Chapitre 29 : Riley

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Je déposais la tasse de café que Stephen m'avait fait l'honneur de me servir après mon repas, malgré l'interdiction habituelle. Il vint me rattacher au lit puis repris la tasse afin d'aller la nettoyer. Lorsqu'il revint à moi, la porte de l'annexe s'ouvrit, laissant passer le soleil. Cela m'éblouit d'abord, mes yeux s'étant acclimatés à la lumière artificiel du lieu. La silhouette floue de Gilbert s'approcha de nous, rapidement.

- Les stats ?

- Il va bien.

- Où est Rox ?

- Elle avait à faire au cabinet.

Le médecin semblait contrarier autant que moi par la nouvelle. Roxie n'était que présente depuis une semaine à l'entrepôt. Elle semblait se vaporiser chaque jour, fuyant l'endroit. Cela était bien la première fois que je la voyais agir ainsi. Elle avait toujours été aux petits soins pour les autres patients. Je devais avouer en être vexé car elle cherchait clairement à me fuir.

- Elle a de plus en plus de rendez-vous à l'extérieur, fit-il remarquer. Est-ce que je peux te parler en privé ? Demanda-t-il à son collègue.

- Bien sûr, agréa Stephen, avant de se tourner vers moi. Je reviens tout de suite. Avez-vous besoin de quelque chose en attendant ?

Je secouais la tête par la négative et me tordais le cou pour les voir partir dans leur espace personnel. Lorsqu'ils disparurent, je pus prendre un moment à moi, n'étant que très rarement seul. Stephen me collait aux basques en permanence. Il était vrai que le manque avait commencé à se faire ressentir et les douleurs que cela entraînait. Aussi, sa présence pouvait être bénéfique. Il me donnait ce dont j'avais besoin au moment précis ou je n'en pouvais plus. Cependant, ce petit instant de solitude me faisait du bien. Lors de mes observations précédentes, Roxie était toujours présente, aux côtés de ses collègues pour veiller sur mes prédécesseurs. Cela me mettait en rage qu'elle puisse me fuir alors que je m'étais préparé à être où j'étais depuis si longtemps. J'avais fait tout cela pour elle !

Je fermais les yeux pour échapper à la colère. Je devais feindre la calme afin de ne pas être drogué en permanence mais, de l'intérieur, j'étais en feu. La colère de son absence surpassant souvent la souffrance du manque.

Alors que je serrais les poings afin de contenir mon énervement, la porte se rouvrit, une nouvelle fois. Je détournais le regard, que j'avais porté à l'endroit instinctivement avant d'y revenir pour voir Roxie, figée, devant l'entrée, le regard perdu sur la salle. Ses yeux finirent par se poser dans les miens, assassins. Je ne pouvais pas cacher lui en vouloir. Elle baissa les yeux et s'éloigna, rapidement, vers l'endroit où se trouvaient Gilbert et Stephen. Cependant, elle se stoppa dans sa progression lorsque je ne pus retenir un grognement, presque animal. Je la vis prendre une inspiration avant de repartir sans un regard pour moi jusqu'à disparaître. Par ce geste, elle venait de m'exposer qu'elle avait un problème avec moi. Elle allait devoir y faire face, néanmoins, car elle avait prévu une séance de thérapie, après avoir annulé les dernières, prétextant avoir beaucoup à faire avant de se concentrer sur moi. Menteuse !

Il me fallut attendre près de dix minutes supplémentaires, avant de les voir débarquer, à nouveau. Tous trois pénétrèrent dans la grande salle obscure. Je restais silencieux alors que les deux hommes s'arrêtèrent au coin machine à café et que Roxie s'approchait lentement de moi. Elle semblait si réticente que la colère m'envahit à nouveau. Elle m'apparaissait comme une hypocrite. Elle avait choisi de me faire intégrer le programme et chose faite, elle s'enfuyait comme une lâche. Arrivée devant moi, elle tira une chaise près de mon lit. Je ne la lâchais pas du regard. Elle devait comprendre que son comportement me déplaisait. Elle releva doucement la tête.

- Comment vous sentez-vous, monsieur Mancini ?

- Frustré, grondais-je.

Son corps sembla se contracter à l'intonation de ma voix.

- Stephen m'a dit que le manque commençait à se faire ressentir. L'aide qu'il vous apporte vous fait du bien ?

- Oui mais je m'attentais à avoir plus d'aide de votre part !

Ses épaules montèrent et baissèrent malgré son expression neutre, signe que mes paroles la touchaient. Tant mieux !

- Je suis désolée pour mes absences intempestives, monsieur Mancini. Le patient qui était à votre place, il y a encore quelques jours, avait besoin de soutien, ces derniers jours.

- Il avait plus besoin de vous que moi, qui subissais, pour la première fois, l'état de manque ? Cherchais-je à la faire culpabiliser.

- Bien sûr que non. Malheureusement, je n'ai pas encore appris à me dédoubler, sembla-t-elle s'irriter de mon insistance. Cependant, vous étiez entre de bonnes mains contrairement à lui.

Mon attention entièrement fixée sur elle, je la scrutais intensément jusqu'à lui faire baisser les yeux. Je n'avais jamais pensé que je pourrais, un jour, agir ainsi envers elle mais elle l'avait bien cherché. J'avais tant fait pour elle. Elle n'avait qu'une chose à faire. Passer du temps auprès de moi afin que j'ai le temps de la séduire. Elle ne m'en donnait pas l'occasion et cela m'énervait prodigieusement.

- Je n'ai pas seulement signé pour des soins physiques, il me semble.

- En effet. Je serais plus présente, à présent. Le calendrier de vos soins sera respecté.

Je n'avais pas pour habitude de croire en la parole aussi facilement. J'attendais d'elle bien plus que des mots.

- Pouvons-nous commencer, ou avez-vous d'autres reproches à me faire ?

- Allez-y, l'invitais-je en balayant l'air de la main, faisant mine que la situation ne me touchait pas.

- êtes-vous prêt à entrer dans le cœur du sujet ?

- Non.

- Il le faudra bien, monsieur Mancini. Comme je vous l'ai déjà dit, votre enfance est le cœur du problème. Il vous faut vous en libérer. Pour cela, il va falloir l'aborder.

- Je n'en ai aucune envie. Ça n'a rien à voir.

- Au vu de votre précédente réactivité, j'ai réadapté ma façon d'approcher le sujet. Je comprends que cela soit délicat et douloureux pour vous. Nous avons tout le temps nécessaire pour discuter de tout cela.

- Je t'ai dit que je ne voulais pas en parler. C'est quels mots que tu ne comprends pas ? M'énervais-je.

- Tout d'abord, je vous prierais de ne pas me tutoyer. J'ai pour habitude de garder cette distance entre mes patients et moi. Aussi, je vous demanderais de respecter cette règle.

- Vous me demandez de vous respecter mais vous n'en faites pas de même pour moi en ignorant mes besoins, lui rappelais-je.

Elle souffla un bon coup. Je l'énervais. Cela tombait bien parce qu'elle m'énervait aussi. À savoir qui abdiquera le premier.

The spicy benefactress~Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant