Chapitre 27 : Riley

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L'éloquence de l'infirmier commençait à me porter sur les nerfs. Il ne cessait de discourir sur les actualités pour, semblait-il, combler le silence. À ce jour, je me fis la réflexion que le silence pouvait être une vertu. Aussi sympathique était-il, j'étais à deux doigts de lui dire de la fermer. Les nouvelles de la ville n'étaient pas ce qu'il y avait de plus passionnant et j'étais sûr qu'il en avait conscience. Alors que j'étais sur le point de craquer et emmètre de la voix pour qu'il ferme la bouche, des pas se firent entendre. Nous tournions, tous deux, la tête afin de voir qui était la personne à remercier. Gilbert et Roxie approchaient, tranquillement. Leur relation avait l'air d'être sous un meilleur jour. J'avais l'habitude de tout connaître de leur conversation, me faufilant à travers la bâtisse sans me faire entendre. Aussi, me savoir en dehors de toute cela était frustrant. J'habitais une place qui n'était normalement pas mienne. J'avais voulu cette place, je l'avais eu. Je devais apprendre une autre forme de patience, à présent.

Les deux comparses s'arrêtèrent face à nous. Gilbert se concentra sur Stephen alors que Roxie oscillait entre lui et moi. Je pouvais noter un changement chez elle. Un petit rien qui transperçait son regard lorsqu'il se posait sur moi. Cela me rappelait pourquoi j'avais entrepris tout cela. Cette chose qui faisait briller ses yeux était tout ce dont j'avais besoin pour prendre mon mal en patience.

- Tu peux aller prendre ta pause, Stephen. Rox va commencer, informa Gilbert.

Les deux hommes ne perdirent pas de temps et s'éclipsèrent rapidement. Roxie les regarda partir avant de se concentrer entièrement sur moi, à ma plus grande satisfaction.

- J'ai eu des retours de mes collègues mais je vais, tout de même, vous poser la question. Comment vous sentez-vous, aujourd'hui ?

- Bien.

- Vous avez demandé à me rencontrer à plusieurs reprises d'après le docteur West. Vous aviez besoin de quelque chose ?

- Non, me contentais-je de répondre.

Je n'allais certainement pas lui révéler, tout de suite, que je ne voulais pas qu'elle parte et que j'étais fou d'elle. Cela resterait mon jardin secret durant un petit moment encore. Je ne voulais pas prendre de risque de la faire fuir. Roxie était une femme terre à terre, ne vivant que pour son travail. Mêler sa vie professionnelle et sa vie personnelle n'était pas envisageable pour elle. Du moins, pour le moment. Elle n'était pas encore prête pour cela. Tout était qu'une question de temps.

Elle ne me croyait clairement pas mais se garda de m'inciter à développer.

- D'accord. Si vous n'avez rien à rajouter, nous allons pouvoir commencer votre première séance au sein de l'annexe.

Je gardais le silence, trop content d'avoir enfin ce tête-à-tête tant attendu.

- Vous dites bien vous sentir. J'aimerais que vous me disiez ce que vous pouvez entrevoir de la suite de votre séjour parmi nous.

Si elle savait..., souriais-je intérieurement.

- Je sais très bien que je vais morfler.

- Oui, c'est un fait. Ça vous fait peur ? Craignez-vous que ce moment arrive ?

- Non.

Il était hors de question de continuer à lui montrer un aspect de ma personne négative. Je voulais qu'elle puisse voir en moi, un homme fort, prêt à toutes les adversités que la vie pouvait m'envoyer. Elle soupira à ma réponse.

- Vous devez vous montrer à cent pour cent honnête avec moi, monsieur Mancini, afin que puisse vous aider. Je ne vous connais pas mais d'après ce que vous m'avez laissé entrevoir de vous... vous n'admettez pas la faiblesse et faire montre d'honnêteté sur votre état actuel, ou futur, vous semble être de la faiblesse... sachez que le fait d'être dans ce lit, attaché, privé de liberté, de votre plein gré est une preuve d'une très grande force. Faire face à ces émotions, également. Ne pas les affronter, les nier, est un signe de faiblesse. La fuite n'arrange rien, vous savez... bien au contraire, s'essaya-t-elle à me convaincre.

- Je n'ai pas peur, insistais-je, car cela était la vérité.

Je n'avais jamais eu à faire au sevrage. Depuis des années, j'avais pu voir, maintes, hommes et femmes passés entre ses mains. J'avais vu leur souffrance mais chaque personne était différente. J'avais fait face à la douleur durant ma rééducation. Je la connaissais. J'avais traversé cette épreuve non sans mal mais cela ne durait qu'un temps et la récompense, à la clé, était plus grande que la peur de souffrir. Alors non, je n'avais pas peur de souffrir si le cadeau au bout du chemin était la femme à mes côtés.

- Très bien. J'aimerais que nous abordions un sujet auquel nous n'avons pu, que très peu, nous consacrer, la dernière fois.

Mes mâchoires se soudèrent l'un à l'autre. Je savais parfaitement où elle voulait en venir. Je ne pensais pas qu'elle irait au cœur du problème de mes travers aussi vite.

- Êtes-vous d'accord pour aborder le sujet de votre enfance ?

La rage m'envahissait à chaque mot qu'elle prononçait car cela ravivait des blessures pas encore cicatrisées. Je savais que nous y viendrions à un moment donné mais je n'étais pas prêt à cela, pour le moment. Aussi, je gardais le silence afin de garder mon venin pour moi. Habituellement, je pétais un plomb. Selon la personne face à moi, je pouvais me montrer violent. C'était un sujet tabou.

- Je sais que c'est difficile pour vous mais j'y vois le sac de nœuds qui dirige votre vie, aujourd'hui. C'est par là que nous devons commencer, monsieur Mancini, insista-t-elle.

Je détournais le regard, malgré mon envie de profiter de ses magnifiques traits. La tension était trop forte en moi et je sentais qu'elle ne lâcherait rien. Cela m'animait d'une fureur redoublée. Cependant, ce fut sa question suivante qui me fit péter un câble.

- Estimez-vous que votre mère était fautive lorsqu'elle est morte et vous a abandonné aux mains d'un homme alcoolique et violent ?

Je ne voyais plus clairement. J'oubliais jusqu'à l'endroit où je me trouvais. Seule, la rage m'habitait alors que je me débattais pour me débarrasser de ses liens. Avec le projet de fuir cette pièce exempte d'air. J'avais l'impression que j'étouffais. Chacun de mes muscles était douloureusement tendu, prêt au combat. Les images de ma pauvre mère se positionnant entre mon père et mon frère et moi, ramassant toute sa haine à notre place me firent hurler d'une voix caverneuse. Je perdais pied jusqu'à ce que je sente deux mains agripper mes épaules. Une douce voix lointaine m'appelait mais je ne savais pas d'où elle venait. Je ne parvenais pas à m'y accrocher. J'avais mal partout. Le goût du sang s'imprima dans ma bouche et la voix se fit plus forte. J'avais l'impression d'être secoué de spasmes. Je souffrais autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Je n'étais plus qu'un tas de chair tremblant et enragée. Puis vint une petite lumière au loin. Celle-ci se rapprocha rapidement jusqu'à se transformer en ténèbre. Je parviens enfin à retrouver un suffisamment mes esprits afin de me rendre compte de l'endroit où je me trouvais, qui était en face de moi. Les yeux fermés, le corps toujours secoué de spasmes, ds mains englobant mon visage, je me laissais aller au sommeil forcé, une nouvelle fois. Cette fois-ci, je l'accueillais avec plaisir. J'eus le temps d'entendre la douce voix répondre à quelqu'un, cependant, alors qu'elle continuait à me caresser tendrement les joues.

- C'est bon, il va s'endormir. Vous pouvez retourner à votre pause...

The spicy benefactress~Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant