Chapitre 22 - Arabella

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Je me regarde dans le miroir en pied installé à l'entrée de ma chambre, le cœur battant. Je ne suis pas du genre à passer des heures à me préparer avant un rendez-vous – si un mec n'est pas capable de m'accepter telle que je suis, c'est qu'il n'en vaut pas la peine. Pourtant, je ne peux m'empêcher de vérifier une dernière fois ma tenue et mon apparence. Je ne suis pas habituée à ces papillons dans mon estomac : j'imagine que cela fait trop longtemps que je ne me suis pas autorisée à laisser entrer un peu de romantisme dans ma vie.

Quand j'ai envoyé un message à Caliban un peu plus tôt dans la journée pour lui demander si je devais m'habiller d'une manière particulière, il m'a répondu que si je me sentais à l'aise dans mes vêtements, ce serait très bien – j'en ai déduit qu'il ne comptait pas m'emmener au restaurant ou en balade en forêt, sinon, il se serait montré plus spécifique. Alors j'ai choisi mon jean préféré, celui qui flatte ma silhouette sans trop me serrer, des chaussures en toile, et un débardeur orné de dentelle noire.

Oui, je suis plutôt pas mal. Jolie, mais moi-même.

Je ne sais pas si je l'étais complètement lorsque j'ai échangé ces messages avec Caliban, vendredi. J'étais encore sous le coup de ma discussion nocturne avec Charlotte : j'ai mis mon cerveau en pause et je me suis jetée à l'eau. J'aurais dû être en train de penser à la dernière des tables rondes, à mes cours, aux devoirs qui m'attendaient pour le week-end... À la place, ce sont les images de ce qui s'est passé au Little Red qui tournaient en boucle dans ma tête. Non teintées de remords, mais de nostalgie. J'étais bien auprès de Caliban. Détendue. Cela me manquait, à présent que mes obligations m'étaient retombées dessus sans pitié, exacerbées par le manque de sommeil. Alors j'ai suivi les conseils de ma meilleure amie : plutôt que de cogiter, agir. J'ai sorti mon portable et j'ai écrit à Caliban, comme je brûlais de le faire. Cela dit, par téléphones interposés, tout semblait plus simple... Instiller une touche de séduction dans mes messages ne semblait pas porter à conséquences. Mais maintenant, la situation me semble soudain bien trop réelle, et j'angoisse. Je ne me reconnais pas pleinement dans cette manière d'agir : me laisser porter, accepter que je ne peux pas tout contrôler. Et en même temps, j'ai l'impression d'être plus alignée avec moi-même que je ne l'ai été depuis longtemps.

Quoi qu'il en soit, je me suis fait une promesse : ce soir, même si un trop-plein d'émotions me submerge, je ne fuirai pas. Caliban ne mérite pas que je le laisse en plan une fois de plus.

Une dernière inspiration, puis je me détache du miroir et quitte la chambre.

Il ne me faut qu'une minute pour descendre les escaliers de ma résidence universitaire jusqu'au rez-de-chaussée, et pousser la porte qui mène vers l'extérieur. Comme convenu, c'est juste là que Caliban m'attend, près de l'un des arbres de la rangée parallèle à la façade. Nos yeux s'accrochent, et une pointe de chaleur vient titiller mon ventre. Le regard qu'il pose sur moi est si expressif... Il a dans les pupilles une bienveillance et une douceur qui dissipent immédiatement une partie des appréhensions que je portais encore avec moi. Et je suis soulagée de constater que du point de vue vestimentaire, nous sommes sur la même longueur d'ondes : il porte un jean lui aussi, et un polo bleu pâle. Chassant la boucle de cheveux rebelle qui tombe sur son front, il me lance :

— Salut...

— Salut.

Il y a quelque chose de si mignon dans la timidité qui semble l'habiter à cet instant, alors qu'il cherche ses mots pour poursuivre... C'est moi qui lui demande :

— Alors, quelle surprise m'as-tu réservée ? Où allons-nous ?

— En fait, pas très loin, me répond-il. Je t'ai préparé quelque chose dans ma chambre.

My Water HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant