Chapitre 12 : Roxie

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Je n'aurais, jamais, dû revenir dans la pièce en les entendant discuter de moi. J'aurais dû tourner le dos à leur conversation et me calmer avant de chercher à expliquer ma décision. De toute évidence, mon impulsivité avait encore fait des siennes. Je n'avais pas eu l'intention, au départ, d'aller aussi loin dans mes intentions. Me voilà, à présent, devant eux comme une idiote, à observer leur mine effarer de mon coup de sang. Stephen fit un pas en avant.

- Que veux-tu dire par là, Rox ?

Me voyant hésitante, Gilbert en rajouta une couche.

- Oui. Explique-nous parce que là, rien n'est clair ? Il est un de tes ex-amants ?

- Non... non. Il n'est rien d'autre que ce que je vous en ai dit. Seulement, avant le jour de son accident, je ne me prédestinais pas à la psychiatrie. Tout ce que je voulais, était voyager et aider les autres. Alors, j'avais, depuis l'enfance, prévue de me lancer dans l'humanitaire. Je voulais partir pour mieux aider. Puis, il y a eu cette fameuse nuit. Tout à changer pour moi. Je ne pouvais rien pour la femme mais, pour Riley, rien n'était perdu. Je l'ai veillé durant deux ans, avant de partir pour l'université. J'en ai appris beaucoup sur lui, pendant les premières semaines. C'est à ce moment précis que tout à basculer pour moi. Il a éveillé quelque chose en moi que je ne serais expliqué. J'ai fait un virage à cent quatre-vingts degrés pour m'inscrire, quelques mois plus tard, en médecine, abandonnant tout ce qui me faisait rêver, avant lui. Il a ouvert une voie devant moi et j'en suis plus qu'heureuse.

- Tu as l'impression de lui devoir quelque chose ? me demanda Stephen, l'air concerter.

- Non. Ce n'est pas le cas. Il a changé ma vie, en mieux, sans le savoir. Je veux en faire de même pour lui. Je peux le faire sans que mon passé vienne interférer dans le processus, insistais-je en fixant Gilbert.

- Si tu tiens tant que ça à l'aider, je n'irais pas contre ta décision mais je persiste à dire que tu devrais l'envoyer à un de tes confrères.

- Je refuse de laisser qui que ce soit le prenne en charge, déclarais-je, haut et fort. Nos méthodes ne sont pas conventionnelles mais elles sont efficaces. Cet homme aura ce qui se fait de meilleur... et c'est moi, la meilleure dans ce domaine.

Gilbert soupira en se détournant légèrement de moi.

- Très bien. De toute façon, quand tu as une idée en tête, tu ne l'as pas ailleurs. Impossible de t'en détourner alors je n'ai qu'à acquiescer, n'est-ce pas ?

- Effectivement.

Il se passa une main sur le visage. Il était épuisé. Je m'en voulais de lui imposer une dispute alors que nous venions de passer plusieurs jours sans véritable nuit. Cependant, je n'étais le genre de personne à laisser trainer les choses. Cette histoire réglée, nous pouvions passer à autre chose et nous reconcentrer sur notre patient actuel, que nous avions réveillé par notre discussion houleuse. Alors que Gilbert s'éloignait en direction de nos quartiers privés, Stephen et moi approchaient de Jerry, qui avait observé la scène en silence.

- Je suis désolée pour ça, monsieur Govern. Nous vous avons réveillé. Comment vous sentez-vous, aujourd'hui ?

- Bien. La douleur disparaît peu à peu. C'est agréable.

Je lui offris un sourire rassurant. Il s'en sortait bien mais je n'étais pas encore persuadée qu'il pouvait retourner dans le monde sans se laisser tenter facilement. Aussi, il demeurerait entre ses murs aussi longtemps qu'il le faudrait.

- Nous allons pouvoir arrêter, petit à petit la morphine.

L'homme semblait moins serein à mes mots. Je posais une main sur son épaule afin de lui apporter du réconfort.

- Il faut que vous appreniez à travailler sans filet, à présent, monsieur Govern. Vous en êtes capable. J'en suis sûre. Vous êtes fort, déterminé et vous avez un but, un objectif. C'est plus que beaucoup de mes patients. Vous êtes chanceux. Il ne tient qu'à vous de garder cette chance entre vos mains ou l'ignorer.

Il semblait retrouver le moral. Je me tournais, alors, vers Stephen et lui fit un signe de tête pour qu'il lui retire sa perfusion de morphine.

- N'oubliez pas, monsieur Govern. Vous êtes le seul décidant de votre vie. Vous êtes le maître de votre destin. Battez-vous pour ça. N'importe qui sur cette terre mérite le bonheur. Vous, compris.

Je pivotais afin de le laisser réfléchir à tout cela alors que la douleur allait redevenir insupportable. Avec les calmants, il allait beaucoup mieux. Cela était la première phase. Il était temps qu'il entre dans la deuxième phase. Plus de sécurité. Son corps était suffisamment fort pour le supporter. Son esprit assez solide, également. Cela n'allait pas être de tout repos pour lui mais je ne doutais pas de sa persévérance. Il pouvait le faire. J'avais une foi inébranlable en lui. J'avais foi en tous mes patients, arrivant à ce stade du sevrage.

Je me rendis dans la salle de bain, passant devant la chambre, où était allongé Gilbert. Il ronflait déjà. Ce n'était pas notre dispute qui l'empêcherait de grappiller quelques précieuses minutes de sommeil. Je fis le moins de bruit possible puis refermer la porte derrière moi. Je me tournais vers le miroir. Mon reflet me renvoyait l'image d'une femme épuisée. Étrangement, mon apparence négligée me fit horreur en pensant que j'avais pu avoir cette allure-ci lors de mon rendez-vous avec Riley puis un détail me vint à l'esprit, me faisant oublier ma coquetterie. J'avais affirmé à l'homme de mon passé qu'il avait donné, à Nora, était faux. J'avais même mentionné son véritable nom de famille et cela n'avait pas semblé le perturber plus que cela. Il en avait même eu l'air satisfait. Je n'y avais pas prêté attention avant ce moment, choquer par ces retrouvailles improbables. À présent, cela me sautait aux yeux. Comment avais-je pu rater cela ?

Le doute m'habitait. Était-il au courant pour moi ? Savait-il pour ces deux années en sa compagnie ? S'était-il renseigné sur ma personne afin de me retrouver ?

Si tel était le cas, cela allait poser un problème de taille car il ne s'agirait plus de mes propres ressentis mais celui du patient, également. Le fait que j'ai connaissance d'informations, le concernant, était une chose, certes, cependant, il ne devait pas en être de même pour lui. Il me fallait une explication. Je devais savoir si mes doutes étaient justifiés car cela compromettrait ses chances à faire partie du programme. Je ne pouvais m'engager sur ce terrain-là, même si j'en avais envie. Les soins des patients passaient en priorité.

Appuyer sur le lavabo, je baissais la tête afin d'échapper à ce regard éteint qui me jugeait par sa froideur. Je savais qu'elle était les bonnes choses à faire et je ne démordais pas sur certaines règles de ma profession. J'en étais venue à accepter de déroger à l'une d'elles pour lui. J'étais plus que prête à remettre sa vie sur les rails. Néanmoins, je n'étais pas prête à alimenter une quelconque soif de réponses en période de soin. S'il voulait avoir ses réponses, cela devrait se passer en dehors du programme. De plus, s'il s'avérait qu'il avait connaissance de mes actions, auprès de lui, sept ans plus tôt, la thérapie pourrait être corrompu. Le lien qui nous avait unis, sans qu'il n'en ait conscience, avait été trop fort, à mon sens. La seule raison qui m'avait convaincu de l'accepter en sevrage, était qu'il ne savait rien de tout cela, ce qui m'empêcherait d'outre-passer mon devoir.

Pourtant, mon esprit bataillait contre ma raison. Je n'avais aucune envie d'abandonner cet homme à ses addictions. Je ressentais le besoin vorace de l'aider... l'adolescente, que j'avais été, jadis, ressentait qu'il y avait là une chance à prendre... Une chance de réparer cet homme froid, sombre et seul...

The spicy benefactress~Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant