Chapitre 28

41 7 0
                                    


Tout mon corps était paralysé. C'est à peine si je pouvais respirer.

Quelques minutes plus tôt, tout s'était illuminé. Tout autour de moi rayonnait d'un espoir vibrant. Et voilà qu'en un instant, tout avait disparu.

Tu aurais pu t'en douter... Bien sûr... Toutes les discussions autour de cette chanson me sont revenues comme une évidence. « Ça fait des semaines que je suis dessus... », « Je viens de m'y remettre... » ... Il l'avait commencé bien avant de me connaître, et j'étais tombée dans son piège, si facilement.

Comment avais-je pu croire à ces mensonges si évidents ? Comment aurait-il pu sincèrement s'intéresser à moi ? Tous avaient essayé de m'en convaincre. Mais comment cette âme vide et ce corps disgracieux pouvait-il sincèrement plaire à l'homme qui avait tout à porter de main ?

Un jeu... Une distraction de tournée...

Tous ses sourires charmeurs, ses regards de braises, les mots qu'il avait dû adresser à tant d'autres avant moi... Les paroles qu'il ne m'avait jamais montrées... Tu étais une proie si facile...

Quelque chose a cédé dans ma poitrine. Tout s'est écroulé dans un amas de poussière : mon espoir d'être un jour quelqu'un à ses yeux. Réduit en cendre. La douleur a traversé mon corps comme la foudre et mon cœur m'a paru s'ouvrir en deux pour déverser à mes pieds tous les mensonges qu'il avait bêtement assimilé. Pourquoi, après des années d'indifférence, ressentais-je une telle souffrance ? Était-ce donc ça, le prix à payer pour avoir cru au bonheur ?

Les mots de Marina avaient détruit tout ce qu'il me restait. Pas par leur méchanceté. Mais par leur justesse. Elle avait raison. Entièrement raison. Et mon dieu, qu'est-ce que la vérité faisait mal. Elle anéantissait tout ce à quoi je m'étais accrochée, désespérément. Et désormais, je tombais en chute libre, dans le vide et l'obscurité, démunie, seule. Brisée.

Je ne me rappelais pas d'être sortie de la loge. Pourtant, j'ai repris conscience au milieu de la foule, dans l'un des couloirs centraux traversant la salle. Loin de la scène. Le concert avait commencé depuis longtemps : les garçons semblaient déjà essoufflés. Dans mes mains, mon appareil pesait des tonnes, mais je n'avais pas la moindre envie de shooter. Pour la première fois, même la photo ne suffirait pas à m'apaiser.

Je me suis mise en pilote automatique. Pendant l'heure qui a suivi, je levais le boitier, me stabilisais, réglais les paramètres et appuyais sur le déclencheur, sans la moindre attention, sans le moindre plaisir. Je cadrais seulement quatre des artistes, omettant volontaire le dernier. Je n'en avais pas la force.

A l'entracte, j'ai réussi à trouver l'énergie de regagner les coulisses. Plus par nécessité de reposer mes oreilles que par envie de retrouver le groupe. Tout le monde parlait, riait, s'agitait dans tous les sens, exactement comme à tous les autres concerts. Tout paraissait si normal. Le monde tournait encore, alors que le mien s'était arrêté net.

Et lorsque mon regard s'est posé sur la cheffe maquilleuse, repoudrant Louis avec bien trop de minutie, c'en a été trop. Le souffle coupé, j'ai tourné les talons et j'ai quitté la pièce.

Au fond de moi, j'espérais. J'espérais que Louis me rattrape, qu'il me demande ce qui n'allait pas, ou plutôt qu'il lise dans mes yeux, comme il le faisait si bien, qu'il me rassure et qu'il me prenne dans ses bras. Qu'il me dise que tout ça était faux, qu'il ne jouait pas, que je n'étais pas qu'une distraction. Qu'il me révèle enfin les paroles de sa chanson secrète. Mais il est resté dans les mains de Marina, sans un regard vers moi.

– Hé, Tina, prends une pause ! m'a hélé Niall en me croisant.

Je ne me suis pas arrêtée, incapable de lui répondre.

Up and AwayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant