Chapitre 44 : Riley

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J'observais le combiné comme si c'était la première fois que j'en voyais un et ne savais pas quoi en faire. La tension dans ma poitrine grimpait en flèche. Étais-je prêt à faire face à cette réalité ?

Pourtant, je me voyais, comme si j'avais quitté mon propre corps, lever la main pour attraper celui-ci, lentement. J'avais l'impression d'être passé en pilote automatique, partagé entre appréhension et la joie.

Ces derniers mois, j'avais beaucoup donné pour en arriver où j'en étais. J'avais décidé de me révéler et étais sortie de ma cachette mais cette étape était la plus difficile qu'il soit. Quelle voix aurait-il ? Comment allait-il réagir ? Répondrait-il ?

Ma mère et mon frère avaient toujours été les seules personnes positive dans ma vie, avant de disparaître. Ils s'étaient toujours arrangé pour que la fureur de ce père violent ne m'atteigne pas, quitte à prendre des coups à ma place. Du moins, jusqu'à ce qu'ils n'en peuvent plus et disparaissent du décor. J'avais avoué ne pas leur en vouloir. Il n'y avait rien de plus vrai concernant ma pauvre mère. Elle ne l'avait pas choisi. Cependant, j'avais toujours un pincement en pensant à mon frère. La thérapie m'avait appris que cela n'avait rien à voir avec de la colère, contrairement à ce que j'avais pu croire, à un moment de ma vie, mais plutôt la tristesse de ne pas savoir où rejoindre la seule personne de ma famille encore valable à mes yeux. Steven était resté auprès de moi jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. Il avait tout donné pour moi jusqu'au point de non-retour. Il ne serait peut-être pas en vie, à cet instant, s'il était resté plus longtemps. Il avait le choix de la survie. Je ne pouvais que le comprendre.

Roxie se leva de son siège avec ce sourire qui m'enveloppait toujours d'une chaleur diffuse, habituellement. Cela ne fonctionna pas, néanmoins, cette fois-ci. J'étais comme pétrifier de la voir s'éloigner, me laissant seul à la réalité du moment. Honteusement, et m'étant mon ego de côté, pour une fois, je lui attrapais la main lorsqu'elle passa à côté de moi sans lever la tête.

- Vous souhaitez ma présence pour cet appel ? Me questionna-t-elle, une voix dégoulinante d'une compassion, dont j'avais honte, vouloir.

Je ne répondis pas mais elle comprit. Cela était une chose que j'aimais chez elle. Elle m'accordait le droit d'avancer à mon rythme sans jamais me presser. Elle était une présence constante et fiable. Elle était rassurante et douce. Il n'y avait jamais de jugement en elle. Jamais de regard méprisant sur moi. Elle ne faisait que m'envelopper d'une aura de bienveillance. Elle avait son caractère mais savait le déléguer au placard dans l'unique but d'aider ses patients. Pourtant, elle avait eu du fil à retordre avec moi mais je n'avais jamais senti de jugement de sa part. Au contraire, elle s'était battue pour moi, jour et nuit. Elle était tout simplement parfaite et je l'en aimais que davantage.

Je serrais sa main dans la mienne et elle fit demi-tour, m'obligeant à la relâcher, pour se réinstaller sur son fauteuil. Elle m'observa un moment, bouche close.

- Vous n'êtes pas obligé à faire ça, aujourd'hui, vous savez.

Je pris une profonde inspiration. J'en avais envie. Je voulais entendre la voix de ce grand frère qui avait tant fait pour moi. J'avais besoin de connaître l'homme qu'il était. En pleine capacité de mes moyens, je voulais réintégrer sa vie mais cela était terrifiant. Je n'avais pas su m'élever comme il l'avait fait. J'avais honte de moi-même. J'avais utilisé mon passé pour m'enfoncer. Il avait utilisé son passé pour gravir les montagnes mais je ne laisserais pas ma lâcheté entacher ma vie, une fois de plus. On m'offrait une seconde chance. Il me fallait la saisir. Alors, je commençais à composer le numéro de téléphone afficher sur l'écran. Chaque son que les touches produisaient faisait monter la pression dans ma poitrine. J'en avais la nausée. La boule dans mon estomac grossissait encore et encore quand la sonnerie dans mon oreille semblait s'élever un peu plus, à chaque fois. Sans que je puisse m'y attendre, une chaleur réconfortante enserra ma main libre. Je levais le regard sur celle-ci et vu la main de Roxie l'englobait. Il y avait tant de considération dans ses yeux que je faillis en lâcher le combiner. Mes mâchoires se verrouillèrent afin d'échapper aux larmes qui menaçaient de monter. Je ne m'étais jamais aussi senti entouré. J'aimais vraiment cette femme pour tout ce qu'elle était...

Au bout de la cinquième sonnerie, une voix féminine retentit à l'autre bout du fil, me coupant le souffle. Ma main, prisonnière de celle de Roxie, se resserra sur la sienne dans l'espoir de m'accrocher à elle. J'avais besoin de son soutien.

- Résidence Mancini, que puis-je pour vous ?

Je fus incapable de prononcer une seule parole. Ma voix semblait bloquer dans ma gorge. J'étais paralysé de terreur. Je ne comprenais pas ma réaction. J'avais toujours rêvé de ce moment, pourtant, mais la peur de faire une de mes innombrables erreurs me figea. Voyant ma détresse, Roxie appuya sur le bouton du haut-parleur.

- Bonjour, madame, nous souhaiterions savoir si monsieur Mancini est présent, parla, à ma place, Roxie.

- Il s'apprêtait à partir au travail. Qui le demande ?

- Je me présente. Je suis Roxie Adams. Je suis avec monsieur Riley Mancini. Le frère de monsieur Steven Mancini.

Le silence se fit à l'autre bout du fil durant quelques secondes.

- Oh... oui, bonjour madame Adams. Je suis la gouvernante de monsieur Mancini. Il m'a averti que cet appel pourrait arriver d'un moment à un autre et de lui transmettre l'appel. Pouvez-vous patienter une minute ?

- Nous attendons, confirma-t-elle. Est-ce que tout va bien ? Me demanda-t-elle après avoir laissé le temps à la femme de poser le téléphone afin d'aller chercher mon frère.

- Ça va, pus-je enfin parler.

Je n'allais pas aussi bien que je le prétendais mais le stress commençait à laisser la place à la joie. Je ne lâchais, cependant, pas sa main et elle ne semblait pas presser de la retirer. Je la fixais avec une toute nouvelle émotion, celle du dévouement. Je lui devais tant. Elle m'avait redonné l'espoir et bien plus, à présent. Elle m'avait donné une famille. Comment ne pas tomber, une nouvelle fois, amoureux d'elle ?

Cet amour-là, je le ressentais, était bien différent du précédent. Il était lumineux. Il était doux. Il était empreint d'oxygène pur.

- Madame Adams, retentit de l'autre côté du fil une voix profondément masculine.

Chacun de mes muscles se figèrent. Mon souffle se coupa. Mon frère était si loin et pourtant si proche à cet instant...

- Bonjour, monsieur Mancini. Je suis la psychiatre de votre frère. J'espère que nous vous dérangeons pas. Votre gouvernante nous a informé de votre départ imminent.

- Ce n'est pas grave. Le boulot attendra. Puis-je lui parler ? Sembla-t-il presser.

- Bien sûr, il est là, il vous entend, monsieur.

- Riley ?

J'essayais de parler mais la boule semblait être réapparue. Je me détestais pour cette réaction à cette première prise de contact.

- Excusez-le, monsieur, votre frère est très nerveux.

- Ça se comprend. Je le suis aussi. Il n'y a pas de mal, Riley. C'est tout à fait normal.

J'ouvris la bouche, dans l'espoir qu'au moins un mot sorte de celle-ci.

- Steven...

Ce fut tout ce que je pus dire. Cela semblait lui avoir fait un choc de m'entendre car on ne pouvait même plus entendre sa lourde respiration. Je me détachais enfin de ma torpeur d'angoisse et me décollais de mon siège pour m'avancer vers le téléphone.

- Je suis content de t'entendre, Steven.

Les fins doigts de Roxie se resserrent sur ma main. Elle m'adressa un sourire de fierté. Elle les bougea ensuite pour me faire comprendre de la lâcher, ce que je fis avec réticence. Elle se leva de son siège dans le but de quitter son propre bureau pou me laisser seul. Je me sentais capable, à présent, de passer cet appel sans son appui. Je la laissais donc contourner le bureau et sortir de la pièce afin de me laisser seul avec mon frère. Je reportais mon attention sur le téléphone. Steven avait ma pleine attention.

J'étais prêt à renouer avec une partie de mon passé... 

The spicy benefactress~Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant