Chapitre 30 : Roxie

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Ses accusations déguisées et sa colère m'avaient d'abord prise au dépourvu. Je ne m'étais pas attendu à tant de ressentiment de la part d'un patient. Cependant, je n'avais jamais abandonné l'un des précédents en cours de sevrage. Je pouvais, aussi, comprendre. Néanmoins, je n'avais pu m'empêcher d'exprimer une certaine colère, à mon tour, face à la sienne. Il semblait s'inquiéter du bon suivi de ses soins et cela était normal mais si sa présence ne me perturbait pas autant, je n'aurais pas cherché à fuir afin de reprendre mes esprits et reprendre la thérapie là où je l'avais laissé. Cela n'était en rien un reproche car il n'y pouvait rien. Il était innocent dans cette histoire. Il n'avait pas cherché à me perturber. Tout ce qu'il demandait, c'était de l'aide, mais je n'aurais pas pu lui apporter si je n'avais pas fait cette pause d'une semaine, loin de lui. Cela m'avait permis de me remettre les idées en place. À présent, je devais rester sur la ligne de conduite que je m'étais fermement fixé, ces derniers jours. Il était mon patient. J'étais sa psychiatre. Point barre. Au diable notre passé en commun. Au diable ce que sa présence me faisait ressentir. J'allais me comporter avec lui comme avec les autres malades avant lui. Cela avait été mon objectif principal en revenant. Du moins jusqu'à ce que je le vois allonger, seul. Je n'avais pas pu échapper au courant qui avait circulé dans mes veines lorsqu'il avait posé les yeux sur moi. C'était un enfer. Je me maudissais pour ne pas avoir vu plus tôt, l'effet qu'il produisait en moi. Cette semaine m'avait permis, également, de faire la lumière sur ce qui se passait. J'étais attiré par cet homme. Cela était indéniable. Il m'avait fallu accepter l'évidence mais, à présent, je ne pouvais penser autrement. Je l'avais été à l'époque. Je l'étais toujours, de toute évidence, et c'était une véritable plaie.

Je décidais de me calmer lorsqu'il m'apparut que notre pseudo dispute ne ressemblait en rien à un patient mécontent de son thérapeute. Cela était devenu un peu trop personnel. Il fallait que je me reprenne et que je reste fixé sur mon plan, à son encontre.

- Si vous me racontiez comment cela se passait pour vous à l'école, étant petit, persistais-je en essayant d'y aller plus doucement que précédemment afin de ne plus provoquer de crise de panique chez lui.

Il semblait hostile à évoquer cette partie-là de sa vie mais j'espérais qu'il serait plus prompt à s'ouvrir sur des sujets, au premier abord, banal. Tout était une question de test dans les premiers temps. D'autant plus, que je n'avais pas pu l'analyser avant de l'intégrer au programme. Habituellement, mes patients venaient me voir depuis de longs mois avant d'accéder au stade dans lequel il se trouvait.

- Il n'y a rien à dire, resta-t-il fermé à la discussion.

- Vous aviez des amis ?

Il leva un sourcil. Ma question semblait être banale, presque ridicule, mais la réponse pouvait m'en apprendre plus qu'il ne le croyait.

- Si je réponds à vos questions, vous devrez répondre aux miennes, marchanda-t-il.

- Je suis désolée, monsieur Mancini, mais cela ne fonctionne pas de cette manière.

- Pourquoi devrais-je me confier à une parfaite inconnue alors qu'elle ne me rend pas la pareille ?

- Parce que vous avez demandé à ce que cette inconnue pénètre votre esprit pour vous aider à guérir.

- Faisons un marché. Je répondrais à cinq de vos questions si vous répondez à trois des miennes, ne se laissa-t-il pas démonter.

Je soupirais devant son air obstiné. Cependant, si je voulais avancer avec lui, et son air buté, j'étais prête à faire des concessions.

- Très bien, monsieur Mancini. Si cela vous permet de vous ouvrir à moi, je suis partante. Cependant, je me verrais dans l'obligation de ne pas répondre si cela dépassait le cadre des limites professionnel, l'avertissais-je.

- Nous verrons bien ... laissa-t-il planer avec un le premier sourire depuis mon arrivée. Allez-y... à vous l'honneur de commencer.

Je décidais de jouer le jeu en oubliant la douceur et la délicatesse. Il voulait jouer. Nous allions jouer.

- Comment était votre mère ?

Son visage se ferma. Sa mâchoire se verrouilla. Je venais, à nouveau, de toucher une zone sensible de ses souvenirs. Cela pouvait être cruel de ma part d'aborder à nouveau le sujet mais il fallait qu'il libère la parole à ce sujet. J'étais persuadé qu'il aimait énormément sa mère. Elle lui manquait horriblement. Sa disparition lui faisait encore du mal. Il fallait qu'il parvienne à se libérer de cela et en parler librement afin d'y faire face. Je doutais qu'il n'ait jamais pu faire son deuil de cette maman.

- Douce et gentille, finit-il par dire difficilement.

- Vous l'aimiez beaucoup.

- Tout le monde l'aimait.

Je criais victoire, intérieurement. Cela avait été compliquer mais s'il continuait à s'ouvrir à moi, j'étais prête à jouer à son jeu autant de temps qu'il le voulait. Néanmoins, je redoutais qu'il son expression revancharde pour ses propres questions à mon endroit.

- Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire ce travail et monter ce programme de sevrage illégal ?

Je restais, un instant, bouche bée devant sa question. L'étincelle qui brillait dans ses yeux me fit douter. Mon cœur battait à tout rompre. Mes amis avaient-ils raison lorsqu'ils affirmaient, qu'il savaient qui j'étais ?

Merde ! Merde ! Merde !

Je me devais de me montrer aussi honnête qu'il l'avait été avec moi. Une certaine peur me prit aux tripes.

- C'est une personne qui m'a inspiré sans le vraiment le vouloir.

- Cette personne fait partie de votre vie ?

- Celle-ci sera comptée comme étant votre deuxième question, monsieur Mancini. Voulez-vous vraiment que j'y réponde ? Tentais-je une fuite.

- Vous avez raison. Je ne vais pas gaspiller mes questions pour quelque chose d'aussi banal. C'est à votre tour.

Il savait ! J'en étais sûre, à présent. Il savait qui j'étais. Il savait ce que j'avais fait, six ans plus tôt. Pourquoi l'avais-je pris dans le programme ?! J'étais trop stupide ! Il n'était pas là par hasard. Gilbert et Keyron avaient raison. Les yeux dans les yeux, ce qui se transmettait entre nous était bien plus parlant que des mots. Mes mains tremblaient fortement. Je les serrais en poing pour le cacher. Autant abattre les masques. Cela permettrait peut-être d'avancer sous de meilleurs auspices car avec des non-dits, cela risquerait d'être bien plus compliqué.

- D'accord... très bien... Combien de temps vous a-t-il fallut pour me retrouver... ?

The spicy benefactress~Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant