Chapitre 48 - Arabella

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Mon plan est simple.

J'ai déjà été confrontée par des personnes comme Jeremiah Becker par le passé : ce qu'ils cherchent à privilégier par-dessus tout, c'est l'ordre établi. Toute discussion dont le ton monte un peu trop, ils s'efforcent de l'étouffer. Le fond du débat ne compte pas à leurs yeux : ce qu'ils veulent, c'est le clôturer au plus vite. Éviter les questions gênantes, les positionnements qui les obligeraient à s'engager. Parce que pour eux, le silence est plus confortable ; le statu quo leur profite.

Hawkins, le proviseur de mon ancien lycée, était exactement de ce genre-là. Et pour faire plier Becker, je compte employer exactement la même stratégie qu'à l'époque : faire du bruit, jusqu'à ce qu'il n'ait plus d'autre choix que d'ouvrir la discussion.

Forcer Patrizia à satisfaire les Combs présente pour lui un avantage certain : enterrer toute l'affaire au plus vite. Nous devons lui faire comprendre qu'il s'illusionne. Il n'est pas face à une alternative entre le silence qu'il affectionne tant et le désordre, mais entre une injustice susceptible de tourner une majorité des étudiants de cette université contre lui et un peu de fermeté à démontrer face à un couple de parents aux exigences déraisonnables.

Tout cela, je l'explique d'abord à Patrizia au clubhouse ; elle m'écoute attentivement, et approuve ce que je lui propose. Cela ne m'étonne pas. Même si elle s'est laissé affecter par la situation un peu plus tôt – et qui ne l'aurait pas été, quelques heures seulement après le choc de sa convocation par Becker ? –, il y a une volonté chez elle d'en découdre contre tous les obstacles que le monde placera sur sa route pas si éloignée de la mienne. Elle a conscience qu'une action collective l'obligera à s'exposer, mais elle y est prête – si ses coéquipiers sont derrière elle.

Leur réaction lorsque nous descendons du clubhouse pour les rejoindre dans le hall de la piscine où ils nous attendent ne laisse aucun doute à ce sujet.

Déterminée, je leur détaille ce que j'envisage. Ils se montrent prêts à agir sans la moindre hésitation, tous autant qu'ils sont. La première étape de mon plan les concerne : je leur suggère d'écrire une lettre à Becker, eux aussi, pour lui indiquer que s'il suspend la participation de Patrizia aux championnats de ligue qui arrivent, alors ils déclareront forfait eux aussi.

— Vous pensez que le reste des Dolphins vous suivrait ? je leur demande – après tout, ils ne sont que huit face à moi ce soir.

— Pour ce qui est des première année, c'est sûr, affirme Ernest. Ça représente déjà une bonne partie de l'effectif. Et pour ce qui est des autres promotions, je suis assez confiant dans le fait qu'ils rejoindront le mouvement.

— Jana, Debra et Melody m'ont déjà exprimé leur soutien quand l'ambiance était bizarre après la course de samedi, nous informe Patrizia. Sue et Mabel sont dans mon relais 4 nages, elles aussi devraient faire front sans hésitation.

— C'est déjà une part suffisamment importante de l'équipe pour peser, quoi qu'il arrive, je calcule.

— Je peux me charger de contacter tous les autres ce soir, propose Caliban. Histoire qu'on soit déjà sur la même longueur d'ondes à l'entraînement de demain matin.

— Et moi, je peux m'occuper de rédiger un premier jet de la lettre, rebondit Anton. Il faudra que tout le monde la valide, mais ça fera déjà une base.

— Parfait, merci à vous deux. Tout ça, ça devrait déjà faire réfléchir Becker. Que toutes les universités de la ligue puissent constater qu'il est en conflit avec ses athlètes si vous êtes absents aux championnats, la perspective ne lui plaira pas du tout. C'est possible que l'idée suffise à le faire changer d'avis à propos des Combs, mais il y a aussi un risque qu'il s'entête et cherche à vous mettre la pression. Dans ce cas... l'Association des Élèves rentrera en jeu, elle aussi.

My Water HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant