Chapitre 1

181 13 22
                                    


Je me souvenais de la toute première photo que j'avais prise, avec mon premier petit appareil photo. Ma grande sœur qui coupait mon gâteau d'anniversaire. Lorsque j'avais appuyé sur le bouton, mon cœur avait reçu un petit pic d'adrénaline, et en voyant le résultat, j'avais été plus fière que lorsque j'avais appris à marcher, à faire du vélo, ou même lors de l'obtention de mon premier A+. J'étais la plus heureuse petite fille du monde.

Et aujourd'hui, lorsque j'appuyais sur ce même bouton, je ressentais toujours la même chose. Sentir l'appareil dans mes mains, son poids sur la sangle pesant sur ma nuque, l'œil dans le viseur et le doigt sur la bague du focus. C'était toujours cette même magie, cette fusion entre mon appareil et moi. Je ne faisais qu'un avec l'objectif, et chaque image que je prenais s'imprimait en moi comme sur une pellicule argentique que je garderai à jamais.

J'ai retenu ma respiration. Un dernier coup d'œil à l'histogramme pour m'assurer de la bonne exposition, et j'ai appuyé. Le corps du mannequin m'est apparu, comme pour confirmer ma satisfaction. La lumière semblait couler sur sa peau comme une eau pure, et ses longs cheveux blonds volaient autour de ses épaules avec légèreté. J'ai laissé mon appareil pendre autour de mon cou et je me suis tournée vers Robert qui vérifiait sa photo.

– Je pense qu'on n'est pas mal ! Tina, ça donne quoi ?

– C'est bon pour moi, ai-je confirmé.

Robert a souri tandis qu'un agent indiquai au mannequin qu'elle pouvait aller se rhabiller et que la journée était finie. L'assistant de Robert a éteint les projecteurs tandis que je passais en revue tous les clichés que j'avais pris. Certains étaient particulièrement ratés, mais la plupart étaient réussis. Rapidement, toute l'équipe marketing de la marque de maquillage a sauté sur mon patron pour voir ses photos. J'ai ris avant d'aller aider l'assistant à démonter le matériel. Mon jeune âge me permettait souvent de passer pour une débutante et de ne pas attirer l'attention sur moi, et j'aimais plutôt ça. Robert savait très bien ce que je valais. Cela faisait maintenant deux ans que l'on travaillait ensemble sur de multiples projets de publicité ou de shooting d'amateurs, et malgré la réticence des marques à embaucher une toute jeune photographe, Robert ne s'engageait que si j'étais avec lui. Malgré notre différence d'âge, il était devenu un bon ami avec qui partager ma passion tous les jours.

Lorsqu'il a été débarrassé des commerciaux, Robert est venu vers moi.

– Tu me passeras tes photos demain ?

– Ok ! On se retrouve à ton bureau ?

– Oui, on fera les retouches là-bas. Et puis l'après-midi, j'aurais un rendez-vous donc je te laisserai continuer sans moi.

– Très bien. A demain !

J'ai rangé mon appareil dans ma sacoche et je suis sortie du studio surchauffé par les projecteurs. Il était bien plus tard que ce que j'imaginais, et j'ai remarqué plusieurs messages de Chris que j'ai ignorés pour rentrer au plus vite chez moi.

***

– Je suis rentrée ! ai-je annoncé en poussant la porte.

Pas de réponse. Pourtant, Chris était là, la lumière de la télévision éclairait le salon. Je me suis approchée du canapé, et je l'ai trouvé, avachi contre l'accoudoir, les yeux rivés sur son téléphone. Une assiette sale était posée sur la table basse devant lui.

– Coucou.

– Salut, a-t-il répondu sans me regarder. Tu rentres tard.

Up and AwayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant