Chapitre 37 : Roxie

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- Vous allez réellement jouer le jeu ?

- Oui. C'est inutile de s'obstiner dans le silence. Je suis là pour vos soins avant tout.

Je ne savais pas ce qui avait changer depuis notre dernière séance mais j'en étais satisfaite. Ces derniers temps, je m'étais confronté à un mur de béton. Cela n'avait pas été de tout repos. Je ne pensais pas pouvoir m'en sortir avec lui. Je commençais même à penser qu'il serait mon premier échec. Cela en avait été déprimant car il était le patient qui me tenait le plus à cœur. J'étais d'autant plus ravie qu'il se décide enfin de se donner une chance.

- Nous allons, alors, pouvoir commencer, monsieur Mancini.

Je m'installais confortablement en éloignant, légèrement ma chaise de son lit. Je tenais à maintenir une certaine distance entre lui et moi. Il ne cessait à m'observer. Il ne me lâchait pas du regard, ce qui me faisait douter de sa soudaine bonne volonté. Il avait entretenu une sorte d'hostilité, ces derniers jours, qui m'avait rendu méfiante à son encontre. Cependant, je ne pouvais pas me laisser bercer par mes préjugés. Je n'étais pas ici pour cela. Aussi, presque mécaniquement, je me mettais en condition pour laisser la femme de côté et laisser la psychiatre prendre toute la place.

- Pour commencer... Comment vous sentez-vous, aujourd'hui ?

- Stephen vient de m'administrer des antidouleurs, se contenta-t-il de répondre.

- Que dois-je en conclure ?

- Que je me sens au mieux au vu des circonstances.

Je me contentais de hocher la tête en notant que sa belle humeur n'était, que possiblement, feinter. Il cherchait à cacher un mal-être tout à fait normal à ce stade de la thérapie. Le manque était un état puissant d'impuissance et de douleur.

- Ça fait un mois que vous êtes à l'annexe. Vous sentez-vous bien ici ? Sentez-vous des changements s'opérer sur votre conscient et subconscient ?

- Ma détermination n'a pas bougé d'un pouce, fit-il vibrer à travers sa voix profonde.

Ses expressions et ses intonations me montraient qu'il ne mentait pas. Il était vraiment prêt à tout pour mettre derrière lui la connerie qu'il avait décidé de faire. Cela me satisfaisait grandement car j'avais, bien sûr, craint qu'il ne décide de tout laisser tomber après sa révélation et ma remise en question. De plus, il me parlait. Nous allions, enfin, avancer.

- Pourriez-vous me dire vos premiers rapports avec la drogue ?

- Que voulez-vous savoir ?

- Eh bien, j'aimerais que vous me racontiez ce qui vous a mené à consommer de la marijuana, en tout premier lieu.

- Nous en allons venir à ce que vous voulez depuis le début, n'est-ce pas ? Mon enfance.

- Je ne fais que vous conduire vers ce qui vous hante afin de vous aider à vous en libérer, monsieur Mancini. Je ne suis pas là pour vous faire souffrir inutilement.

Il détourna, enfin, les yeux. Le sujet était sensible. Je le savais. Aussi, je le laissais aller à son rythme. Il était décidé à s'engager dans la thérapie. Aussi, la moindre des choses que je pouvais faire pour lui était de lui laisser du temps pour s'exprimer. Ses mains se fermèrent en poings mais il ne laissait pas ses angoisses prendre le dessus. Il se battait, enfin, pour lui-même.

- Je suis né dans une famille dysfonctionnelle. Un père maltraitant. Une mère soumise. Et moi, au milieu qui assistait à la violence de ce schéma familial.

- Il frappait votre mère... mais et vous ? Est-ce que vous avez dû subir sa violence ?

- Pas au début. J'étais un garçon. Mon père espérait que je sois du même acabit que lui. Il fondait de l'espoir sur moi. Jusqu'à ce qu'il se rende compte que je n'avais pas une once de méchanceté en moi, alors il m'a fait payer l'échec de ses espoirs.

- Vous aviez la bonté de votre mère, avançais-je doucement.

- J'étais surtout un enfant. J'étais innocent.

- Vous ne l'êtes plus... innocent, je veux dire... cela vous a fait très vite grandir...

- En tout cas, je me suis très bien adapté, avec les années, aux méthodes de mon père. Surtout quand ma mère est morte.

- Que voulez-vous dire ?

- J'ai très vite appris à me défendre.

- D'autant plus que vous vous êtes retrouvé seul, après la disparition de votre mère.

- Je n'étais pas complètement seul. J'ai un frère, me surprit-il.

- Pourquoi ne pas avoir parlé de lui, plus tôt ?

- Parce qu'il n'est pas resté longtemps dans le décor. Dès qu'il a eu l'opportunité de se barrer, il l'a fait. Je ne l'ai plus jamais revu.

- Il a simplement disparu, lui aussi ?

Il hocha la tête. Son histoire était tragique.

- Vous lui en voulez ?

Jusqu'à présent, ses réponses étaient du tac au tac. Il n'avait pas pris une seconde de réflexion. Sûrement pour s'éviter de trop réfléchir à ce qu'il faisait. Cependant, cette question semblait lui demander plus d'effort de réflexion.

- Oui, un peu, je pense.

- Vous l'êtes vous avouer avant ce jour ?

- Non.

- Pourquoi ?

- Je comprends sa disparition. J'en ai fait de même dès que j'ai pu.

- Voudriez-vous le retrouver ?

Il mit, à nouveau, un moment à me répondre. Son frère semblait être un sujet suffisamment sensible pour que ses émotions apparaissent sur son visage. Ses yeux reflétaient la tristesse de ses pensées. Hors de ma porté, en tant que psychiatre, cela me touchait jusqu'à m'en compresser la poitrine. Je pris une discrète inspiration afin de garder la tête froide.

- J'aimerais seulement voir s'il a réussi à obtenir ce qui le faisait rêver par le passé.

Une étincelle. Un espoir venait de jaillir par cette phrase avouer à demi-mot. Son frère était une source que je pourrais exploiter dans le cadre de son sevrage. Il aurait quelqu'un à qui ce raccrocher.

- Comment avez-vous vécu la perte de votre mère ? Entrais-je dans le vif du sujet.

Son regard rencontra, de nouveau, le mien. Il était contrarié.

- Pourquoi toujours en revenir à elle ?

- Parce qu'elle est la seule personne qui semble vous toucher. J'ai besoin de savoir si vous êtes guéri de sa perte.

- Elle était la seule. Elle ne l'est plus, argumenta-t-il afin de me faire comprendre ce que je ne voulais pas voir. J'ai géré sa mort comme je le pouvais dans un climat de tension permanente. Je n'avais que dix ans.

- Vous avez des nouvelles de votre père ?

Ses mâchoires se verrouillèrent. Sa colère était palpable. Je savais que ses prochains mots allaient être durs. J'en avais l'habitude. Le cœur des problèmes de mes patients remontait souvent de leurs relations avec leurs parents. Il ne serait pas le premier à me faire part de sa haine face à un parent. L'impact du comportement d'un parent face à un enfant était le précurseur de sa vie d'adulte. Malheureusement, cela avait de grandes causes à effet. J'en avais la preuve tous les jours...

The spicy benefactress~Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant