte de combiner ses études et sa passion. Pou...