My Water Heart

Chapitre 5 - Caliban

— GO DANBURY ! LES DOLPHINS EN FORCE !

— Bienvenue dans l'équipe ! On va tout déchirer ensemble cette année, on compte sur vous !

Une foule monstre se masse dans le hall de la piscine, que James et moi avons rejoint il y a quelques minutes sans nous douter de l'accueil qui nous serait réservé. Notre tout nouveau coach nous a convoqués pour un « point de rentrée », avec le reste de la fournée de première année qui ont été sélectionnés pour représenter la WestConn dans les bassins. Nous nous attendions à une discussion dans un bureau... pas à ce que l'ensemble des Danbury Dolphins, toutes promotions confondues, se soient réunis pour nous accueillir. Ils sont une petite trentaine, à peu près autant de garçons que de filles, à nous avoir couverts d'un tonnerre d'applaudissements lorsque nous avons poussé la double porte du bâtiment. Depuis, James et moi serrons des mains et sommes submergés par plus de prénoms que nous serons capables d'en retenir en une seule fois.

— Alors comme ça, c'est toi, notre nouveau sprinteur ? me demande Austin, un grand brun qui doit avoir deux ou trois ans de plus que moi, après m'avoir assené une vigoureuse tape sur l'épaule. Je suis allé voir tes temps aux dernières compétitions inter-lycées, ça promet !

— Carrément ! renchérit un certain Vaughn. 50 secondes au 100 yards en nage libre, c'est une super base de travail.

Je reste bouche bée, touché non seulement qu'ils aient pris le temps de se renseigner, mais qu'ils aient retenu mes statistiques par-dessus le marché. Ils sont impliqués dans la réussite de l'équipe – comme tout le monde ici, cela se voit.

— Ne fais pas cette tête-là, me renvoie Austin. Il va falloir qu'on commence à réfléchir très vite à la composition des relais, on a juste pris de l'avance. Ça ne m'étonnerait pas que le coach t'intègre à notre équipe pour le 4 x 100 nage libre.

— C'est lui qui tranchera, mais ça ne nous empêche pas d'émettre nos petites hypothèses, l'appuie Vaughn. On a plusieurs Dolphins qui ont décroché leur diplôme à la fin de l'année dernière, et deux autres qui ont décidé de quitter le programme, du coup on a de la réorganisation à faire.

— Bon, alors, dis-nous tout : dans le débat petit ou grand bassin, tu te situes dans quel camp ?

Une question qui revient souvent dans les discussions entre nageurs : si les compétitions universitaires sont généralement disputées en bassins courts – de 25 yards –, la plupart des événements internationaux, eux, ont lieu dans des piscines olympiques de 50 mètres.

— Le deuxième, clairement, je réponds. J'aime bien pouvoir nager un peu avant de toucher le mur. Et puis, les virages et les ondulations, j'ai pas mal de boulot là-dessus.

— Ah, les ondulations... C'est la bête noire de tout le monde, je crois !

Un troisième nageur débarque à cet instant pour apporter son grain de sel au débat ; j'en profite pour chercher James du regard. Il a été absorbé par son propre petit groupe de nouveaux coéquipiers enthousiastes, mais je n'ai qu'à voir son regard qui pétille pour être rassuré quant au fait que tout se passe bien pour lui aussi.

Les brochures qui vantaient la cohésion qui règne parmi les Dolphins ne mentaient pas. Je ne connais pas encore tous ces gens ; pourtant, ils me font déjà sentir que je suis l'un d'eux. Partie d'un tout.

Mine de rien, cela me galvanise, et j'espère que je me montrerai digne de leurs espoirs dès les premiers meetings de l'année, mi-octobre.

— Tout le monde, un peu de calme ! réclame soudain une voix grave.

L'homme qui essaie ainsi d'attirer l'attention générale est juché à mi-hauteur des escaliers à droite du hall. La quarantaine, quelques rares fils blancs striant sa masse de cheveux noirs et sa barbe épaisse, il est doté d'une musculature sèche qui ne s'obtient qu'au prix d'une hygiène de vie irréprochable, et que son débardeur ainsi que son short floqués du logo de l'équipe soulignent fièrement. Loin d'obtenir le silence, c'est cependant une nouvelle acclamation que son intervention déclenche.