Chapitre 3 - Caliban

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— Caliban Arden ! s'exclame Arabella lorsque j'arrive devant son stand. Ça faisait longtemps !

— Salut. Tu as perdu ça, je crois.

Je lève la liasse de flyers que je viens de rassembler en feignant un détachement que je suis loin de ressentir. Je voudrais apparaître comme le mec cool et digne de son intérêt que je n'ai jamais su être à l'époque du lycée ; mais lorsqu'elle effleure mes doigts inconsciemment en récupérant ses prospectus, je dois me retenir pour ne pas ramener aussitôt ma main tout contre moi, parcouru par une décharge électrique.

— Merci, lâche-t-elle, en replaçant la pile près de celles qu'elle a déjà disposées sur sa table. Comment vas-tu ? Si tu es là, j'en déduis que tu as rejoint la WestConn, n'est-ce pas ?

— Fraîchement débarqué en première année ! Tu as devant toi l'un des tout nouveaux Danbury Dolphins !

Je ne sais pas comment je parviens à répondre sans que ma voix tremble. En grande partie grâce au ton amical d'Arabella qui me met à l'aise, certainement.

— J'aurais dû m'en douter. C'est vrai que tu passais pas mal de temps à la piscine, à l'époque. Tu as été envoyé dans quelle résidence ?

— Newbury.

— Ah oui, la plupart des nouveaux sont répartis entre celle-là et Lichtfield. Des bâtiments cubiques qui ne font pas rêver, mais au moins, les chambres sont fonctionnelles et confortables.

— Et toi, tu loges où ?

Arabella pivote pour désigner le bâtiment au fronton pyramidal à l'extrémité de l'esplanade.

— Fairfield, déclare-t-elle. Il est plus central, et il a plus de charme. Il faut bien des avantages à être en troisième année !

— De droit, c'est bien ça ? Tu veux toujours devenir avocate ?

— C'est le plan !

Elle replace l'une de ses mèches auburn derrière son oreille, son visage illuminé par un sourire communicatif. Je me suis toujours senti ainsi près d'elle : baignant dans sa lumière. Et une fierté supplémentaire m'envahit lorsque je remarque le badge fixé sur sa poitrine, qu'elle vient de dégager.

— Oh, tu es présidente de l'Association des élèves, carrément !

— Tout à fait. On organise tout un tas d'actions pour faire en sorte que chacun vive au mieux ses années à la WestConn. C'est nous qui coordonnons cette journée d'accueil, par exemple. On interpelle aussi le directeur de l'université quand une situation nous paraît injuste ou nuisible aux étudiants.

— Eh ben, lourde responsabilité. Ça ne te prend pas trop de temps ?

Arabella soupire en se passant une main sur le front.

— Si, mais c'est important à mes yeux. À quoi bon mener des études de droit si ce n'est pas pour me battre pour les causes qui me tiennent à cœur ?

— Ça ne m'étonne pas de te retrouver là, en tout cas. Tu as toujours été une source de motivation pour ceux qui t'entourent.

Arabella balaye le compliment d'un petit geste de la main ; pourtant, ce n'est qu'un fragment de tout ce qu'elle m'inspire. Non, elle n'a pas changé. Alors que nous parlons, j'ai le sentiment que je n'aurais jamais assez de sa présence. Qu'il y a une évidence entre nous qui me pousse vers elle.

My Water HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant