Devais-je encore jouer le jeu de l'inconnu ? Ou devais-je mettre cartes sur table ?
Après tout, tous ces faux-semblants avaient quelque chose d'excitant mais sa manière de réagir ne me plaisait pas. Je voulais qu'elle fasse face à la réalité de ma présence, que cela la dérangeait ou non. Aussi, je ne pouvais pas lui demander de continuer de se leurrer. Même en colère contre elle, je pouvais m'empêcher de l'admirer par sa franchise. Elle ne cherchait plus à tourner autour du pot. Elle y allait franchement. Cela était une grande qualité que j'aimais chez elle.
La douleur commençait à s'éveillait dans mes jambes. Je pris sur moi de ne rien en montrer. Nous devions avoir cette conversation afin qu'elle cesse de fuir ma présence. Je serrais les poings et tentais de contrôler, au mieux, les tremblements de mes membres. Je me concentrais sur le visage de Roxie afin de ne pas sombrer dans la folie de manque, malgré la puissance que celle-ci mettait à me faire perdre la tête. Une semaine sans rien consommer. Cela était, viscéralement, une torture.
- Quelques mois après mon réveil, répondis-je brutalement après avoir laissé plané le silence de mon débat intérieur.
Elle eut un mouvement de recul et ses yeux s'écarquillèrent légèrement.
- Si tôt ? Pourquoi ?
- Je serais partie à votre recherche bien plus tôt si je n'avais pas été en convalescence, affirmais-je gravement.
La conversation qui se jouait avait une importance capitale. Mes mains, derrière la souffrance, devinrent moites de la tension qui m'animait. Elle pouvait parfaitement décider de me renvoyer chez moi. Je connaissais, par cœur, les règles, auxquelles elle était soumise dans le cadre de son métier.
- Vous avez mis beaucoup de temps à me trouver, alors ?!
Cela n'était pas vraiment une question. Elle tentait de savoir depuis combien de temps je planais autour d'elle. Elle essayait de ne pas paraître trop insidieuse mais je connaissais ses méthodes pour faire parler une personne qui n'avait pas l'intention de se confier. Elle était douée pour cela. Malheureusement pour elle, j'avais eu le temps d'apprendre ses techniques. Je savais où elle voulait me mener.
- Ça a été facile, me contentais-je d'avouer.
Elle demeura, un moment, silencieuse, les yeux dans le vague jusqu'à ce qu'ils se retrouvent hantés. Elle semblait se perdre dans ses pensées tortueuses. Aussi, je bougeais légèrement, occultant l'effort considérable que cela me demandait d'accomplir cette action, pour la ramener au moment présent. Elle était, clairement, de plus en plus nerveuse. Quant à moi, j'avais de plus en plus de mal à rester concentrer sur ce qui se disait. J'avais qu'une seule et unique envie... hurler mais je ne desserrais pas les mâchoires. Je ne voulais pas que mon état gâche cet instant.
- Pourquoi êtes-vous là ? Est-ce réellement pour le sevrage ?
Cela était une question piège. Je voulais être honnête envers elle mais la réponse à cette question était bien trop dangereuse. Je ne pouvais pas me permettre de fauter si près du but.
- Oui. J'ai suivi votre parcours de loin. J'ai vu que vous étiez devenu psychiatre. Puis, une connaissance m'a parlé de vos activités de l'ombre. Il était temps pour moi de reprendre ma vie en main. Quand je veux quelque chose, je le veux immédiatement. Vous étiez le parcours le plus cours pour y arriver, mentis-je qu'à moitié.
Cela eut bon de la rassurer. Je ne savais pas ce qui se disait sur moi, étant donné que j'étais attaché à ce putain de lit, vingt-trois heures sur vingt-quatre, mais cela ne me paraissait pas positif du tout. J'avais pu avoir un léger aperçu avant d'être ici et ce n'était pas du joli. Ses amis avaient dû lui monter la tête, un peu plus, et elle avait dû finir par y croire, un peu plus chaque jour. Si tel était le cas, cela ne jouait pas en ma faveur.
- Je peux comprendre ça mais pourquoi ne pas m'avoir dit que vous saviez qui j'étais.
- Pour les mêmes raisons qui vous ont posé un dilemme dans votre décision de m'intégrer à votre programme.
J'aurais voulu poursuivre mais les douleurs dans mes jambes devenaient intolérables, signe que leur médoc ne faisaient plus effet. Une grimace tordit ma bouche alors que je tentais de cacher ma souffrance face à ma belle. Cependant, mes limites semblaient atteintes. C'était foutrement douloureux. La torture psychologique était aussi insoutenable. Je me battais jour et nuit pour ne pas réclamer une dose mais je me devais d'être fort et résister à cet appel. De toute manière, ils ne m'en donneraient pas. Cela ne faisait pas partie du contrat. Il y avait une bonne raison aux sangles. Je vis Roxie lever le bras et actionner la rotation de la dose de morphine. Je n'allais pas tarder, malheureusement, à m'endormir. Ils me donnaient de bonnes doses pour m'aider à supporter la douleur. Néanmoins, pour cette fois, j'aurais préféré qu'elle s'abstienne. Mon sevrage venait de gâcher un moment important dans l'évolution de notre relation. Cela me mettait les nerfs. Je soupirais fortement, sentant le médicament se répandre dans mon corps, m'apportant la délivrance. Ma vision se troubla. Je pus distinguer la silhouette de Roxie, se levant de son siège. Son parfum envahit, soudainement, mes narines. Elle s'était approché, constatais-je, les yeux fermés.
- Nous poursuivrons plus tard, monsieur Mancini. Vous avez besoin de repos.
Je sombrais dans l'inconscience à sa douce voix.
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Lorsque je refis surface, je pouvais voir que la nuit était tombée, à partir de la seule fenêtre de la grande salle. La vision encore floue, je pouvais entendre des chuchotements à ma droite. Je tournais la tête vers cette direction et tombais sur trois silhouettes dans le fond, attablés. L'une d'entre elles se redressa et se mouva vers moi, rapidement. Elle fut très rapidement suivie par les deux autres. Naïvement, j'avais espéré que cela soit Roxie qui parviendrait à moi, en premier, mais cela ne fut pas le cas. Stephen s'arrêta près de moi et prit mon poignet entre ses doigts glacés. Gilbert et Roxie restèrent à distance, laissant le champ libre à l'infirmier de contrôler mon rythme cardiaque et ma tension. Je restais, cependant, fixé sur Roxie, qui en fit de même. Satisfait de constater que j'avais un minimum d'effet sur elle, mon corps se détendit instantanément.
- Son pouls est bon mais il est en hypotension.
- Il a eu de la morphine. C'est normal. Tout va revenir à la normal dans peu de temps, précisa Gilbert.
- Comment vous sentez-vous, monsieur Mancini ? Me demanda Stephen, toujours aussi précautionneux de mon bien-être.
- Mal à la tête, grognais-je sans jamais détourner le regard de la seule femme des environs.
- C'est tout à fait normal. Vous devriez vous rendormir. Ça ira mieux demain matin, me conseilla-t-il en posant sa main sur mon épaule.
Roxie fit demi-tour, sans plus un regard pour moi, et retourna s'installer autour de la table, suivis du médecin, attrapant une tasse d'un liquide fumant. Elle me tournait le dos. Elle fuyait encore. J'eus un mouvement d'épaule pour que l'infirmier me lâche et lui envoyer un coup d'œil assassin. J'étais en colère contre Roxie qui faisait mine que rien ne s'était passé. Comme elle me tournait le dos, je ne pouvais pas lui transmettre tout mon énervement. Aussi, le pauvre Stephen en était la cible. Il comprit mon humeur et s'écarta de moi en jetant un coup d'œil sa collègue avant de revenir à moi puis soupira discrètement. Il se pencha sur moi, les yeux dans les yeux.
- Je ne sais pas ce que vous lui voulez, exactement, mais si vous n'êtes pas bon pour elle, je ne vous laisserai pas l'approcher. Le docteur Adams est une bonne personne qui mérite douceur et patience. Pas vos regards emplis de haine. Je tenais à ce que vous soyez au courant, au cas où vous seriez un obsessionnel. Vous ne serez pas le premier... croyez-moi...
Il s'éloigna pour rejoindre ses collègues, me laissant avec cette sentence. De toute évidence, je venais de perdre celui que je pensais être un allié. Il n'avait aucune idée de quoi il parlait. Je n'étais pas un obsessionnel. J'étais simplement un homme amoureux...
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The spicy benefactress~Tome 1
RomanceUn changement, dû à un instant suspendu dans le temps, va changer la vie de Roxie Adams alors qu'elle se trouvait dans la fleur de l'âge. Un chemin différent de celui qu'elle s'était choisi qui va transformer ses idées bien tranchées sur ses projets...