Chapitre 4 : Roxie

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Après avoir enchaîné les patients toute la journée, j'étais allé récupérer les gars et le patient chez lui. Le protocole était clair. Je passais un coup de fil au patient concerné d'une ligne indétectable pour l'informer que nous arrivions. Il devait préparer quelques affaires de toilette et des vêtements de rechange. Il n'avait droit à rien d'autre. Ses affaires seraient fouillées minutieusement à notre arrivée à l'annexe. Aussi, il était inutile d'essayer de cacher de la drogue dans celles-ci. De toute manière, il n'en aurait pas eu l'occasion. En signant le contrat, il avait, également, renoncer à ses droits fondamentaux.

Monsieur Govern était très silencieux. Seul sa jambe démontrait de la tension qui l'habitait. Il semblait réellement déterminer à s'en sortir. Cependant, comme chaque personne qui en passait par là, il ressentait une certaine peur. Il n'avait pas connaissance de la suite des opérations. Cela était voulu. Nous créions un véritable choc dans l'esprit du patient lors de leur arriver. Nous voulions des sensations cognitives importantes associer au sevrage. J'avais observé chez mes anciens patients, un certain dégoût de la désintox par la suite, si bien qu'ils ne voulaient absolument plus passer par cette épreuve et s'accrochait d'autant plus à leur guérison. Durant son séjour, il allait passer par des épreuves, qui allaient être douloureux, voire insupportable. Notre but n'était pas de faire souffrir les malades mais créer une prise de conscience si grande qu'elle en demeurerait indélébile. Nous les marquions à jamais.

L'annexe se trouvait dans la zone industrielle de la ville. J'avais acheté ce hangar après mes études afin d'être éloigné de tout. Le patient avait besoin de tranquillité et j'avais besoin d'un espace suffisamment grand pour assurer la sécurité du malade. De plus, ils ne voyaient rien d'autre que les murs de leur nouvel environnement pendant des semaines, aussi je me devais de rendre l'endroit agréable et apaisant.

Je me garais devant la bâtisse. C'était la plus petite du complexe mais, aussi, la plus éloignée. La façade ne payait pas de mine avec briques bordeaux et son toit en tôle mais le bâtiment était solide. Lorsque j'avais fait évaluer l'annexe par un architecte, qui s'était occupé de la décoration intérieure, j'avais expressément demandé si j'avais besoin d'effectuer des travaux extérieurs, si la bâtisse était solide. Il n'avait trouvé aucun signe avant-coureur d'un soudain effondrement, ce qui m'avait rassuré.

Deux hommes nous attendaient devant le bâtiment. Je jetais un coup d'œil à l'homme nerveux et celui-ci ne lâchait pas du regard les mastodontes qui s'approchaient rapidement.

- Faites-moi confiance, Jerry, tentais-je de le rassurer un peu.

Cela ne sembla pas l'aider. Il fallait dire que Hector et Jason n'avaient pas des carrures rassurantes. De plus, le regard porter sur le malade n'avait rien d'engageant. Les deux hommes étaient, en quelque sorte, les gardes de cet « hôpital ». Ils étaient venus me trouver après que j'ai aidé un membre de leur famille. Hector avait pu renouer des liens avec sa mère. Jason avec sa petite sœur disparut depuis huit ans. Malgré l'air qu'ils se donnaient pour impressionner Jerry, c'étaient des hommes adorables.

Ils ouvrirent la portière arrière et choppèrent mon patient par les bras pour le tirer du véhicule. Jerry fut pris de panique. Il gesticula pour les contraindre à le lâcher mais rien n'y ferait. Il cria mais cela n'y changerait rien. La machine était en route. Par cette action, je voulais qu'il prenne conscience qu'il ne possédait plus aucun droit. Il était sous notre autorité. Il nous revenait de faire des choix bénéfiques à sa place. Pendant que nous déchargions la voiture, des derniers éléments dont nous aurions besoin, les gardes firent entrer Jerry dans l'annexe. Ces cris s'estompèrent progressivement jusqu'à être inexistant lorsque les portes se refermèrent derrière eux. J'avais, bien entendu, fait insonoriser l'endroit afin de ne pas être dérangé. Cela s'apparentait à un enlèvement. Je ne voulais pas avoir affaire à la police. Je ne faisais rien de mal. Bien au contraire. Je reconstruisais ces hommes et ces femmes afin qu'ils puissent réintégrer la vie civile avec toutes les armes en main pour affronter le monde sans avoir besoin d'échappatoire.

Les bras chargés, nous nous jetions un dernier coup d'œil puis nous pénétrions, à notre tour, dans l'annexe. Jerry était déjà maintenu, à l'aide de sangles, à un lit, classique, hospitalier. Il continuait à s'agiter dans tous les sens afin de se libérer et hurlant qu'il avait changé d'avis. Je déposais mes affaires dans la salle de repos du personnel et me rendis à son chevet. Il avait le regard suppliant et apeuré. Cela me fendit le cœur. Je n'aimais pas tellement cette partie de mon travail mais cela était nécessaire. Il fallait qu'il apprenne à se soumettre à nous, dans un premier temps. Il devait abandonner toute résistance et nous laisser le contrôle sur lui.

Je posais ma main sur son épaule, le regard compatissant.

- Vous devez arrêter de vous débattre. Ça ne sert à rien d'autres que vous blesser, Jerry, tentais-je de le résonner en voyant ses poignets devenir rouges. N'oubliez nos objectifs... nous sommes ici pour vous aider.

- C'est de cette façon que vous m'aidez, cria-t-il, désespérer et coléreux.

La colère était une bonne chose. Elle exprimait son instinct de combattant dans une situation, que son cerveau estimait dangereuse. Cela m'apprit qu'il se battait toujours, qu'il avait l'énergie de prendre part à ce qui allait suivre. L'homme était un battant. Je l'en appréciais d'autant plus, même si cela compliquait les choses.

- Oui. Vous ne voyez pas, pour le moment, l'aspect médical du programme mais ça va venir.

- Je n'aurais posé aucune difficulté à être harnaché, alors pourquoi toute cette comédie ?

- Cela fait partie des étapes que vous devez franchir. Je suis désolée si cela vous à effrayer mais je ne vous ai rien cacher, Jerry. Vous saviez que cela ne serait pas une partie de plaisir, fis-je valoir avec plus de force dans la voix.

Il détourna la tête afin de m'ignorer, énervé, à présent. Dans un soupir, je le quittais afin d'aider Gilbert et Stephen dans la préparation des premiers soins. Les deux m'observèrent approcher, tendus.

- Il faut vraiment que tu arrêtes de tenter de négocier avec eux. Ça ne sert à rien, me reprocha Gilbert.

- Je sais mais c'est plus fort que moi. Leur enlever tout, je ne suis pas contre mais les terrifier, c'est autre chose. De plus, je l'ai toujours fait et ça n'a jamais nui à la thérapie, tentais-je de me défendre.

- C'était pour toi que je disais ça. Tu te fais du mal. Depuis le temps, tu aurais dû t'endurcir...

- Que veux-tu, je suis un cœur tendre, blaguais-je pour faire descendre la tension.

- Pas toujours, hein, ricana Stephen, entrant dans mon jeu.

- La ferme, rigolais-je.

Gilbert s'éloigna de nous, dans un soupir. Stephen posa sa main sur mon épaule lorsque je suivis du regard notre collègue.

- Il est trop tendu pour le moment.

- Oui. Il est toujours comme ça, au début, confirmais-je.

- Il a à cœur de les aider. C'est un enjeu énorme à ses yeux.

- Ça l'est pour tous les trois. Il me reproche de ne pas suffisamment me protéger mais il en fait de même. Il devrait écouter ces propres judicieux conseils, secouais-je la tête.

Stephen haussa les épaules et se dirigea, à son tour, vers le centre de la salle, où se trouvait le lit de Jerry. Ils lui posèrent une perfusion d'analgésique, signe que l'homme avait de la fièvre, et une autre de glucose. Ensuite, Gilbert l'ausculta minutieusement. Quant à moi, je me rendis dans mon bureau afin de revoir les différentes étapes qu'allait traverser Jerry. Des recherches approfondies m'avaient été nécessaires pour certaines épreuves. Mes compétences s'arrêtaient à mes consultations, auprès du patient, ainsi que la préparation et mise en place des défis qu'il lui faudrait surmonter. Pour la plupart des gens, qui peuplent cette terre, mes actions auraient tout de la torture mentale, et je pourrais presque en être d'accord si je n'obtenais pas tant de résultats ainsi. Les éléments en main, j'étais satisfaite de mes trouvailles.

Un coup d'œil à l'horloge analogique, sur mon bureau, m'apprit qu'il était vingt-trois heures vingt-quatre. Je passerais à l'action le lendemain. Cette nuit allait servir à faire réfléchir le malade et lui offrir un peu de repos car la suite ne serait pas aussi... plaisante...

The spicy benefactress~Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant