Chapitre 27 - Caliban

3.4K 336 88
                                    

Attention : Le chapitre qui va suivre contient une scène sensuelle. Elle a à mon avis sa pleine pertinence dans le roman pour comprendre la dynamique de la relation entre Caliban et Arabella, dans tous ses aspects, mais elle n'est pas strictement nécessaire pour comprendre la suite de l'intrigue. Si vous le préférez, vous pouvez en sauter la lecture !

Je ne crois pas déjà avoir été aussi heureux de ma vie.

Aller chercher ces très beaux temps, cette première place en relais, sous les yeux d'Arabella... C'était juste exceptionnel. Ça ne ressemble pas à la réalité, mais plutôt aux rêves que je faisais quand je m'autorisais à laisser parler mes espoirs les plus fous pour ma première année d'université. Et pourtant, je suis bien là, les lèvres d'Ari contre les miennes m'ancrant dans le présent.

J'ai tant apprécié de la voir si investie dans les gradins lorsque les courses me laissaient le loisir de la regarder. Ses applaudissements, son visage rougi, les encouragements qu'elle m'a criés... Ils m'ont porté.

J'ai fait exactement ce qu'elle m'avait dit : je l'ai invitée dans mon univers, là où je me sens exister avec plus de force que nulle part ailleurs. Qu'elle s'y soit épanouie me confirme ce que j'ai toujours cru au fond de mon être : elle est faite pour moi. Et maintenant, elle semble le voir elle aussi...

Je savoure le contact de sa bouche ; sous sa paume posée contre mon pectoral, mon cœur bat plus vite. Lors de nos baisers précédents, je la sentais encore sur la défensive. Au Little Red, elle a rompu le premier bien trop vite à mon goût, rattrapée par la situation ; le deuxième, après notre date, elle y conservait encore une certaine retenue. Ce n'est plus le cas. Elle s'immerge dans notre étreinte, coule contre mon corps comme l'eau de la piscine tout à l'heure.

Mes mains se referment autour de sa taille ; l'une des siennes est perdue dans ma nuque. Nos souffles mêlés sont brûlants, et pourtant, ils semblent s'embraser davantage de seconde en seconde. Arabella n'est jamais assez près de moi ; quand ses doigts se faufilent sous le col de son t-shirt pour découvrir la peau nue de mon dos, je réalise qu'il en est de même pour elle.

Elle s'écarte de quelques centimètres. La manière dont elle me détaille, le souffle accéléré, la bouche entrouverte, me fait chavirer.

— Il n'y a aucune chance que James revienne ici plutôt que chez ses parents, n'est-ce pas ? me demande-t-elle.

Ses yeux sombres ont pris un vernis brillant. Son pouce caresse mon épiderme... et là, je comprends ce qu'elle cherche réellement à me dire.

Oh.

Oh !

Je déglutis, et confirme dans un chuchotement :

— Aucune.

L'instant d'après, nos lèvres se trouvent de nouveau. J'ai l'impression d'être traversé par un courant profond, de ceux qui agitent les mers et les poussent à s'écraser sur les côtes en gerbes d'écume.

Jamais mon cœur n'a battu pour quiconque d'autre qu'Arabella ; même lorsqu'elle a quitté le lycée et que j'étais convaincu d'avoir réussi à l'oublier, personne n'a pu l'y remplacer. Si j'ai flirté avec plusieurs filles, je ne suis jamais allé plus loin que quelques baisers. Quelque chose paraissait... discordant.

Je sais ce que c'est, à présent. Je l'attendais, elle. Qu'il ne s'agisse plus seulement de deux corps qui se désirent, mais d'une faim de l'autre allant bien au-delà. Toucher sa peau me rend extatique, et à la fois, ce n'est toujours pas assez. Je voudrais pouvoir me perdre en son âme elle-même.

Je n'ai pas peur de ce qui va se produire. Je me sens prêt, parce que je ne pourrais pas imaginer plus belle première fois. Avec Arabella, parce qu'elle éprouve enfin quelque chose pour moi. Mais je sais qu'elle, de son côté, a de l'expérience. Je ne veux pas la décevoir – et pourtant, comment pourrait-il en être autrement, alors que je n'ai qu'une vision théorique de ce qui doit se produire ?

Cependant, elle veut ce moment : l'ardeur avec laquelle elle s'agrippe à moi me le prouve. Alors je le lui offrirai, quitte à mettre à nu mes défauts.

Ses doigts poursuivent leur parcours, contournent mes flancs pour atteindre mes abdominaux. Je grogne et me tends vers elle, le cerveau anesthésié par cette sensation nouvelle et agréable, si agréable... Pour maîtriser la vague qui menace de déferler en moi, je me force à me concentrer sur une action après l'autre. Retirer mon t-shirt, puisqu'Arabella semble si intéressée par ce qu'il y a en-dessous. La prendre dans mes bras, et chercher dans son dos le bouton qui ferme son débardeur. Il tombe d'un coup, dans un seul mouvement fluide ; elle se recule d'un pas, la pointe de ses cheveux auburn chatouillant la dentelle blanche de son soutien-gorge. Cette vision se loge quelque part dans la galerie de celles qui, j'en ai l'intime conviction, demeureront avec moi jusqu'à ce que sombre le dernier fragment de ma mémoire.

Moi aussi, je pars en exploration de sa peau, l'esprit saturé par son velouté, la manière dont elle réagit à mon toucher, la chair de poule dont elle se couvre. Le reste de nos vêtements disparaissent ; à force de baisers et d'étreintes, il ne faut que quelques minutes pour qu'Arabella et moi nous retrouvions l'un contre l'autre dans mon lit dont je regrette à présent l'étroitesse. Une part de moi se sent en terra incognita, un voilier à la dérive sur une mer inconnue.

J'en ai le mat, en tout cas.

Je pourrais me laisser paralyser par l'appréhension, mais Arabella ne mérite pas ça. Ce qui compte, c'est que je lui exprime tout l'amour que je lui porte. Son corps que je découvre dans sa totalité après tout ce temps, je suis prêt à le vénérer. Si je l'embrasse, partout où je le peux, si mes mains dessinent volutes et arabesques comme à la surface miroitante d'un lac, je ne peux pas me tromper totalement, n'est-ce pas ?

Elle soupire sous mes lèvres ; une décharge électrique me traverse lorsque le bout de ses doigts se pose là où mon corps se dresse pour elle. Elle dessine des cercles lents à l'extrémité de ma virilité, et je dois fermer les yeux pour encaisser la pression.

Mes pensées se dissolvent et perdent de leur cohérence. J'ai une conscience accrue de chacun des effleurements d'Arabella. Je voudrais que ce moment dure une éternité, et que le temps implose à la fois.

— Tu as ce qu'il faut en matière de protection ? me chuchote-t-elle.

J'acquiesce en silence. Ce n'est techniquement pas vrai : avec naïveté, je n'envisageais pas que cet après-midi pourrait se conclure ainsi, et je n'ai pas pensé à acheter le nécessaire. Mais heureusement, je sais ce que contient la boîte de biscuits en métal posée près du pied du lit de James, juste sous son matelas. Il ne m'en voudra pas si je me sers dans sa réserve, juste pour cette fois.

Je me lève, vais piocher un petit emballage argenté, puis reviens près d'Arabella. Je suis soulagé quand elle le récupère et prend la suite des opérations en main... même si, bien vite, c'est l'excitation qui prend le dessus. Je sens ses hanches venir à la rencontre des miennes, sa chaleur tout autour de moi, j'entends sa respiration s'accélérer, je la vois rejeter ses cheveux en arrière en même temps que sa tête. Elle donne le rythme, et je vogue avec elle, arrimé à ses courbes.

Malgré tous mes efforts, je ne peux maintenir bien longtemps les barrages qui retenaient l'explosion de mon plaisir. Mais dès que les particules de lumière cessent de danser derrière mes paupières, je me remets à tracer des chemins de baisers sur son corps et entre ses cuisses, jusqu'à ce qu'elle aussi se tende soudain avant de venir se blottir contre moi, enfin alanguie d'une douce torpeur.

Je viens de plonger dans un abysse de sensations, mais je suis loin d'avoir fait naufrage : avec Arabella juste là, sa main reposant au creux de mon épaule, j'ai le sentiment d'être arrivé enfin au port.

My Water HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant