Chapitre 21 - Caliban

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— James, j'ai besoin que tu fasses un truc pour moi. Promis, je t'achèterai tous les Cocas que tu voudras pendant un mois après ça pour te remercier.

— Pendant deux mois, réplique mon meilleur ami sans la moindre hésitation. Et ça ne vaut pas accord, hein ! Je veux savoir de quoi il est question avant de m'engager.

Nous sommes dimanche, il est déjà quinze heures, et je n'en pouvais plus d'attendre que James rentre de son déjeuner chez ses parents pour lui sauter dessus. OK, je m'y prends un peu tard compte tenu de ce que je vais lui demander. Mais pour ma défense, la journée de vendredi était déjà bien engagée lorsqu'Arabella a accepté de me voir ce soir, et il m'a fallu tout le temps qui s'est écoulé depuis pour déterminer ce que je voulais que nous fassions ensemble. J'ai exploré idée après idée, sans être pleinement satisfait d'aucune d'entre elles. L'emmener en balade à la réserve naturelle de Westside ? Oui, elle m'a dit qu'elle appréciait cet endroit, mais je suis certain qu'elle s'y est déjà promenée des dizaines de fois au cours des deux dernières années qu'elle a passées à l'université, or je veux lui réserver un moment spécial. Et puis, à chaque fois que je suis allé courir là-bas, j'y ai croisé un certain nombre de couples. Trop banal... Même chose pour un restaurant ou un ciné : en plus, étant donné qu'elle veut explorer la relation entre nous « sans pression », je préfère éviter ce qui se rapproche trop des clichés du date.

J'ai aussi repensé aux instants que nous avons partagés à la fête des Zeta Beta Tau, avant que je ne gâche tout. Sur le ponton, elle semble avoir apprécié que nous écoutions de la musique ensemble. J'ai donc cherché si par hasard, il n'y avait pas ce soir un concert auquel j'aurais pu l'emmener, mais je n'ai rien trouvé de satisfaisant. Il y avait bien quelques événements, mais je n'étais pas prêt à prendre le risque de choisir un chanteur dont je n'étais moi-même familier. Trop de possibilités pour que la soirée tourne à la déception...

Alors je me suis creusé la tête, encore et encore, allant rechercher dans les tréfonds de ma mémoire des bribes de souvenirs concernant les goûts d'Ari. J'ai passé la journée d'hier à lutter contre l'angoisse de ne pas voir l'idée lumineuse s'imposer à moi.

Et puis, ce matin, comme si mon subconscient avait compris que c'était ma dernière chance, mon esprit a commencé à dessiner les contours d'un plan. Je sais quel moment je veux offrir à Arabella, désormais ; il ne me reste plus qu'à tout mettre en place pour que tout soit aussi réussi que possible. Mais tout dépend d'une seule condition...

— J'aurais besoin que tu me laisses la chambre ce soir, j'annonce à James.

— Ah, carrément !

Mon meilleur ami retire sa veste, qu'il jette sur son lit, et me fixe d'un regard scrutateur. Je ne peux empêcher mes joues de rosir.

— Pas pour jouer au Monopoly, je suppose ? me taquine-t-il.

À présent, je dois être carrément rouge pivoine. C'est ce que je craignais : qu'inviter Arabella ici ressemble trop à une proposition à caractère sexuel. Ce n'est pourtant pas ce genre de choses que j'ai derrière la tête, même si je ne me plaindrais pas si la température venait à monter. Mon raisonnement, c'est qu'Ari n'étant pas encore pleinement à l'aise à l'idée de me fréquenter, le regard des autres la dérangera probablement. Ici, à l'inverse, nous pourrons être tous les deux, dans notre bulle... Et quel meilleur moyen de la faire entrer dans mon intimité que de lui montrer où je vis ?

— J'ai raté plusieurs épisodes, je crois, reprend James. Tu ne m'avais pas dit que tu avais une touche avec une fille ! Je la connais ?

— En fait, c'est... Arabella.

Les yeux de mon meilleur ami se plissent, puis s'écarquillent.

— T'es sérieux ? lâche-t-il.

J'acquiesce en silence. James se passe une main dans les cheveux, ébahi.

My Water HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant