Chapitre 35 - Arabella

2.5K 286 132
                                    

— Arabella !

La voix de Caliban retentit dans mon dos alors que je m'éloigne de chez ses parents le long du trottoir. Il m'a entendue quitter la maison, bien sûr, et maintenant, il s'efforce de me retenir.

Je ne m'arrête pas. En fait, j'accélère même le pas. J'ai honte des larmes qui coulent sur mes joues. Il est si rare qu'elles s'emparent de moi... C'est ma fierté : rester forte face à tous les obstacles qui se dressent sur ma route. Mais les paroles de monsieur Arden m'ont poussée jusqu'à mes limites.

Pourquoi suis-je si affectée, hein ? Bien sûr qu'il ne sait rien de moi. Et pourtant... il a réussi à m'atteindre, là où je pensais que la certitude d'être confrontée à des mensonges suffisait à m'offrir une armure.

— Arabella...

Derrière moi, la voix de Caliban est plus proche. Trois mètres, peut-être. J'ai entendu ses pas précipités alors qu'il courait pour me rattraper. Je n'ai pas le choix : je vais devoir lui faire face. J'aurais préféré disposer de temps pour rassembler mes pensées, mais il ne se satisfera pas de mon silence. Je me résous à me retourner. Il m'observe, désemparé. Choqué de me découvrir en pleurs, aussi.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? s'inquiète-t-il. Dis-moi comment je peux t'aider, je déteste te voir comme ça.

J'inspire. Comment lui faire part des propos que son père m'a tenus ? Je pourrais simplement les lui balancer, les extraire de moi comme on arrache une épine vénéneuse. Sauf que les répéter, c'est leur donner une réalité que je leur refuse. Et puis, contrairement à ce que monsieur Arden pense, ce que ressent Caliban m'importe. J'ai été blessée, mais je peux encore le protéger, lui. Lui épargner de porter avec moi le fardeau de ce que ses parents pensent réellement de nous deux.

Mais il est intelligent : il a fait les connexions qui s'imposaient.

— Mon père t'a fait des réflexions ? devine-t-il. Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

— Il... Il croit que je profite de toi, j'admets.

Je m'agrippe au saphir de mon collier, me raccrochant à l'une des dernières choses qu'il m'a reprochées.

— Tu n'aurais pas dû m'offrir ça, j'ajoute.

— Arrête, ça me rendait heureux de te faire plaisir. Je peux expliquer à mes parents que tu ne m'as rien demandé, si c'est ça le problème.

Il fait un pas vers moi, bras tendus pour me prendre dans ses bras, mais je recule, secouant la tête. Il est encore si optimiste... Comme si tout allait bien, au fond, que quelques mots bien choisis pouvaient sauver la situation.

— Ce n'est pas le seul, j'affirme. Tu n'as pas vu comment ils se sont comportés avec moi pendant tout le repas ? Comment ils m'ont ignorée, ou alors rabaissée ?

— Tu exagères. C'est juste leur manière d'être, ils sont comme ça tout le temps.

Ça, je veux bien le croire...

Et pour Caliban, cela paraît juste normal ; il n'a rien connu d'autre. J'ai envie de le secouer, pour qu'il ouvre les yeux ; à la place, j'avance :

— Même avec toi, ils ne sont pas très sympas...

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Eh bien, ils n'en ont que pour les succès de Dorian. Ça ne te pèse pas, qu'ils agissent sans cesse comme si tu valais moins que lui ?

My Water HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant