Chapitre 31 - Arabella

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— Très bon anniversaire, mademoiselle Gomez. Je ne me trompe pas, c'est bien aujourd'hui ?

— Tout à fait. Je vous remercie.

— J'espère que vous passerez une excellente soirée.

Maître Aguilar m'adresse un clin d'œil depuis l'encadrement de la porte qui mène aux bureaux des avocats du cabinet. Je ne lui avouerai jamais, mais il m'a déjà offert le plus beau des cadeaux en me permettant de lui prouver ma valeur. Depuis qu'il m'a sollicitée pour l'aider pendant les congés de son assistant, j'ai eu à cœur de lui montrer qu'il a eu raison de faire appel à moi. Je pense y être arrivée : même si Leopold est de retour de vacances, je n'ai pas été renvoyée aux tâches qui étaient les miennes auparavant. Aguilar, mais aussi Paterson et les autres, continuent à me confier des missions régulièrement. Certes, je ne suis encore qu'une toute petite pièce dans l'engrenage du cabinet. Mais c'est un début.

Il faut bien commencer quelque part...

— Avant que vous ne partiez, il y a quelque chose que je voulais vous annoncer, au nom de tous les associés... reprend Aguilar. Nous apprécions énormément l'investissement qui a été le vôtre ces dernières semaines. Nous en avons discuté entre nous, et nous trouvons que votre salaire actuel n'est pas le reflet de ce que vous nous apportez, à tous. Nous avons donc pris la décision de le rehausser. Votre augmentation prendra effet sur votre prochaine paye.

— Oh...

Je ne m'attendais pas à ça ; moi qui ai habituellement une repartie à toute épreuve, je me retrouve bouche bée. Je sais à quel point les augmentations spontanées de ce type sont rares dans le monde du travail ; certes, mon salaire de base n'est pas mirobolant, et le cabinet peut largement se permettre de le remonter, mais si les associés ont pris cette décision exceptionnelle, c'est bien le signe que j'ai réussi à leur faire une excellente impression. Et au-delà de la satisfaction que cela m'apporte, c'est un soulagement bienvenu pour mes finances. Je saurai faire bon usage du moindre dollar supplémentaire.

— Merci beaucoup, je réponds à maître Aguilar, retrouvant ma voix.

— Ce n'est rien, nous savons que la vie étudiante est bien souvent précaire. Maintenant, filez, profitez de votre anniversaire. Vous avez sans doute mieux à faire que de vous attarder auprès d'un vieux croulant comme moi.

L'avocat est dur avec lui-même : pour un quinquagénaire, il est en excellente forme. Cela dit, je suis son incitation et m'empresse de rassembler mes affaires afin de quitter le cabinet. Il m'arrive régulièrement de déborder un peu de mes horaires, surtout maintenant que j'ai l'opportunité de toucher à certains des dossiers de mes employeurs, mais aujourd'hui, j'ai hâte d'être libérée. Caliban vient me chercher pour que nous passions la soirée ensemble. Il est arrivé devant le bâtiment : il m'a envoyé un message il y a quelques minutes pour me prévenir. À l'idée de le voir, des papillons s'envolent dans mon estomac. Cet été encore, si on m'avait dit qu'il me ferait ressentir de telles choses, je ne l'aurais pas cru.

Et pourtant...

Une fois les notes de cours que j'avais sorties au fond de mon sac, je passe ce dernier sur mon épaule, puis quitte le cabinet. Mon regard tombe aussitôt sur Caliban ; adossé à un lampadaire sur le bord du trottoir, il m'attend. Je remarque tout de suite qu'il a soigné son apparence : ses boucles brunes sont coiffées, et il porte un pull en maille bleu marine qui souligne la carrure que la natation lui a apportée. Quand il me voit, son visage s'illumine ; je tourne sur moi-même pour lui faire admirer ma tenue. Moi aussi, puisque nous sortons, j'ai fait un peu plus attention que d'ordinaire à mes vêtements. Une robe en laine gris perle, des collants, des bottes qui m'arrivent en-dessous du genou... Rien de flamboyant, mais de quoi me sentir belle. Spéciale, pour cette soirée d'anniversaire.

My Water HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant