Chapitre 35 : Roxie

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- Je suis désolée mais tu ne peux pas me dire qu'il est sain d'esprit après ce qu'il vient de m'avouer, Stephen. Personne de sain ne ferait ce qu'il a fait. Je ne sais pas ce qu'il t'arrive mais il faut que tu te reprennes, restais-je ancrer dans cette réalité plus que dérangeante.

- Tu t'es toujours fier à mes indications sur les gens, Rox. Pourquoi doutes-tu aujourd'hui ?

- Parce qu'il ne s'agit pas là d'un cas banal. Ce qu'il a fait est très grave. Pour lui et pour nous.

- Je te l'accorde mais tu avais un petit doute lorsque tu as décidé de l'emmener ici, il y a une semaine. Pourquoi ?

- Je voulais commencer ce que j'aurais aimé commencer, il y a six ans, soupirais-je.

- Pourquoi d'autres ?

J'hésitais un moment à répondre. Me l'avouer à moi-même avait été déjà compliquer mais l'avouer à quelqu'un d'autre, c'était plus concret, plus vrai. Avec ce qui se passait, je n'étais pas sûr que m'exposer ainsi, était une bonne idée. Cependant, son regard insistant ne laissait pas de place au doute, il savait et ne me lâcherait pas tant que je ne l'aurais pas prononcé de vive voix. Je connaissais ces techniques... je les pratiquais constamment dans le cadre de mon travail. Cela aidait les gens à se libérer de ce qui les hantait. Il avait bien appris la leçon.

- La psy et la femme mènent bataille, n'est-ce pas ?

- Je ne nie pas qu'il attise quelque chose chez moi, Steph. Seulement, la question n'est pas là. Il n'est pas ici pour un rencart. Il est ici pour se sevrer de la drogue qu'il s'est forcée à consommer pour moi. C'est du délire que tu ne vois pas les choses comme moi !

- Tu veux que je te dise ce que je vois, moi ?

- Je t'en prie, parce que j'ai du mal à te comprendre-là.

- Je vois un homme si seul qu'il a sauté sur la première occasion de ne plus l'être lorsqu'il a appris qu'une jeune femme avait fait une telle chose pour lui. Je vois un homme prêt aux pires choses pour se rapprocher d'elle. Je vois un homme qui, avec les années, a fini par ne vivre que pour cette femme parce qu'il est tombé maladroitement amoureux d'elle mais ne sait pas gérer ce genre de sentiment parce qu'il ne sait pas ce qu'est l'amour. Un homme qui a cruellement maqué d'amour et qui ne parvient pas à gérer ce qui lui arrive, au point d'en devenir obsessionnel.

- Ah, tu avoues enfin qu'il l'est !

- Peut-être oui mais pas dangereux. Je vois un homme qui a besoin de notre aide parce que, aussi non, il va sombrer si profondément qu'il sera irrécupérable et j'ai bien peur, Rox, qu'il n'accepte l'aide de personne d'autre que toi...

Merde ! Il était doué pour attiser la culpabilité. Je jetais un coup d'œil à l'intéresser qui semblait suivre de loin notre discussion. À priori, nous nous étions éloigné pour avoir cette discussion mais cela n'avait servi à rien, tant notre discrétion était nulle.

- Que veux-tu que je fasse ? Je me trouve devant un cas de conscience, Steph...

- Je sais. Je sais aussi que ça n'a rien de facile pour toi mais peut-être que pour une fois, tu devrais mettre de côté la déontologie.

- Comment est-ce que tu fais pour réussir à détourner cette situation pour la rendre acceptable... et surtout pourquoi ? Il t'a promis quelque chose ?

Il posa une main sur son cœur de façon théâtrale.

- Tu me vexes, Rox. Je ne suis pas un homme qu'on achète. Je n'ai simplement pas les mêmes a priori que Keyron et Gilbert. Je suis du même acabit que Katie, se vanta-t-il.

Je secouais la tête devant son idiotie et me tournais face à Riley.

- Très bien. Vous restez... à une condition, prévins-je, il n'est question que de votre guérison ici. Je ne veux pas entendre parler de quoi que ce soient d'autres. J'espère que c'est bien compris. Vous allez suivre à la lettre votre thérapie et les soins qui vous seront donnés.

L'homme ne répondit pas, visiblement mécontent de la tournure des évènements. Cependant, je ne pouvais pas agir autrement. J'étais prête à faire l'effort d'ignorer mes émotions pour son sevrage. Il allait devoir en faire de même. Cela ne pourrait pas marcher autrement. Je n'étais, bien sûr, pas fermer à la discussion lors de nos séances au sujet de ce qui se passait en lui, même si cela me concernait, mais il ne fallait pas que cela dépasse le cadre de la thérapie. Cela valait pour lui, comme pour moi. Il le fallait.

Comment pourrais-je, de toute manière, envisager de laisser parler ce qu'il me faisait ressentir avec ce genre d'information ?

- Bien... maintenant, que nous avons mis tout à plat, nous allons pouvoir vraiment commencer, engageais-je en prenant place sur le fauteuil que j'occupais avant de partir en vrille. Nous parlions de votre enfance...

Son air buté n'annonçait rien de bon. Il ne semblait pas disposer à parler, préférant me fixer de ses yeux noirs perçants qui me déstabilisaient horriblement. Je gardais alors le regard bas, sur mon ipad, qui me servait à prendre des notes sur les points sensibles à travailler. Pour le moment, seul, le mot famille y figurait. Cela démontrait que toutes ces histoires avaient grandement ralenti le processus, ce qui m'emmerdait prodigieusement. Je n'aimais pas l'idée de stagner sur un patient, notamment celui-ci. Plus vite, il serait sur pied, plus vite, le poids que j'avais sur la poitrine disparaîtrait.

- Il va falloir que vous fassiez un effort, ou ce que nous faisons ici ne sert strictement à rien, monsieur Mancini.

J'entendis des pas dans mon dos et vis Stephen se diriger vers un Gilbert mécontent. J'étais douée pour mettre les hommes de cet endroit en désaccord avec moi, en ce moment. Je regardais Steph intercepter notre ami lorsque celui-ci voulut intervenir et l'entraîner hors de la pièce. Pauvre Stephen qui allait jouer les tampons pour l'énième fois !

Il fallait dire que Bert et moi avions deux forts caractères, si similaires. Lorsque nous nous confrontions sur un sujet en opposition, cela pouvait faire des étincelles.

J'attendis que les deux hommes disparaissent de ma vue pour retourner mon attention sur Riley qui n'avait pas semblé me lâcher du regard.

- Bien, où en étions-nous... ?

- Tu continuais ton simulacre de bon ton sur un air de détachement feinter alors que tu avais enfin réussi à te détacher de la façade que tu présentes à tous tes patients, me provoqua-t-il.

Je lâchais mon Ipad sur mes genoux, exaspérer. Il ne faisait aucun effort.

- Monsieur Mancini, soupirais-je, je vous demanderais de ne plus me tutoyer. Vous êtes mon patient. Je suis votre psychiatre. Dans ce cadre-là, je préfère garder une certaine distance entre nous, expliquais-je avec autant de fermeté que je le pus face à ce regard intense.

- Vous le demandez. Je ne suis pas obligé de l'accepter.

Il allait avoir ma peau. Ce n'était pas possible d'être aussi désinvolte. Il n'était pourtant pas en position de force.

- Tu veux qu'on parle de mon enfance ? Très bien, allons-y. Je suis prêt à faire ces efforts-là mais je ne te donnerais pas la satisfaction de mettre des barrières entre nous. Tu es la personne qui a initié tout ça... !

The spicy benefactress~Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant