Mon portable vibre dans ma poche. Je l'en extrais plus par réflexe qu'autre chose.
Après de longues minutes d'hébétude, j'ai fini par me traîner jusqu'au chalet. Je ne pouvais pas rester sur le ponton, dont l'atmosphère si romantique me renvoyait à la figure toute la cruauté de mon échec. La remise dans laquelle je me suis réfugié me semble bien davantage en adéquation avec mon état d'esprit : sombre, sordide, abandonnée de tous.
Idéalement, il aurait fallu que je rentre sur le campus, histoire de me terrer dans ma chambre et de m'enrouler dans ma couverture avec mes sentiments heurtés. Mais pour la rejoindre, il n'y a pas d'autre solution que d'emprunter les navettes réservées par les Zeta Beta Tau, et la perspective de passer une vingtaine de minutes enfermé dans l'une d'elles, tous les passagers me dévisageant, me semble insupportable.
Maintenant, j'en viens à envier le vélo d'Anton qui me laissait si sceptique tout à l'heure... Je serais prêt à pédaler, du moment que je peux préserver ma solitude.
Je ne me voyais pas retourner au cœur de la fête dans mon état ; je cherchais juste un endroit pour m'isoler. Si bien que quand j'ai vu une porte métallique sur le côté du bâtiment, j'ai essayé de la pousser, sans grand espoir. Elle s'est ouverte, pourtant ; derrière, j'ai découvert ce petit espace où est entreposé du matériel de jardin, qui doit être disposé au bord du lac lorsque la météo s'y prête davantage. Je me suis assis sur une pile de transats et ai posé au sol mon gobelet de bière auquel je me cramponnais toujours, inexplicablement. Depuis, je n'ai pas bougé, incapable de m'extirper de la spirale sans fin dans laquelle le rejet d'Arabella m'a plongé. J'ignore combien de temps s'est passé depuis qu'elle m'a abandonné sur le ponton ; en revanche, ce que je sais, c'est que je l'ai revue me briser le cœur au moins une centaine de fois dans mon esprit. Pourtant, je n'arrive pas à me forcer à penser à autre chose, parce qu'alors, j'accepterais que ce qui a eu lieu ne peut être modifié. Que j'ai voulu prendre le pari de me dévoiler à elle, et que j'ai perdu.
Machinalement, j'allume l'écran de mon téléphone et le déverrouille. Le message que je viens de recevoir est de James :
Tu es où, mec ? Ça fait au moins une heure que je ne t'ai pas vu, tout va bien ?
Je laisse tomber le portable à côté de moi, la gorge nouée. Je n'ai pas envie de répondre, parce que je n'ai pas encore envie de voir qui que ce soit - et si je lui dis où je suis, mon meilleur ami va se douter qu'il s'est passé quelque chose et rappliquer aussi sec, c'est évident. Pour autant, si je m'écoutais, je sais qu'il se passerait plusieurs jours, voire au moins une semaine avant que je ne me sente de nouveau capable d'affronter le monde, et ce n'est pas envisageable que je m'isole pendant aussi longtemps. Je viens de commencer l'université, c'est le moment ou jamais de me tisser des liens qui perdureront pour mes années d'études à venir, et même au-delà. J'ai déjà gâché une bonne partie de cette soirée en allant retrouver Arabella plutôt qu'en continuant à faire la connaissance des Dolphins. Je dois limiter la casse.
Et puisqu'il faut bien une première personne à revoir après ce qui s'est passé, James est sans doute le meilleur choix.
Alors je récupère mon téléphone et me résous à taper :
Je suis dans la remise sur le côté du chalet. Tu la trouveras facilement en longeant le mur extérieur, la porte n'est pas verrouillée.
Je soupire, relis mon message, puis en envoie un deuxième dans la foulée :
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My Water Heart
RomanceLorsque Caliban fait sa rentrée en première année à la WestConn, il s'attend à prendre un nouveau départ : il a été sélectionné pour faire partie des Dolphins, l'équipe de natation de l'université, et a hâte de combiner ses études et sa passion. Pou...