2. Une annonce difficile.

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- Charlie -

Vendredi 5  novembre 2022 (Angleterre)

« Alors ma chérie, c'est quoi cette nouvelle ? »

Installée sur le canapé de la maison de mon enfance, je cache mal mon sourire pendant que ma mère me regarde fixement, n'y tenant plus de savoir quelle est cette fameuse annonce que j'avais à leur faire. Oh je sais très bien ce qu'elle espère, j'ai bien vu son regard déçu lorsqu'elle a ouvert la porte et a constaté que j'étais seule. Le petit regard qu'elle a lancé derrière moi, ne trompait pas, ma mère comme tant de mères dans ce monde, n'attend qu'une chose : que je lui présente quelqu'un.

Pour elle, c'est quelque chose de primordial : trouver un mari, acheter une maison avec un jardin, fonder une famille, ah oui et sûrement prendre un chien, histoire de parfaire le tableau de réussite idéale selon elle.

Mes rêves de bruits de moteurs, d'odeur d'huile et d'asphalte fumant, de caoutchouc brûlé ... cela la dépasse évidemment. Une fille n'a rien à faire dans ce monde d'hommes. Voilà ce que j'ai entendu toute mon enfance alors que je passais mes dimanches sur la moquette du salon à regarder des « voitures tourner en rond » avec mon père pour reprendre ses mots. J'ai toujours su que c'était dans ce milieu que je voulais construire mon avenir, et malgré les réticences de ma mère, je ne me suis jamais découragée.

Heureusement les mentalités ont évoluée, et désormais être une femme dans le milieu du sport automobile n'est plus une chose impossible. Et ce qui continue de tenir le discours de ma mère sont de moins en moins nombreux, néanmoins elle n'est pas la seule.

Ce n'est pas que le côté mécanique et technique de la discipline ne m'a jamais intéressée mais clairement malgré tous les livres que mon père m'a acheté depuis que je suis petite, je n'y ai jamais rien compris. J'ai donc vite su que si je voulais intégrer ce milieu, ça ne serait pas par cette voie.

La communication, la gestion des relations publiques et des médias, le côté humain ça c'est mon domaine. L'idée de pouvoir faire la liaison entre l'écurie, le pilote et le publique par l'intermédiaire des journalistes, voilà un rôle qui me convient bien mieux. Et heureusement, me rappelle la petite voix dans ma tête, parce que l'année prochaine ça va être ton boulot.

Enfin mon « boulot » c'est un grand mot, j'ai plus l'impression que c'est un rêve qui va se réaliser. Même si je suis bien consciente que je ne serais pas là pour être spectatrice, je sais que je vais vivre des moments irréels sur les paddocks, dans les coulisses parce que je vais enfin appartenir à une écurie de Formule 1. Et je sens des papillons au creux de mon ventre rien que de formuler cette idée dans mon esprit, j'ai encore du mal à réaliser que cela va vraiment arriver.

Pas sûre que ma mère voit cela du même oeil. Elle semblait d'ailleurs plutôt ravie quand lors de ma dernière visite je lui parlé de mon énième refus et du fait que désormais je n'avais plus aucune chance de réaliser mon rêve qui pour elle n'a jamais été quelque chose de sérieux de toute manière. Elle s'était d'ailleurs empressée de me donner une liste d'entreprises qu'elle avait repérées, toutes très près de la maison, dans des domaines très féminins et dans lesquelles je pouvais selon elle postuler.

Cependant, même si je redoute un peu sa réaction, je ne peux pas lui cacher la vérité.

« J'ai trouvé un travail. »

Je la vois s'agiter sur place et échanger un regard de fierté avec mon père, et je marque volontairement une pause avant de poursuivre, de peur de voir cette lueur disparaitre lorsqu'elle saura.

« J'ai passé un entretien hier, et ils m'ont appelée ce matin. Je suis engagée. »

Quelle nuit blanche j'ai passé cette nuit en attendant l'appel de Monsieur Evans d'ailleurs, j'ai cru que j'allais finir par me rendre malade. L'entretien c'était bien passé et le petit clin d'œil de la dame de l'accueil me semblait encourageant, cependant rien n'était joué.

Celle qu'il n'attendait pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant