Elle se foutait de moi. Je ne pouvais admettre qu'elle balaye toute notre histoire d'un revers de la main de cette manière. Je pouvais comprendre qu'elle souhaitait se concentrer sur ma guérison, connaissant son professionnalisme, mais pas ce qui existait entre nous. Cela m'était intolérable. Elle semblait mettre trop de distance entre nous, à mes yeux. Il fallait que cela change.
Cela faisait trois semaines que j'avais intégré le programme. Elle avait décidé de me garder, convaincue par l'infirmier. Dès lors, elle refusait tout contact avec moi, en dehors de nos séances. Elle laissait ses collègues faire le reste du travail, avec leurs approbations. Elle quittait l'annexe aussi souvent qu'elle le pouvait. Quant à moi, je n'avais pas d'autres choix qu'accepter.
Souvent, je rendais grâce à la souffrance que m'apportait l'abstinence. Celle-ci me permettait de ne pas devenir fou de rage mais fou de douleur. Chacun de mes muscles était affreusement douloureux, la plupart du temps. Les deux hommes avaient décidé, il y avait trois jours de cela, qu'il était temps pour moi d'affronter la triste réalité de ma connerie. Ils m'avaient, pour ainsi dire, retirer, pratiquement, tout antidouleur. D'après eux, il me fallait en passer par là afin de pouvoir évaluer les conséquences de mes actes sur mon organisme. Ils m'octroyaient du répit, seulement, lorsque mon corps était épuisé et que la souffrance devenait dangereuse.
Mes journées étaient interminablement longues. Elles étaient rythmées par les soins, manger et dormir. Parfois, j'avais la chance de m'évanouir de douleur, quelques heures. Ils voulaient que cela me serve de leçon. Ils réussissaient parfaitement. Chaque jour, je me promettais de ne plus jamais toucher à ces merdes de ma vie. Même pour Roxie. Si mon plan ne fonctionnait pas, il me faudrait trouver une autre solution parce qu'il était hors de question de repasser par ce que je traversais. Là étaient les bienfaits du programme mis en place par la jeune femme. Je connaissais tout le procéder mais l'expérimenter était tout autre chose. C'était froid, sombre, douloureux et insidieux. Je ne m'étais jamais senti aussi seul de ma vie. Même mon enfance merdique n'arrivait pas à la cheville de ce moment. Seul Stephen parvenait à tirer un peu de chaleur de cette épreuve. C'était un homme patient et compréhensif. Jamais dans le jugement, nous discutions régulièrement, tous les deux. Le sujet principal était la femme de mes folies. Il désapprouvait ce que j'avais faits. Il ne s'était d'ailleurs pas gêné pour me le faire comprendre. Face à sa colère, j'avais eu l'impression de n'être qu'un con. Cependant, il persistait à ne pas me catégoriser. Il cherchait constamment à comprendre la personne que j'étais. Il creusait toujours plus loin, faisant, presque, le job de Roxie.
Il avait plaidé en ma faveur, trois semaines plus tôt, ce qui m'avait évité un retour à la case départ. Je ne pouvais me montrer dur avec lui, pour cela. Je lui en devais une. De plus, je devais avouer apprécier cet homme sensible à bien des égards. Il était vrai, ne cherchait pas à mettre des gens dans une case. Il demandait à connaître avant de juger le bon du mal. Plus le temps passait, plus j'avais l'impression d'avoir trouvé un ami en cet homme. Il fallait dire que nous nous entendions bien, lorsque je n'avais pas le corps et l'esprit prit dans la tourmente du sevrage. J'avais d'abord trouvé son attitude envers moi, louche. Je m'étais méfié de sa prévenance mais rien en lui n'était calculé. Il aimait seulement les gens et leur apporter son aide. Il était tout simplement bon.
Je n'avais jamais connu une telle bonté d'âme. Dans la rue, tout avait un prix. Il fallait se battre pour survivre. Je n'avais connu que deux catégories de gens jusqu'à présent. Les loups et les agneaux. Je m'étais efforcé d'être un loup parmi les loups. Cela m'avait permis d'arriver jusque-là. Je n'avais pas eu le choix. J'agissais ainsi depuis si longtemps que je ne me rappelais plus la dernière fois où j'avais eu un véritable sourire sincère, où j'avais ri pour la dernière fois. Cela remontait à si loin.
- Ton petit déjeuner de champion, mon pote, me surprit, l'intéresser.
Je n'avais pas très faim ces temps-ci. Cela était un aspect du sevrage. Je n'arrivais pas à manger sans que tout finisse par ressortir. Mon corps se nettoyer de toutes les merdes que j'avais prises, toutes ces années et me le faisait payer. Cela n'arrêtait pas Stephen, néanmoins. Il m'apportait chacun de mes repas, même si je les refusais.
- J'en veux pas.
- Je ne vais pas me répéter, Riley, soupira-t-il, exaspéré. Il faut que tu prennes des forces. C'est important.
- Je ne garde rien, Stephen, grognais-je en sentant l'odeur du bacon me tordre l'estomac.
- Je sais mais il faut que tu essaies à chaque repas. Je ne peux pas te laisser dépérir. Et puis, dis-toi que tu en gardes toujours un peu malgré ce que tu peux penser, insista-t-il lourdement.
Il posa le plateau au bout de mon lit et détacha une de mes sangles. Il n'avait aucun droit de faire cela. Si le médecin revanchard savait qu'il m'octroyait un peu de liberté, il serait vivement contrarié et l'infirmier passerait un mauvais quart d'heure. Cela ne semblait, cependant, pas inquiéter ce dernier.
- Aujourd'hui, tu as une nouvelle séance avec Roxie. Tu te rappelles notre conversation ?
- Oui, papa, soufflais-je.
- Ce n'est pas pour t'emmerder, Riley. Roxie est à cran en ce moment. Cette situation la stresse beaucoup. Elle se sent complètement perdue à cause de tout ça. Les dernières séances, tu as refusé d'ouvrir la bouche. Ça ne t'aide pas et ça ne l'aide pas, non plus. Rendez-vous service à tous les deux et avancer pour en terminer le plus vite possible. Elle ne t'accordera pas sûrement pas d'attention tant que tu seras son patient, Riley.
Je savais qu'il avait raison. Roxie était trop impliquée dans son travail pour faire une seule erreur. Elle ne pourrait pas se le pardonner alors elle s'éloignait. Dans un sens, cela me faisait plaisir car cela m'apportait les preuves nécessaires à ma santé mentale que je ne la laissais pas indifférente. Stephen n'a jamais voulu me le confirmer mais je savais qu'il avait connaissance de ses sentiments pour moi. J'avais pu surprendre quelques bribes de leurs conversations faussement chuchoter. L'attirance qu'elle ressentait pour moi, l'effrayer plus qu'elle ne pourrait l'admettre. Je savais, également, qu'elle l'avait ressenti bien avant mon arrivée à l'annexe. La jeune adolescence s'était prise d'affection pour le jeune homme accidenté de l'époque et cela ne semblait pas réellement l'avoir quitté depuis. En cela, je trouvais la force de résister à mes tortueuses journées. J'avais l'impression de ne pas souffrir pour rien. Mon plan n'avait pas marché comme je l'avais espéré mais rien n'était encore perdu.
- Je sais.
- Ouvres-toi à elle. Laisse-la faire sa magie sur toi, comme sur les autres patients. Elle ne veut qu'une chose... que tu retrouves la sérénité.
- Moi, c'est elle que je veux, avouais-je d'un ton bourru, ce qui le fit doucement rire.
- Je pense que tout le monde l'a compris, ça, mais tu t'y ait pris comme un manche alors à toi, d'assumer tes responsabilités, à présent, me réprimanda-t-il en posant le plateau devant moi.
Je retins ma respiration, les yeux posés sur l'assiette qui me faisait face. Cela ne me donnait absolument pas envie mais Stephen avait totalement raison. Il fallait que je mange pour sortir de là le plus rapidement possible.
- Les médicaments de la nuit ne vont bientôt plus faire effet et je voudrais que tu es quelque chose dans l'estomac avant que ça n'arrive.
Je lui jetais un coup d'œil avant de prendre la fourchette en main. La première bouchée était toujours la plus difficile. Je me dépêchais de prendre un croc de la tranche de viande, sans respirer et la mâcher rapidement sous le regard satisfait de l'infirmier. Il se leva et me laissa à mon repas pour s'affairer à ses tâches quotidiennes, non loin de là.
Je mangeais ce que je pouvais avant de remettre le plateau, encore fumant, au pied de mon lit. J'abandonnais mon café et l'omelette qu'il m'avait préparé, incapable de supporter plus longtemps l'odeur. Je ne voulais pas que la première image qu'aurait Roxie en entrant dans l'entrepôt soit ma personne vomissant tripes et boyaux. Aussi, je ne forçais pas. J'avais avalé les deux tranches de bacons. Cela serait suffisant.
La journée commençant, je n'avais plus qu'une hâte... qu'elle arrive car cela voulait dire deux choses... premièrement, j'allais bénéficier d'une nouvelle dose antidouleur supplémentaire afin de pouvoir me concentrer sur notre séance... deuxièmement, j'étais bien décidé à faire des efforts et commencer à me comporter de façon coopérative pour notre bien, à tous les deux...
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The spicy benefactress~Tome 1
RomanceUn changement, dû à un instant suspendu dans le temps, va changer la vie de Roxie Adams alors qu'elle se trouvait dans la fleur de l'âge. Un chemin différent de celui qu'elle s'était choisi qui va transformer ses idées bien tranchées sur ses projets...