Chapitre 42 - Caliban

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— Caliban ! Tout va bien ? Tu t'es entraîné sérieusement pendant les vacances, à ce que j'ai vu tout à l'heure.

Le coach Cabrera a relevé la tête lorsque je suis entré dans son bureau il y a un instant. Aux feuilles de notes étalées devant lui, je vois qu'il est en train d'élaborer nos sets pour les prochaines séances – les séries d'exercices qu'il va nous donner. Les cours ne reprennent que dans deux semaines, mi-janvier, mais je suis déjà de retour sur le campus avec l'ensemble des Dolphins. Une série de compétitions nous attendent très bientôt : nous devons nous y préparer.

Il me surestime : malgré mes sessions matinales avec Cody, les longueurs que j'ai enchaînées tout à l'heure ont tout de même piqué. Mais s'il est satisfait, tant mieux.

— Tout va bien, oui, je réponds. Mais il y a quelque chose dont je voulais vous parler.

— Je t'écoute. Tu veux t'asseoir ?

Il me désigne la chaise en plastique qui lui fait face, et j'y prends place – mes jambes endolories par les efforts que j'ai fournis ce matin m'en remercient.

— J'ai suivi vos conseils, j'attaque ensuite. J'ai pas mal réfléchi pendant les vacances, à ce qui me pesait et ce que je voulais faire de ma vie, et j'ai eu une idée dont j'aimerais vous faire part. Voilà... Je sais que malheureusement, les étudiants de cette université qui n'ont jamais eu l'occasion d'apprendre à nager ne sont pas rares. J'aimerais donc, si vous m'y autorisez, organiser des initiations à la piscine pour ceux qui le souhaitent.

— Pour te faire un peu d'argent à côté de tes études ?

— Non : bénévolement.

Cabrera se penche en avant sur ses coudes, attendant que je lui en dise plus. Il est intrigué, je le vois bien. J'inspire, puis lui explique :

— Savoir nager, c'est une compétence de base. Ça permet de profiter de la mer, des lacs, avec bien davantage de sécurité. Mais au-delà de ça, j'ai passé beaucoup de temps avec mon petit cousin pendant les vacances, et j'ai adoré lui transmettre ce que je sais. Cela me plairait beaucoup d'être en mesure de continuer à communiquer aux autres ma passion.

L'idée m'est venue après ma discussion avec James à la soirée de Nouvel An. Il m'a encouragé à devenir celui que j'avais envie d'être, et j'ai longuement réfléchi à ce que cela signifiait. Si souvent, j'ai l'impression de mener une vie qui ne compte pas... Cependant, sur Cody, j'ai eu un impact. Alors peut-être que ce n'est pas d'une manière éclatante, susceptible de susciter l'admiration générale comme mes parents en rêveraient. Mais cela m'a fait me sentir bien. Aligné avec moi-même, mes valeurs. Je ne veux pas perdre cela. L'année qui s'ouvre me donne l'occasion de prendre un nouveau départ : voilà une manière concrète de le faire.

Il faut juste que le coach m'en donne l'autorisation...

— Tes entraînements et tes études t'imposent déjà un planning très chargé, objecte-t-il. Tu es certain que tu pourras assumer cet engagement en plus ?

Je hausse les épaules.

— À notre dernière compétition, vous m'avez demandé de trouver un moyen de gérer ce qui s'agite en moi. Oui, cela me prendrait un temps certain. Mais il ne serait pas perdu, loin de là. J'ai besoin de faire la paix avec moi-même, coach : vous aussi, vous en avez conscience. Et je pense que cela passe par une nécessité de redonner du sens à mes choix.

Cabrera m'observe longuement, semblant peser les mots que je viens de prononcer. Je soutiens son regard, cherchant à lui exprimer silencieusement ma détermination, ma motivation. Puis il lâche :

My Water HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant