Chapitre 23 - Arabella

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Il n'a pas fallu longtemps pour que la réalité me rattrape après ma soirée si délicieuse avec Caliban. Mon début de semaine a été totalement merdique. Pour commencer, ma mère s'est bloqué le dos, et je m'inquiète pour elle. Sa colonne vertébrale lui fait un mal de chien ; pourtant, elle s'obstine à aller travailler. C'est vrai, étant donné qu'elle est seule pour faire tourner son salon de coiffure, elle y est plus ou moins contrainte si elle veut honorer ses rendez-vous, mais savoir qu'elle souffre me serre le cœur. J'ai essayé de la convaincre de prendre au moins deux jours pour se reposer, en vain : elle ne veut rien entendre. Il ne me reste plus qu'à croiser les doigts pour qu'elle se remette vite et sans complications...

En plus de ça, j'ai reçu les résultats d'un des premiers devoirs de l'année, et alors que je pensais l'avoir bien réussi, je n'ai récolté qu'un B-. Pour beaucoup, ça resterait une note honorable, mais pour moi, c'est un revers que je peine à accepter. J'ai fait une erreur bête en confondant deux concepts dans l'une des questions qui valaient le plus de points. Je m'en veux tellement... Je vais devoir mettre les bouchées doubles pour rattraper ça.

Dans une autre matière, le prof nous a donné une dissertation à préparer avec un minimum de mots indécent, semblant oublier qu'il n'est pas le seul dans cette université à donner du travail aux étudiants. Il va falloir que je tire sur les limites de mon planning pour m'en sortir...

Par-dessus le marché, il pleut. Ce n'est pas grave, ça ne devrait pas m'affecter, mais c'est pourtant le coup fatal pour mon moral. Ce n'est pas une petite pluie, en plus : depuis ce matin, les nuages déversent des trombes d'eau sur le campus. Toute la journée, il a fait sombre comme en plein hiver, et je n'ai eu qu'une envie, retrouver le confort de ma couverture douillette. Elle m'attend, dans ma chambre : plus que deux heures à tirer au cabinet d'avocats, et je pourrai la retrouver.

J'ai hâte.

Pour toutes ces raisons, même si seulement quarante-huit heures se sont écoulées depuis mon date avec Caliban, il me paraît déjà si lointain... Avec nostalgie, je repense à la bulle de bien-être dans laquelle j'étais plongée alors. Je savais que cela ne pouvait pas durer : la vie ne peut pas toujours être aussi facile. Je ne lui ai pas écrit ces deux derniers jours : comme je lui ai dit, les messages, ce n'est pas vraiment mon truc, et puis j'ai été trop occupée de toute façon. En revanche, plusieurs fois, je me suis surprise à me demander quand lui allait me recontacter. J'ai besoin d'une lumière dans l'océan morose qui s'est abattu sur moi sans prévenir...

— Mademoiselle Gomez !

Je redresse la tête à l'interpellation de maître Aguilar, l'un des avocats du cabinet. Plaquant un sourire professionnel sur mes lèvres malgré mes soucis, je lui renvoie :

— Oui ?

— J'aurais un service à vous demander, si ça ne vous embête pas.

— Bien sûr. Dites-moi de quoi il s'agit.

Il s'approche de mon comptoir, pose une main dessus puis reprend :

— Comme vous le savez, Leopold, mon assistant, est en congé cette semaine et la suivante. Je pensais pouvoir gérer mes dossiers sans lui dans l'intervalle, mais je n'y arrive pas. Je sais que ce n'est pas dans vos attributions, mais accepteriez-vous de me donner un coup de main en rédigeant quelques mails pour moi ? Rien de bien compliqué, je vous fournirai tous les éléments nécessaires et je veillerai à ne vous solliciter que pour les sujets qui ne présentent pas de problématiques particulièrement brûlantes. Est-ce que vous seriez d'accord ?

Je me retiens de sautiller sur mon siège. Une telle opportunité, je l'attends depuis que j'ai commencé à travailler ici ! Me confronter à la réalité du métier d'avocats, gagner en compétences au contact de professionnels... Pourtant, je m'oblige à brider mon enthousiasme, et à demander à maître Aguilar :

My Water HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant